By Servilien M. Sebasoni   Servilien Sebasoni

Kigali: Dans une interview fracassante ( tout ce qui vient de lui est fracassant), dont on ne nous donne  malheureusement ni la date exacte ni le media bénéficiaire, Charles Onana, le journaliste camerounais basé à Paris lance la nième mouture de son éternel livre sur le Rwanda.. Nous avons déjà eu, en 2005, « Les secrets de la justice internationale. Enquêtes truquées sur le génocide rwandais. » par Charles Onana, avec  « préface de Pierre Péan ». Quelle nouvelle bombe nous apporte donc Onana sur le génocide du Rwanda et sur le tribunal d’Arusha ?! Il vient de publier  «Ces tueurs tutsi. Au coeur de la tragédie congolaise » (2009).  Hélas ! nous n’avons à nous mettre sous la dent que des affabulations périodiquement réchauffées.

Dépitée de n’avoir pas été suivie dans ses vues sur le Congo par les présidents Clinton et Bush, la sénatrice américaine Cynthia McKinney s’est lancée dans tous les combats contre le Rwanda nouveau ; elle préface le livre  d’Onana et donne une caution « maternaliste » à ses mensonges et à son racisme antitutsi. Elle ressuscite même le bobard éhonté des millions de Congolais tués par la guerre rwandaise. Une baudruche qu’avaient dégonflée –  définitivement, croyait-on – les statisticiens démographes belges qui préparaient les élections congolaises de 2006.

Reprenons dès les débuts

Pierre Péan a écrit un roman d’ « expertise-fiction ». Pour son service après vente, il a été demandé à son supplétif africain d’en faire une pièce de théâtre. Charles Onana a choisi la comédie : la comédie du mensonge. De bonnes âmes en ont été troublées : « les Tutsis seraient les auteurs de leur propre génocide ! »  Et si c’était vrai ?!  Car le comédien est talentueux et il sait fouetter son ego pour se hisser à la hauteur de la tragédie. Toutefois on ne peut s’empêcher de constater qu’Onana livre la tragédie rwandaise en petites tranches de mesquineries. Le mensonge crève le langage  ostentatoire et égocentrique. 

Relisez et comptez les « découvertes » péremptoires, qui sonnent comme des coups de clairon. Et pourtant vieilles comme le monde ! Prêtez l’oreille aux partis pris Ils sont au moins clairs, les partis pris d’Onana.. On sait clairement qui Onana aime, qui il déteste.  Et pourtant, même ce nième volume sur le Rwanda : « Ces tueurs tutsi »  n’a de nouveau que l’habillage  plus raciste que d’ordinaire contre les Tutsis.                                                          

Le « tutsi tueur » a été lancé par un prêtre de Bukavu en comparant, dit-il, la splendide danse des intore rwandais, menaçante, à son gré, avec la danse  congolaise essentiellement pacifique, selon lui. Un membre du cabinet de Kabila père avait dit également, sans succomber au ridicule, que les Tutsis sont tueurs et jamais les Congolais. C’était à l’époque où Yerodia appelait, dans Kinshasa, à écraser la vermine tutsie et était obéi. On voit à quelle ligne de pensée appartient Onana.                                                          

Habituellement la thèse du Tutsi impérialiste et tueur s’exprime plus subtilement via le fantasme de l’empire hima. Onana en est un écho lointain et grossier. Même ses fantasmes ne sont pas à lui. Heureusement les cris d’Onana n’annoncent pas la tempête ; ils sont le roulement mourant d’un maigre orage de fin de saison. L’explication cynique et absurde du génocide des Tutsis du Rwanda – qui se seraient eux-mêmes « génocidés » –  n’a pas d’avenir. Elle moura de son absurdité.

Onana ne parle pas au nom de la France, qu’il prétend protéger, mais au nom d’un petit groupe  de Français, que Saint- Exupéry évalue à une centaine, mal guéris de la maladie coloniale et de la domination de l’Occident. Il convient de le savoir pour ne pas trop s’alarmer. Onana ment pour eux et surtout pour sa gloriole.                                                                                                                                

A force de s’occuper de sa gloriole, Onana oublie de quoi il parle et qui il est. Comptez le nombre de « je ». Vous reconnaîtrez le style « péan ». La voix de son maître. « Péan » signifiait chez les Anciens Grecs un  poème à sa propre gloire (icyivugo). Un tas de petits « je » superposés pour se hisser à la taille de son maître, pour ébahir et époustoufler ses maîtres, leurs maîtres

Prêtez l’oreille aux silences furtifs et mensongers. La nuit de l’attentat contre Habyarimana «  la sécurité de l’aéroport de Kigali est … entre les mains des casques bleus de l’ONU ». Le comédien menteur n’a jamais entendu parler d’un certain de Saint Quentin, officier français à qui seul les soldats de Habyarimana ont permis d’approcher l’épave de l’avion et  la dépouille de leur chef.. A la grande honte des Onusiens écartés par les Forces Armées Rwandaises ( les FAR) !

Il prétend que Dallaire, sa bête noire, « a disparu cette nuit-là ». Or l’emploi du temps de Dallaire, cette nuit-là, est connu minute par minute. Mais Onana ne se fie qu’à son compatriote Booh Booh, le commensal flatté de Habyarimana, avec qui Onana a commis un autre livre de rancune contre le FPR et contre Dallaire. Cette nuit-là Dallaire erre dans la nuit, balloté entre les mensonges de Bagosora et les provocations des tueurs déjà aux barrières, déjà à leurs oeuvres. Aux moments où Dallaire sillonne la ville, au four et au moulin, Booh Booh dort comme un loir. Il est dans un autre monde.

