Il faut remettre les connaissances de Nicolas Sarkozy sur l'Afrique à niveau»

Conférence de presse de Nicolas Sarkozy le 26 juillet 2007 à Dakar

Patrick Kovarik AFP ¦ Conférence de presse de Nicolas Sarkozy le 26 juillet 2007 à Dakar

 

Historienne, Adamé Ba Konaré est aussi l’ancienne première dame du Mali et la fondatrice de Mémoire Afrique, un comité de veille sur l’histoire du continent Africain. Choquée par les propos du président français Nicolas Sarkozy lors de son «discours de Dakar», le 26 juillet 2007, elle publie une réponse intitulée «Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy» (Ed. La Découverte).

Pourquoi vous a-t-il semblé important de publier ce livre?
Mes collègues historiens et moi-même avons été choqués par le discours de Nicolas Sarkozy (à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, ndlr), par son appréhension de l’histoire du continent africain. Notamment lorsqu'il affirme que le drame de l’Afrique, c’est «de ne pas être suffisamment entré dans l’Histoire». On sait qu’une telle idée est battue en brèche depuis au moins un siècle, je m’étonne donc de cette vision statique. Il dit aussi que le continent africain est un continent immobile et répétitif, il évoque les bienfaits de la colonisation… Ces thèmes relèvent du mépris et de l’arrogance. Cela me rappelle certains textes de l’époque coloniale qui développaient les mêmes idées. C’est un immobilisme de la pensée. Selon moi, le président Sarkozy n’a pu que pécher par méconnaissance.

Ce livre est donc une démarche généreuse, sans colère, pour lui permettre, ainsi qu'à son entourage, de mieux s’imprégner de l’histoire de l’Afrique. J’ose espérer qu’ils prendront cette démarche au sérieux, avec beaucoup d’humilité.

Comment expliquez-vous cette méconnaissance?
Malgré les déclarations tonitruantes sur les relations franco-africaines, il y a un manque d’intérêt pour le continent africain. J’ai le sentiment qu’au niveau d’une certaine classe politique et d’une certaine intelligentsia française, l’effort n’a pas été fait de bonifier les connaissances sur l’Afrique. La France a un siècle de retard en la matière.

Comment avez-vous construit ce livre?
Lorsque j’ai pris connaissance de l’intégralité du discours de Nicolas Sarkozy, j’étais tellement horripilée que j’ai lancé un appel sur le Net. Plus de 500 personnes ont réagi, des historiens, ethnologues, philosophes et des citoyens lambda, aussi bien africains que français. J’ai décidé de recentrer ce travail sur l’Histoire et j’ai collecté 21 textes d’historiens africains mais également européens et américains. C’est une mobilisation d’historiens de l’Afrique pour affirmer qu’il y a des paroles et des idées que l’on ne peut pas laisser passer.

Selon vous, la France et les autres pays colonisateurs doivent-ils présenter leurs excuses aux peuples africains colonisés?
Ce serait souhaitable. Qu’est-ce que ça coûte? La colonisation est, par définition, un assujettissement et il y a eu beaucoup d’abus. Cela a bouleversé toutes les structures de l’Afrique: économique, sociale, culturelle et politique. Il faut en être conscient car cela a laissé des traces indélébiles dans notre conscience d’Africains. Je pense qu’affirmer aujourd’hui que la colonisation a eu des effets bénéfiques revient à mépriser tout un continent. Pour sortir des préjugés, il faudrait également que l’histoire de l’Afrique soit enseignée en France. Et étendre le partenariat économique qui existe aujourd’hui entre la France et l’Afrique à la sphère culturelle. Il est temps de ne plus regarder l’Afrique de haut.

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Propos recueillis par Sandrine Cochard