« NOS arrière-grands-pères étaient nés au Zaïre. Mais, le mois dernier, les soldats zaïrois nous ont dit qu’on était rwandais. Ils nous ont chassées vers le Rwanda avec nos enfants et ont tué nos maris »… Abia, environ cinquante ans, et Julia, trente-six ans, racontent leur exode à Annie Thomas, envoyée spéciale de l’AFP. Avec une centaine d’autres femmes et enfants, elles sont arrivées fin septembre au Rwanda, où elles ont été provisoirement installées dans une école protestante, à Gitarama.

Elles sont toutes « banyamurenge » – la composante tutsi de cette partie de l’Est zaïrois qui, avant la conférence de Berlin codifiant en 1895 les diktats venus des puissances coloniales en matière de frontières, était partie intégrante de l’ancien royaume du Rwanda – « ethnie » aujourd’hui accusée par le régime de Mobutu de constituer une sorte de cinquième colonne au profit du gouvernement d’union nationale de Kigali. Quitte, pour cela, à rayer de la mémoire collective africaine les traditions issues de la période précoloniale, et, dans un passé tout proche, les exactions racistes multipliées par les interahamwe (tueurs de la dictature rwandaise défaite en juillet 1994) appuyés par des militaires de l’armée zaïroise. « Mardi, conclut Annie Thomas, les femmes banyamurenge de Gitarama priaient dans une salle de l’école. Certaines pleuraient en pensant à leur mari mort et à leur village abandonné. »

Lundi, l’envoyé spécial du journal britannique « The Guardian » avait déjà livré cet autre témoignage : « Nous savons où le Zaïre a appris à nous persécuter, nous les Banyamurenge. Nous avions des problèmes avant, mais, quand les Hutu du Rwanda sont arrivés, les choses se sont compliquées. La situation est devenue plus dangereuse depuis que le gouvernement essaie de nous prendre nos terres et nous dit que nous devons retourner au Rwanda. Mais nous n’y sommes jamais allés et ils ne peuvent pas nous forcer parce que nous savons nous battre »…

J.C.