(Le Temps.ch 13/11/2008)
RWANDA. Le président était mercredi à Genève. Kigali veut émettre des mandats d'arrêt.
«Si le monde continue de croire qu'un juge en France […] peut lancer un mandat contre un ministre du Rwanda […], alors j'estime que le contraire est vrai, que nos juges au Rwanda […] peuvent lancer un mandat contre des personnes en Europe, en France ou dans d'autres pays», a affirmé mercredi Paul Kagame, le président du Rwanda, au cours d'une conférence de presse à Genève.
Justice universelle
Ce faisant, le chef d'Etat a donné corps aux informations diffusées par l'AFP et la presse rwandaise indiquant que les bureaux du procureur général du Rwanda seraient sur le point d'émettre des mandats d'arrêt contre 23 des 33 officiels français impliqués, selon un rapport d'enquête publié en août par Kigali, dans le génocide de 1994. D'après ce document, la France a «participé aux initiatives les plus importantes de la préparation» du génocide ainsi qu'à «sa mise en exécution». Entre autres noms, ceux de François Mitterrand, d'Alain Juppé ou d'Hubert Védrine sont mentionnés, aux côtés de ceux de militaires français.
«La justice universelle ne peut être universelle si elle ne s'applique pas à tout le monde», a insisté Paul Kagame. Il était arrivé mardi après-midi pour une visite de deux jours dans la Cité de Calvin, où il a été honoré, avec son homologue burkinabé Blaise Compaoré, par l'Union internationale des télécommunications (UIT) pour son travail en faveur d'une meilleure «connectivité dans le monde».
Au même moment à Kigali, des milliers de personnes manifestaient à nouveau pour vitupérer contre l'arrestation dimanche soir en Allemagne de Rose Kabuye. La directrice du protocole rwandais devrait être extradée prochainement vers la France. Elle est l'une des neuf personnes de l'entourage de Paul Kagame visées par un mandat d'arrêt du juge antiterroriste parisien Jean-Louis Bruguière, qui les suspecte d'avoir participé en 1994 à l'attentat contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana. Cet événement avait préludé le génocide.
En représailles à l'arrestation de Rose Kabuye, le Rwanda a décidé d'expulser de Kigali l'ambassadeur d'Allemagne. En France, on se refusait hier, aux Ministères des affaires étrangères et de la justice, à commenter l'éventualité d'un lancement de poursuites judiciaires à l'encontre de personnalités françaises. Si le Rwanda passait à l'action en délivrant des mandats d'arrêt, il pourrait demander à Interpol de diffuser une «notice rouge», informant les 187 pays membres de l'organisation policière qu'une personne est recherchée pour être arrêtée. A moins d'être lié au Rwanda par un traité d'entraide judiciaire, chacun de ces Etats déciderait selon son bon vouloir de donner suite, ou non, aux mandats.
Angélique Mounier-Kuhn
Jeudi 13 novembre 2