Directeur de la photographie, Philippe Van Leeuw a entrepris de réaliser ce premier long métrage dans un seul but, donner à voir ce que l’on n’a pas voulu voir, entre avril et juin 1994 : le génocide perpétré au Rwanda contre les Tutsi, qui a fait 800 000 victimes. Parmi les cibles des exterminateurs, pas une, ou presque, n’a été sauvée par la communauté internationale. Les survivants ont dû leur salut à la victoire du Front patriotique rwandais de Paul Kagamé, qui dirige toujours le pays.
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Quinze ans plus tard, le cinéaste belge met en scène deux personnages dans une fiction qui puise dans la masse inépuisable des témoignages. Jacqueline (Ruth Nirere) est nounou dans une famille d’expatriés européens. Au moment où ceux-ci sont évacués, elle est cachée dans le faux plafond de leur villa.
Elle échappe ainsi aux tueurs et tente de rejoindre ses enfants. Elle fuit ensuite vers l’ouest du pays, dans les marais où se sont cachés des Tutsi que les villageois hutu venaient chasser chaque jour du génocide, à la machette ou au fusil. On trouvera une relation très précise de ce moment dans les deux livres de Jean Hatzfeld, Dans le nu de la vie, évocation des victimes à travers la parole des survivants, (Seuil, 2003), et Une saison de machettes, qui fait parler les bourreaux, (Seuil, 2000).
Tout le reste est mort
Le jour où Dieu est parti en voyage fait l’économie des explications historiques ou géographiques. On ne voit qu’une femme à qui l’on refuse le droit de vivre, bientôt rejointe par un homme, lui aussi pourchassé.
Van Leeuw veut donner chair et vie à ces victimes qui ont survécu des jours, des semaines ou des mois au début du génocide avant d’être tuées à leur tour. Sa volonté s’appuie sur le dépouillement de la mise en scène (rien à voir avec la frénésie des productions britanniques comme Hotel Rwanda, 2005, ou Shooting Dogs, 2006) et l’intensité de son interprète que l’on dirait prisonnière d’un entre-deux, dans lequel le corps continue de vivre alors que tout le reste est mort.
La dignité et la rigueur de la démarche suffisent-elles à justifier la mise en scène fictive d’un crime qui n’a que peu d’égaux dans le siècle ? Pas sûr. D’abord parce que les documents écrits abondent, qui permettent de comprendre et parfois d’approcher la réalité, sans courir le risque du spectaculaire, inévitable du moment où l’on recrée les événements. Ensuite parce que l’absence d’explications historiques rendra le film presque inintelligible aux spectateurs qui ignorent le détail de la tragédie rwandaise – les marais qui furent le lieu de terribles massacres peuvent ainsi apparaître comme un symbole. Enfin parce que Van Leeuw fait parler ses deux personnages en français pendant que les génocidaires (que l’on voit peu à l’écran) hurlent en kinyarwanda.
Ce parti pris produit un violent contresens qui fait croire que la langue commune à tous les Rwandais était celle des bourreaux, alors que le français était celle des victimes. Etant donné le rôle de la France dans les événements qui ont conduit au génocide, l’effet est désastreux.
Film belge de Philippe Van Leeuw avec Ruth Nirere, Afazali Dewaele. (1 h 34.)
Thomas Sotinel
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/10/27/le-jour-ou-dieu-est-parti-en-voyage-une-fiction-contestable-sur-le-genocide-au-rwanda_1259330_3476.html
Posté par rwandaises.com