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28 décembre 2008 – Il est intéressant de lire les réactions des compatriotes aux articles que certains d'entre nous publient sur notre pays. Certaines de ces réactions réclament plus d'actions que de paroles. D'autres estiment que nous devrions rompre avec la francophonie représentée par la Belgique et la France pour devenir anglophones à l'exemple du Rwanda, de l'Ouganda ou du Kenya. D'autres encore souhaitent que notre pays soit vendu au plus offrant ou qu'il soit balkanisé de façon de chaque province s'occupe de son propre développement. Il y a aussi les défenseurs acharnés de l'intégrité territoriale du Congo et de l'union congolaise comme dimensions indispensables à la promotion du nouvel esprit congolais. Pour eux, penser et agir sont l'envers et l'endroit d'une même médaille. Ils questionnent l'expérience quotidienne et s'efforcent de rester à l'écoute du rêve de nos ancêtres fondateurs. Nous situant dans cette dernière catégorie des Congolais (es), nous pensons qu'il est bon de faire le point sur les questions auxquelles notre pays fait face depuis plus de trois décennies. Cela pourrait nous éviter de revenir sur des débats nous ayant déjà permis d'engranger certains acquis nécessaires à la re-création d'un nouvel esprit congolais. Un esprit mettant l'accent sur la dimension congolaise de toutes ces questions et optant résolument pour la création de l'espace « congolophone », dans le respect des autres identités. Pourquoi devrions-nous être ou francophones ou anglophones et pas « congolophones » c'est-à-dire nous-mêmes, dans le grand concert identitaire? En effet, dans quelques jours, nous débutons une nouvelle année (2009). Pour les Congolais (es) ayant encore le temps de lire et de débattre sur la destinée de leur pays, il est souhaitable que certaines leçons soient tirées de notre historique en 2008 et surtout de la guerre d'agression qui sévit chez nous depuis que l'AFP/APR a décidé de prendre la région des Grands Lacs et ses populations en otage.

Les tutsis ne sont pas minoritaires au Congo : le problème est ailleurs

Dans l'un des derniers numéros du journal Le Potentiel, Alain BISCHOFF en tire quatre. Il estime que « contrairement à l’opinion du Commissaire européen à l’aide humanitaire, M. Louis Michel, il est parfaitement impossible de négocier avec Nkunda dont les revendications se modifient régulièrement et deviennent de plus en plus irréalistes, traduisant une dérive paranoïaque du personnage. Seules des mesures contraignantes qui nécessitent le concours, volontaire ou forcé, du gouvernement rwandais – le seul qui ait une prise sur Nkunda – paraissent susceptibles de stopper le chef rebelle dans son aventure. » Si la Suède et les Pays-Bas ont opté, depuis le 12 décembre 2008, pour la suspension de leur aide à Kigali, s'engageant ainsi dans ces mesures contraignantes, la France se montre complaisante, la Belgique hypocrite, les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne continuent leur coopération avec Paul Kagame comme si de rien n'était. Heureusement, « quelques voix commencent à s’élever au Royaume-Uni, principal soutien du Rwanda avec les Etats-Unis, pour réclamer l’arrêt du versement à Kigali de dizaines de millions de livres sterling d’aide budgétaire. Toutefois le nœud du problème reste le pillage des ressources du Kivu : tant que la « communauté internationale » n’aura pas de comportement éthique en la matière, le coltan, l’étain, resteront des « minerais de sang » et le Kivu demeurera une sorte de « Lebensraum » (espace vital) rwandais. » De toutes les façons, il n'y a pas grand-chose à attendre de cette fameuse communauté internationale.

Pendant longtemps, elle « préférera longtemps encore s’appuyer sur le Rwanda, Etat fort et dictatorial, plutôt que sur le Congo, Etat faible et fragile démocratie, pour s’assurer la pérennité de ses approvisionnements en coltan et en cassitérite du Kivu, dont l’exploitation et l’exportation vers des consortiums occidentaux constituent son intérêt primordial, tant il est avéré que le gouvernement de Kinshasa est en position de faiblesse; la situation tant militaire – avec les échecs cuisants des FARDC – que diplomatique – Kinshasa paraît isolé sur la scène internationale – lui est défavorable. » Cette deuxième leçon est suivie d'une troisième : « L’Onu a démontré sa totale impuissance à régler la crise; elle peine à trouver des renforts pour la Monuc : seuls 600 soldats du Bangladesh et quelques Guatémaltèques seraient disponibles à l’heure actuelle sur les 3000 dont l’envoi au Kivu est projeté. La Monuc a fait la preuve de son inefficacité à remplir son mandat, ne serait-ce que pour assurer la protection des civils dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l’Onu. La récente décision du Conseil de sécurité de l’Onu (22 décembre) de proroger jusqu’au 31 décembre 2009 et de renforcer le mandat de la Monuc n’est pas suffisante pour espérer une meilleure efficience des casques bleus. » Les divisions européennes au sujet d'une intervention militaire d'une force qu'elle parrainerait ne sont pas de nature à régler la question de la guerre d'agression rwandaise dans la région des Grands Lacs. Ces quatre leçons peuvent être résumées en une seule : la conversion de la région des Grands Lacs en une jungle gérée tant bien que mal par les minorités « majorées » tutsies avec le soutien des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.

