La bourde de François Hollande sur la dette à Haïti

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A Pointe-à-Pitre, François Hollande M. Hollande a surpris l’auditoire avec une formule prêtant à confusion: «Quand je viendrai à Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons»… REUTERS/Gilles Petit

En inaugurant en Guadeloupe le Mémorial ACTe, le plus grand centre au monde de commémoration de la traite esclavagiste, François Hollande a fait une déclaration forte à l’attention des Haïtiens. Le président français a annoncé qu’en venant à Port-au-Prince mardi 12 mai, il s’acquitterait de la dette que la France a envers son ancienne colonie. Mais il n’est en fait pas question d’une restitution financière réclamée par de nombreux Haïtiens.

Avec notre correspondante à Haïti, Amélie Baron

Les mots prononcés par François Hollande ont réveillé la revendication portée par un grand nombre d’Haïtiens : que la République des Caraïbes récupère enfin l’argent qu’elle a dû verser à la France après son indépendance.

Après sa naissance suite à sa victoire sur les troupes napoléoniennes, Haïti, la première République noire de l’histoire, se retrouve isolée sur la scène mondiale alors dominée par les puissances coloniales et esclavagistes. Pour obtenir sa reconnaissance par la France, Haïti commence alors à payer des indemnités pour compenser les pertes de revenus des colons. Les vainqueurs ont versé en franc-or aux vaincus l’équivalent de 17 milliards d’euros. C’est cette injustice de l’histoire que les Haïtiens veulent voir réparer, car nombre d’entre eux expliquent que cette somme versée aux Français a plongé Haïti dans la pauvreté.

La déclaration de François Hollande a suscité un élan de joie sur les réseaux sociaux avant d’être rapidement stoppé. Le président français ne s’engage qu’à un acquittement moral de la dette et non financier. Plus qu’insuffisant, jugent certains Haïtiens qui attendent désormais de pied ferme l’arrivée du président français dans le pays ce mardi 12 mai 2015.

Par RFI

 

 

François Hollande le 10 mai, à Pointe-à-Pitre.
François Hollande le 10 mai, à Pointe-à-Pitre. © Alain Jocard/AFP

François Hollande, entouré de plusieurs chefs d’État de la région et d’Afrique, a inauguré dimanche le Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage (ACTe), à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.

Ils ont franchi le « passage du milieu » : les présidents sénégalais Macky Sall et malien Ibrahim Boubacar Keïta étaient à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)

ce 10 mai pour participer avec le président français Fançois Hollande à l’inauguration du Mémorial ACTe,

Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage.

Si le président du Bénin Boni Yayi avait dépêché pour le représenter ses ministres de la Culture et des Affaires étrangères, le président haïtien Michel Martelly était aussi présent ainsi que bon nombre de représentants des pays et collectivités de la Caraïbe, et la secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, Michaëlle Jean.

De son côté, François Hollande était venu accompagné d’une nombreuse délégation, au sein de laquelle on comptait la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, celle de la Justice, Christiane Taubira, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, etc.

Un acte symbolique fort

Alors que la France reste très impliquée militairement en Afrique, alors que la xénophobie ne cesse de s’exprimer de façon odieuse en métropole, l’inauguration du Mémorial ACTe dans les petites Antilles – où s’exprima le pire de l’esclavage à la française – est un acte symbolique fort. Sous les auspices des écrivains Edouard Glissant et Aimé Césaire dont les mots puissants furent rappelés par les voix des comédiens Jacques Martial et Alioune Cissé, le monument voulu depuis 2004 par le président de région, Victorin Lurel, vient de prendre vie. Il ouvrira ses portes au public en juillet 2015.

Pour Jacques Bangou, maire de Pointe-à-Pitre, le Mémorial ACTe doit être « le moteur de la reconstruction d’un quartier » et lancer « la création d’une ville nouvelle », mais il doit surtout permettre de « cultiver tous les ferments de la mémoire ».. Même type de discours chez Victorin Lurel qui ne veut pas d’un « lamentarium » et préfère parler « d’action resurrectionnelle ».

« En ce 10 mai, journée de mémoire de la traite négrière, vous vivez la métamorphose d’un site en un temple dédié aux âmes de nos ancêtres, a-t-il déclaré. Le Mémorial ACTe sera leur Panthéon.  » Si le lieu, qui ne se veut pas un musée d’Histoire figé dans le permafrost de la douleur, est appelé à jouer un rôle véritablement international, il est particulièrement important pour la Guadeloupe où le souvenir de l’esclavage est encore vécu de manière honteuse. « Il s’agit d’une réconciliation avec nous même, avec la République, avec l’Europe, a ajouté Lurel. Il s’agit de panser et refermer les blessures de l’histoire dans une démarche de vérité et réconciliation comme le firent en leur temps Nelson Mandela et Desmond Tutu en Afrique du Sud. »

François Hollande souligne la résilience des déportés

Pour le président français, cette inauguration est « un événement international majeur ». Ne refusant  pas la repentance comme son prédécesseur à l’Élysée, Nicolas Sarkozy, il a ainsi déclaré : « La France peut regarder son passé en face car elle est un grand pays qui n’a peur de rien et surtout pas d’elle-même. » Volontiers lyrique sur l’horreur de l’esclavage, l’enfer du fouet et du Code noir, François Hollande a aussi salué avec vigueur la résilience incroyables des déportés africains que les maîtres ne parvinrent jamais à déshumaniser.

« Que de courage dans les mutineries, dans les évasions ! Quelle force d’âme ! »

« Que de courage dans les mutineries, dans les évasions ! Quelle force d’âme ! » s’est il exclamé avant de saluer avec emphase le rôle primordial joué par Haïti dans cette lutte pour la liberté. Soulignant la présence de Michel Martelli à ses côtés, il a rappelé la demande d’indemnisation faite par les anciens maîtres aux esclaves désormais libres, véritable « rançon de l’indépendance ». « Sous Charles X, ce sont 150 millions de francs or qui ont été réclamés », a déclaré le président avant de promettre : « En Haïti, j’acquitterai la dette que nous avons. » Un engagement qui lui a valu des applaudissements nourris.

Le Mémorial ACTe se voulant un lieu en prise avec le présent, François Hollande a terminé son discours en insistant sur la nécessité de lutter contre « les nouveaux négriers », « les passeurs criminels » et ceux qui « s’inventent des prétextes religieux pour justifier leurs crimes ». Soulignant l’attachement de la République à la laïcité, il a mis en garde contre le « poison mortel du racisme » qui n’épargne aucune société.

À l’intention des Outre-Mer, il a aussi rappelé que la France avait « souvent tergiversé » sur les droits des ultramarins et qu’il s’engageait à aboutir enfin à « l’égalité réelle ». Se voulant résolument au-dessus des partis, François Hollande réalise là une belle opération de promotion, sur le plan régional comme national et international. Comment le Mémorial ACTe jouera-t-il le rôle pacificateur qu’on veut lui donner ? L’avenir le dira. Mais il ne fait aucun doute que ce centre était une nécessité.

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20150510201859/

Posté par rwandaises.com