Le gaz du lac Kivu enfin exploité
(La Libre 26/07/2008)

Longtemps attendue, l'exploitation du gaz méthane démarre enfin. La première usine d'extraction produira de l'électricité dans un mois.
Soixante-dix ans après sa découverte, le gaz méthane du lac Kivu à l'ouest du Rwanda va enfin être exploité. Une unité d'extraction a été installée en mai à 3,5 km au large par la société israélienne Ludan Engeneering. Elle utilisera ce gaz pour produire 4,5 à 5 mégawatts d'électricité. Ils s'ajouteront aux 32 MW actuellement produits par les centrales hydroélectriques et les coûteuses centrales thermiques du pays, insuffisants pour satisfaire les besoins des industriels et des particuliers en nombre croissant.

C'est un gazoduc plongé à 550 m de profondeur qui transportera le gaz jusqu'à la centrale. "Dans un premier temps, le gaz sera brûlé au sommet de la centrale pendant que l'on procède à l'installation des machines qui doivent le transformer en électricité", explique un technicien sur place.

Ce projet dénommé Kibuye 1, soutenu par International Finance Corporation (IFC), membre du groupe de la Banque mondiale, et le gouvernement rwandais, a démarré en septembre dernier. La production d'électricité est prévue pour le mois d'août. Les travaux de construction d'une autre centrale sont déjà en cours.

Claude Gibaud, chef de mission de la société française Data environnement, qui a signé fin 2007 un contrat avec la REC (Rwanda Energy Company), filiale du Rwanda Investiment Group (RIG), explique, avec fierté, qu'en trois mois, sa société va mettre à son tour en place une station sous-marine pour produire de l'électricité :" Nous allons en premier lieu montrer que le système d'extraction marche, c'est-à-dire que le gaz brûle, puis en second lieu mettre en place un gazoduc". Selon lui, la centrale sous-marine utilisera pour fonctionner l'eau bouillie par les machines sous l'eau et non celle du gaz extrait.

Remplacer le bois

Ces installations suscitent l'enthousiasme de la population. Alexis Masengesho, de Gisenyi, s'impatiente :" Nous avons trop attendu l'aboutissement de ce projet. Il est temps de jouir de ses fruits : acheter de l'électricité moins cher !". D'autres, comme Kamegeli, estiment que le prix de l'énergie a peu de chance de diminuer : "Partout, il y a de l'inflation. Si au moins le gaz méthane stabilisait le tarif du courant, son apport serait incomparable".

Actuellement 1 KW coûte cher : plus de 120 Frw (0,25 $) pour les clients ordinaires et à 105 Frw pour les usines. La Bralirwa, la brasserie de Gisenyi, qui a été la première à utiliser ce gisement de gaz peu de temps après sa découverte comme combustible pour une de ses chaudières, attend avec impatience le démarrage des centrales électriques qui doivent d'abord l'approvisionner en courant électrique et profiter aux habitants de Gisenyi et de Ruhengeri.

L'état rwandais veut que d'ici à 2010 le pays produise au moins 50 MW d'électricité pour remplacer peu à peu le bois et les braises, aujourd'hui principales sources d'énergie du pays. Seuls 70000 des 10 millions de Rwandais bénéficient actuellement du courant électrique. D'autres contrats sont en cours, précise Albert Butare, secrétaire d'Etat au ministère du Commerce et de la Promotion des investissements, pour une production future évaluée à 200 MW… Le lac peut en produire 700 MW (côté Rwanda et RDC) dont seulement la moitié sera exploitée côté rwandais.

Les réserves de gaz sont, en effet, énormes : 39 milliards de m3 exploitables. Et selon le site de l'UPEGAZ (Unité de production et d'exploitation du gaz méthane dans le lac Kivu) "le fait que ce gaz se renouvelle à un rythme de 120 millions de mètres cubes par an en fait une ressource pratiquement inépuisable". Si la production d'électricité est la priorité, ce gaz pourra aussi être valorisé comme carburant dans les transports, comme combustible dans l'industrie et enfin comme matière première dans la fabrication de l'urée (pour les engrais), du méthanol…

Fulgence Niyonagize

Mis en ligne le 26/07/2008