Une telle gestion enrichit Kagame et ses bandits ainsi que les multinationales occidentales. Le capitalisme du désastre aidant, Paul Kagame et ses parrains chercheront toujours à avoir « leurs petites mains » au Congo pour faire main basse sur les ressources du sol et du sous-sol du Congo. D'où leur plan B : soutenir Nkunda en diabolisant pour la forme Joseph Kabila, membre à part entière de « leur clan », et demander à Nkunda d'associer les alliés naturels du Rwanda siégeant au Parlement Congolais aux négociations inutiles de Naïrobi afin qu'ils participent à l'élaboration des textes pouvant signer la disparition du Congo en tant que pays appartenant aux Congolais (es). La dernière sortie médiatique à Paris de Thambwe Mwamba vient confirmer nos propos dans la mesure où elle balaie d'un revers de la main l'argument-massue de Nkunda – la protection des minorités tutsies. A cette question : « Pourquoi n’incorporez-vous pas les Tutsis dans l’armée nationale congolaise et les inclure au sein des institutions nationales comme l’exige Laurent Nkunda? » Alexis répond : « Les revendications de Nkunda sont hors normes. Je vous informe que les Tutsis sont mieux représentés au sein de l’armée et de l’administration congolaise plus que les autres. D’ailleurs, il faut noter qu’il y a au sein de l’armée nationale, 9 généraux tutsis, 13 colonels, 300 majors, plusieurs officiers, des ministres, des membres du parlement et du sénat. Ils occupent aussi des postes importants au sein de l’administration. Alors, dire qu’il en faut plus pour une ethnie, c’est exagéré. Il nous demande de revoir le découpage territorial du nord-Kivu, en plus de tout ça. » J.B. NGUMBU, Paris, les aveux d'impuissance de Thambwe Mwamba, dans www.reveil-fm, du samedi 27 décembre 2008) Et il continue : « Vous savez messieurs, l’ethnie tutsie n’est pas minoritaire au Congo. Nous en avons une plus minoritaire que le tutsi. C’est l’ethnie Banyanzi qui est située dans la province de Katanga, notamment à Kongolo. Cette ethnie ne compte qu’un seul village en tout et pour tout. Les entendez-vous pleurer? » Cette révélation bat en brèche l'argument de la minorisation des tutsis et pose un autre problème : celui de la minorisation des majorités bantu par la minorité tutsie. Et cela depuis le règne de Mobutu. Cette question vaut la peine dorénavant d'être prise au sérieux.

La minorisation des majorités

Pendant longtemps, le président Mobutu a travaillé avec un tutsi Rwandais du nom de Bisengimana comme directeur de cabinet. Après la vague migratoire des Rwandais favorisées par les Belges vers les années 59, Bisengimana serait l'un des cerveaux de l'infiltration des institutions et de l'administration congolaise par les tutsis. La révélation de Thambwe Mwamba nous enseigne que ce projet s'est poursuivi avec les Kabila et veut se perpétuer après eux. Pour dire les choses simplement, une bonne partie de la minorité tutsie des Grands Lacs, sûre de « sa supériorité » sur les autres ethnies de cette partie de l'Afrique nourrit depuis des années le désir d'en être la maîtresse incontestée et incontestable. Ce désir ne pouvant être satisfait par les élections démocratiques dignes de ce nom, elle recourt à plusieurs méthodes pour y répondre : le clientélisme, le mensonge, le lobbying, la guerre, le viol et le sida, le vol, les massacres à grande échelle en cherchant l'appui des plus grands prédateurs de tous les temps. De temps en temps, les meneurs de cette minorité -à quelques exceptions près- fabriquent des idéologies de pacotille pour fonder cette boulimie de domination. Ils diront par exemple qu'ils sont les descendants du Roi Salomon et qu'ils veulent, à tout prix, prendre les mines de ce Roi qui se trouvent dans le Kivu. Ou ils diront à leurs alliés dans la prédation que les Congolais (es) ne sont que des BMW, indisciplinés et des êtres inutiles. Donc, eux seuls sont capables de discipline et de mener à bien des actions de prédation en les justifiant rationnellement. Ce qui épargne à ces alliés de payer des taxes et autres impôts en bonne et due forme à « ces êtres inutiles ». Les majorités minorées Souvent fraternelles et solidaires, les autres ethnies congolaises ont été surprises en découvrant les en-dessous de la guerre dite de libération de 1996-1997. Prises au piège de leur hospitalité légendaire, elles cherchent tant bien que mal à rompre le cordon de la soumission dans laquelle les maintiennent Kagame, Nkunda, Kabila, Ruberwa, « 9 généraux tutsis, 13 colonels, 300 majors, plusieurs officiers, des ministres, des membres du parlement et du sénat. ». Elles sont prises en étau. A l'est, Kagame, Nkunda et les faux Hutus'Pareco'; à l'intérieur du pays, Kabila, Ruberwa et tous ces messieurs susmentionnés. Se rendant compte qu'elles ne peuvent espérer se tirer d'affaires en s'appuyant sur « leurs partenaires traditionnels », plusieurs ethnies congolaises ont choisi de compter sur elles-mêmes. Elles veulent éviter le dilemme les sommant de choisir entre la peste et le choléra.

