Une ordonnance de non-lieu vient d’être rendue par le juge en charge du dossier de l’abbé Wenceslas MUNYESHYAKA. Cette décision est encore plus incompréhensible que celle contenue dans le réquisitoire du Procureur car on sait que le Parquet peut être parfois aux ordres… En refusant de déférer l’abbé MUNYESHYAKA devant la Cour d’assises de Paris, la justice française se singularise une nouvelle fois. Cette décision, du point de vue des victimes et de leurs avocats, est tout simplement inacceptable. La FIDH et la LDH ont fait savoir qu’elles allaient faire appel. Le CPCR devrait en faire autant.Cette affaire a connu de nombreux rebondissements. Alors que Wenceslas MUNYESHYAKA était visé par une plainte devant la justice française depuis 1995, le TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) avait fait savoir en 2007 qu’il souhaitait l’extradition du prêtre qui officie dans la paroisse de Gisors en Normandie. Pour annoncer ensuite, en cours de procédure, qu’il finissait par renoncer à cette demande et qu’il demandait à la France de juger l’abbé MUNYESHYAKA. Même décision d’ailleurs en ce qui concerne monsieur Laurent BUCYIBARUTA, ancien préfet de Gikongoro, centre névralgique de l’Opération Turquoise. Pourquoi un tel revirement ? Personne n’a jamais vraiment su pourquoi même s’il s’est dit que la France n’était pas étrangère à cette demande. Seul Dominique NTAWUKURIRYAYO, ancien sous-préfet de Gisagara (sud du Rwanda) sera finalement extradé. Condamné à 25 ans de prison en première instance, il verra sa peine ramenée à 20 ans de détention.
Il aura donc fallu 8 ans, depuis ce renoncement du TPIR, mais 20 depuis le dépôt de la première plainte, pour que la justice française se prononce finalement pour un non-lieu ? Au vu des faits reprochés à l’abbé MUNYESHYAKA, personne ne peut comprendre une telle décision, à part bien sûr ses avocats et ceux qui se sont étonnamment rangés dans son camp. Nous aurions souhaité qu’un jury populaire puisse se prononcer sur la responsabilité de l’abbé MUNYESHYAKA. Ce sera maintenant à la Cour d’appel, en dernier ressort, de donner son avis.
Une suggestion cependant. Le TPIR attend la fin du procès en appel de Pauline NYIRAMASUHUKO et consorts pour fermer ses portes. En vue de cette fermeture, a été créé le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (le « MTPI »). Lors de la célébration du vingtième anniversaire du TPIR, Le Juge Vagn Joensen, Président du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, évoquant les travaux et les réalisations du TPIR au cours des vingt dernières années, a déclaré :« [S]i la fin du mandat du TPIR approche, n’oublions jamais que la quête de justice continuera après sa fermeture grâce au Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux qui poursuivra les efforts considérables déployés par les Nations Unies depuis 20 ans ».
Puisque “la quête de justice continuera après la fermeture” des Tribunaux internationaux “grâce au MTPI”, exigeons que le Mécanisme de suivi reprenne les dossiers MUNYESHYAKA et BUCYIBARUTA dans la mesure où la justice française se montre incapable de tenir sa promesse de les juger. En juin 2004, déjà, la justice française avait été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour “retard apporté à rendre la justice”. Onze ans déjà ! Et pour quel résultat ? C’est infâmant.
*Alain Gauthier, auteur de ce texte, est président du CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda). Créée en 2001, le CPCR est une association française qui prépare des plaintes à l’encontre des présumés génocidaires rwandais exilés en France.
Publié le 8-10-2015 – ‘ par Alain Gauthier
Posté le 10/10/2015 par rwandaises.com