A la veille de nouvelles négociations avec le gouvernement de la République démocratique du Congo, les rebelles tutsis de l'Est congolais ont failli se diviser. Leur chef, Laurent Nkunda, a échappé à une tentative de destitution, annoncée par plusieurs de ses commandants, dont le populaire Bosco Ntaganda, surnommé "Terminator" et recherché par la justice internationale.
Laurent Nkunda a été mis en difficulté au sein de son mouvement. (Reuters)
Depuis octobre dernier, le chef des rebelles tutsis, Laurent Nkunda, peut toujours faire basculer la République démocratique du Congo (RDC) dans une nouvelle guerre civile fratricide, afin de "défendre la minorité tutsie contre la persécution du gouvernement". Mais son aura décline au sein de son Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), dont certains hauts-membres veulent le destituer. Un combat des chefs semble s'engager dans les arcanes d'une structure encore jeune – créée en août 2007.
En quelques jours, la situation a évolué à grande vitesse. Dimanche soir, Digital Congo FM annonçait sur ses ondes que Laurent Nkunda avait été destitué lors d'un conseil entre les commandants du CNDP. Cette radio, une des plus écoutées du pays, ne précisait pas sa source. Plusieurs médias ont vérifié l'information auprès des hauts-membres du CNDP: lundi soir, deux d'entre eux, Bosco Ntaganda sur la BBC et Désiré Kamanzi sur Radio Okapi – un média humanitaire congolais -, ont confirmé le limogeage de leur dirigeant. Les commandants rebelles pointent surtout la "mauvaise gouvernance" et "gestion du mouvement".
Le soulèvement du général
Ntaganda, surnommé "Terminator" par ses nombreux supporters, cherche à prendre les rênes du CNDP, qu'il considère "en perte de vitesse à cause d'un chef trop mou". En avril dernier, la CPI, le tribunal international qui juge les crimes de guerre au Rwanda et en RDC, avait rendu public un mandat d'arrêt visant Ntaganda, l'accusant d'avoir recruté des enfants de moins de 15 ans pour son armée. "Terminator" est revenu en 2006 dans sa province natale du Nord-Kivu où il a rejoint le CNDP. Laurent Nkunda a refusé jusqu'à présent de le remettre aux autorités internationales, demandant des preuves des crimes de guerre de son commandant. Mais l'entente entre les deux chefs se désagrège.
Les partisans du général déchu ont vite répliqué. "Bosco Ntaganda n'a pas la capacité de destituer le président Laurent Nkunda. Le CNDP demeure un mouvement et une armée unis", a déclaré à l'agence de presse Reuters le colonel Sultani Makenga, responsable militaire adjoint du groupe. Il a précisé ne pas savoir pourquoi Ntaganda avait fait cette déclaration. Un autre supporter du créateur du CNDP a même envisagé que "Terminator" pourrait être puni pour le massacre d'environ 150 civils dans la ville de Kiwanja, dans le Nord-Kivu, en octobre dernier.
Négociations impossibles
Cet imbroglio ne fait que compliquer la tâche des négociateurs de l'ONU et de l'Union africaine (UA) qui tentent d'entériner une trêve définitive. Mercredi après-midi s'ouvrent de nouvelles négociations avec le gouvernement congolais de Joseph Kabila, à Nairobi. La dernière série de discussions dans la capitale kényane s'était achevée le 20 décembre par le refus des rebelles de signer un cessez-le-feu définitif. Mercredi matin, Laurent Nkunda est arrivé, comme prévu, au Kenya, en tant que président du CNDP. Mais ces nouvelles négociations risquent d'être stériles. Une dernière polémique a alimenté mercredi midi les tensions entre les deux parties: la radio, qui a annoncé la destitution du général Nkunda dimanche soir, Digital Congo FM, appartient à la soeur de Jaynet Kabila, la soeur du président congolais.
Sur le terrain, un cessez-le-feu officieux semble s'établir depuis trois semaines, malgré de nombreux mouvements de troupes. La Monuc, la force internationale de maintien de la paix composée de 17 000 hommes, tente de maintenir à distance les divers groupes armés. Avec autorisation exceptionnelle de tirer. "Dans la mesure où les événements au sein du CNDP menacent d'aggraver la situation sur le terrain, nous sommes très inquiets", a dit Kevin Kennedy, porte-parole de la Monuc. Pendant quatre jours, Laurent Nkunda est à Nairobi. Le sort de son frère ennemi, Bosco Ntaganda, attendra la semaine prochaine. A moins que "Terminator" ne tente un putsch d'ici là.
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http://www.lejdd.fr/cmc/international/200902/rdc-le-combat-des-chefs_177265.html