La crise burundaise va s’aggravant faute d’une intelligence du cœur de la part du pouvoir et d’une médiation en perpétuel changement de personnages et surtout d’agenda. Une résistance armée a vu le jour et ce n’est ni le déni, ni la manipulation qui l’empêcheront d’exister.
L’insensibilité du pouvoir
Dans toute société, sous tous les cieux et de tout temps les crises ont existé. Le génie des humains a chaque fois consisté à sortir des difficultés enrichi, fortifié, pacifié. Si au lieu d’une amélioration la réalité s’envenime, c’est l’échec du leadership. Cela signifie que les premiers responsables n’ont pas su gérer, anticiper, dialoguer, donner à la partie adverse pour qu’une solution soit envisageable ou mieux, trouvée.
Le président Pierre Nkurunziza a souhaité rempiler. Mais il a oublié de préparer les esprits : c’est la signification profonde de la note de son chef des renseignements de l’époque. Il a échoué à se conformer à la loi : c’est le rejet de la proposition d’amendement de la constitution par le parlement. Son adoubement par le CNDD-FDD pour les présidentielles de cette année 2015 fut une victoire à la Pyrrhus : la direction du parti s’est disloquée au point de se demander aujourd’hui qui de lui ou du groupe appelé « Frondeur » incarne réellement le CNDD-FDD…
Faute d’un plébiscite populaire, le candidat-président opte pour la manière forte : au niveau du parti, un congrès est organisé sous bonne garde et lui accorde un blanc-seing à la stalinienne. Les mécontents du sérail iront voir ailleurs… Les institutions clés devant régir de près ou de loin le processus électoral sont mises au pas. Seuls, quelques « Justes » au sein de la CNI et de la Cour Constitutionnelle refusent la trahison de leur noble fonction et s’exilent. Mais avant eux, le peuple est descendu dans la rue. Et la mort les guettait : une centaine est déjà tombée sur le champ des martyrs. Un nombre inconnu d’autres sont enlevés et torturés selon des témoignages de rescapés. D’autres croupissent dans des prisons-mouroirs. Tous les conseils d’amis proches et éloignés, toutes les condamnations du monde semblent glisser sur une conscience politique caparaçonnée d’une cuirasse à l’épreuve de toute compassion, de toute empathie, de toute réflexion nuancée.
Les louvoiements de la médiation
Heureux qui peut suivre les méandres de la médiation burundaise. L’Union Africaine, au même diapason que les Nations Unies, les Etats-Unis et l’Union Européenne, avait condamné sans ambages les tentatives de briguer un troisième mandat de la part du président sortant et toute idée d’élections sans un contexte de paix rétablie, de libertés publiques recouvertes pour tous. Cela n’a pas empêché la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est de reconnaître les dernières élections législatives et même implicitement admettre le troisième mandat tant décrié. Ce sont ces louvoiements qui déroutent la classe politique et l’amènent à se rebiffer. S’ils ne sont pas soupçonnés de complicité avec le pouvoir, les médiateurs sont suspectés d’accointances avec l’opposition.
Iacta alea est !
Face à un pouvoir hermétique à toute ouverture en faveur de l’opposition et de la société civile, confrontée à une médiation erratique la population burundaise a résisté d’abord pacifiquement. Mais la patience a ses limites, le peuple a opté en désespoir de cause pour une résistance armée jusqu’au jour où la raison prévaudra dans le chef et dans l’âme de nos dirigeants.
Par Ngendahayo Jean Marie
Posté le 17/07/2015 par rwandaises.com