A ce sujet, plusieurs exemples peuvent être cités. Le dernier en date est la sortie symbolique du « Le Congo en légitime défense ». Ce que « Le Congo en légitime défense » dit dans sa déclaration traduit la révolte bouillonnant dans les coeurs et les esprits des milliers des Congolais (es). Ses fondateurs notent : « Nous, filles et fils de la République Démocratique du Congo, vu (…) que depuis l'invasion de l'AFDL de 1996 qui a violé l'ordre constitutionnel et les acquis de la Conférence Nationale Souveraine, le Congo est entré dans une tragédie et une humiliation qui n'a d'égale que les horreurs de la traite négrière aussi bien dans son idéologie, dans son mode opératoire que dans sa dimension massive d'extermination systématique de notre peuple; que le Congo est soumis à une guerre par procuration dont les différents rapports du panel des experts des Nations Unies ont indiqué les acteurs principaux de l'exploitation illégale des ressources naturelles de notre pays (…) Nous, filles et fils de la République Démocratique du Congo, dépassant nos querelles de chapelle, convaincus qu'aucun parti, aucune association, aucune tribu ne peut, seul, faire face aux périls actuels qui menacent notre existence même en tant que peuple et en tant que nation » avons décidé de créer à Lausanne (le 21 décembre) un mouvement politique et social dénommé « Le Congo en légitime défense ». (Lire Déclaration constitutive du mouvement « Le Congo en légitime défense » en abrégé Le C.L.D.) Ce texte fondateur revient sur un acquis : le Congo subit une guerre par procuration dont les acteurs sont connus. Il porte un appel à l'unité face aux périls de l'ennemi extérieur et intérieur. Fixant les objectifs du Le C.L.D., ses fondateurs, à la suite de bien d'autres Congolais (es) croient en leur propre capacité de sécuriser leur pays et de le confier à un leadership « compétent, discipliné, désintéressé ». En d'autres termes, ils ont compris qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Ils s'estiment capables d'engager « une lutte sans merci contre le crime organisé, l'impunité, la corruption et le clientélisme » afin de réaliser « le rêve des Pères de l'indépendance de bâtir un CONGO PLUS BEAU qu'avant sous le sceau du serment de liberté à léguer à la postérité pour toujours. » Donc, la voie de la majoration des majorité passe, pour Le C.L.D. par l'identification des périls menaçant l'existence congolaise et de leurs acteurs; par un travail permanent de la réalisation de l'union congolaise des énergies, en ayant comme idéal, dans la liberté, de bâtir un Congo plus beau. Mais aussi par la responsabilisation des Congolais et des Congolaises eux-mêmes face à leur destin. Cette déclaration va au-delà des jérémiades des Congolais qui seraient abandonnés par le monde entier à leur triste sort. Non. Elle s'inscrit dans un nouvel esprit privilégiant la dimension congolaise des résolutions des problèmes qui se posent aux Congolais.

Du texte à l'action

Il est possible que les bien pensants se moquent de cette déclaration en disant : « Encore un texte. Un texte de trop. Nous, nous attendons des actions. » Oui. Ils peuvent avoir raison. Néanmoins, nous, nous estimons que les actions naissent à partir des textes. En d'autres termes, avant d'agir, il faut réfléchir; penser, dans le sens de dialoguer avec l'expérience vivante en restant à l'écoute du rêve de ceux qui, les premiers, ont donné leur vie pour un Congo plus beau qu'avant. Aussi faut-il souligner que Le C.L.D. est un exemple parmi tant d'autres du nouvel esprit congolais. Il est partagé par des Congolais opérant dans les montagnes du Kivu, dans les coins les plus reculés du Bandundu ou du Bas-Congo; dans les deux Kasaï, à Kinshasa ou dans le Katanga. Le téléphone facilite aujourd'hui les échanges avec ces acteurs de terrain. Après le Burkina Faso de Thomas Sankara, la Guinée vient de nous prouver qu'il ne faut pas être des milliers pour transformer le destin de son pays. Les amis de Sankara ne dépassaient pas une centaine. Les derniers putschistes Guinéens étaient une trentaine…

J.-P. Mbelu