Tout ce que  raconte Onana, vous ai-je dit, a été déjà dit ou est mensonger. Il n’y a de nouveau que la mise en théâtre et l’itinérance. Après avoir ratissé le pré carré français, l’investigateur se lance  vers les horizons du Nouveau Monde. On a annoncé une conférence – fracassante – au Canada, à Montréal, au lieu dit le Gesu, qui semble s’être spécialisé dans les experts de pacotille : Philpot hier, Onana aujourd’hui.
 
Onana n’a pas été au Rwanda. Qu’à cela ne tienne ! Son maître non plus. Péan a même lancé contre  Kouchner la race des chercheurs sédentaires et casaniers. Une race d’explorateurs des temps nouveaux, pantouflards et péremptoires, qui tissent le destin des peuples africains entre les murs de leur caverne parisienne. Honte à celui qui osera encore dire « j’y étais, donc je sais ». Silence à  Kouchner qui a été au Rwanda pendant le génocide. Gloire à  Péan, Bruguière, Onana, Philpot et cie qui n’y allèrent jamais. Leur perspicacité  sur le Rwanda en est d’autant plus étonnante. Il est vrai que pour mentir il n’est pas nécessaire d’y aller voir : l’ouï-dire suffit. Bruguière, Péan, Philpot, et  aujourd’hui Onana.

Onana essaya au début de cheminer avec un certain Mushayidi. Mais ce dernier, qui faisait remonter le génocide des Tutsis aux années 60, n’entrait pas dans le plan de carrière de la recrue d’une certaine France. A la place d’Onana, Péan aurait pu faire de son initiateur, Antoine Nyetera, son « nègre menteur ». Mais ce dernier, quasi illettré, manque de souffle, manifestement,  pour une aventure de fond et se trouve mieux fait pour les petits cercles belgo-flamands où on l’appelle volontiers « Prince ». Pour leurs commanditaires, Péan et Onana faisaient l’attellage approprié. Un attelage capable de prendre le relais d’un Bruguière épuisé par ses exploits au service de la patrie. Il n’est pas exigible  de tous les combattants de mourir sur le champ du déshonneur. Après un échec pour être élu du peuple, Bruguière semble se ranger.                                                          

«  Je connais Charles Onana depuis longtemps et l’ai accompagné dans sa quête de vérité sur la tragédie rwandaise », écrivait Pierre Péan en 2005, dans sa préface au livre d’Onana sur  « les secrets de la justice internationale ». Quête de vérité ! Comme son mentor sur la vérité de la justice rendue à Arusha, Onana ne pactise qu’avec les avocats. Ceux qui pratiquent l’art de faire accepter à autrui comme vérité les apparences qui sont utiles à leurs clients.  « Pas de preuve de planification. Pas de génocide ». Selon Onana, le monde entier a été abusé. Il n’y a pas eu génocide des Tutsis au Rwanda. Pour la simple raison que l’on ne trouve pas trace d’une « planification »

Qu’en est-il au fait de la « planification »?

Si les extrémistes hutus n’ont pas planifié l’extermination des Tutsis, il reste qu’ils les ont massacrés au vu et au su du monde entier. Parce que Tutsis ! On peut tout au plus prétendre qu’il y a eu une improvisation géniale pour que cette extermination ait commencé le même jour, la même heure, dans tout le pays et a fait un million de victimes, en cent jours. Des experts l’ont écrit ! Et pas que les amis du FPR ! Planifié ou improvisé, le génocide a eu lieu !

A l’hypothèse absurde de l’improvisation, ses tenants intègrent au forcing l’hypothèse non moins absurde d’un attentat sur Habyarimana qui aurait tout déclenché ! On sait que, au contraire, « la répétition » du génocide des Tutsis remonte aux années 60, au vu et au su du monde entier et de ce qu’on appelle la « communauté internationale » , qu’elle s’intensifia dans les années 90 sur des lieux bien connus. Umutara, Bigogwe,, Kibilira, etc., avec un pick en 63-64 . Le journal Le Monde s’en est ému. Radio Vatican aussi. Ainsi que Bertrand Russel, le prix Nobel. Contre toute évidence les « experts » s’obstinent à dire que  c’est l’attentat du 6.4.94 qui a déclenché le génocide. En démordre serait coûteux. En crédibilité.

On peut dire, d’ailleurs, à voir sa préparation, sinon sa planification, que le génocide des Tutsis aurait eu lieu même du vivant de Habyarimana le temporisateur. Mais les « cerveaux » du génocide, pressés, à la veille d’une défaite militaire prévisible, auront vu dans sa temporisation un homme devenu inutile, dangereux  et un obstacle à leurs desseins

L’horreur du génocide, seule, devait arrêter le FPR, croyaient-ils. Elle ne l’a pas arrêté. Le FPR a fait mieux. Il a vaincu les génocidaires et arrêté le génocide. Aujourd’hui certains accusent le FPR d’avoir utilisé le génocide pour accéder au pouvoir. D’autres, comme HRW, d’utiliser l’horreur du génocide  pour apitoyer le monde. Accusations infâmes ! Echos dérisoires de la défaite des uns et de l’inertie des autres!

Il faut désormais reconnaître un nouveau mérite à Onana. Au service et à la défense de ses maîtres il vient d’ajouter la défense de ses frères nègres. Et d’emblée, il en dépose le brevet. Il veut en faire un monopole. Sus aux Jean-Pierre Chrétien ! Sus aux gens de Survie et autres  « blancs menteurs » (dixit le maître) qui ont défendu les mauvais nègres, les Tutsis du Rwanda, etc. Survie, « cette étrange association qui n’a aucun Africain dans sa direction », même si elle est dirigée par la veuve de son compatriote autrement illustre.
 
Survie ne défendrait pas les bons nègres, les Tutsis. « Ces tueurs », selon Onana. « Ces menteurs », dit son maître Péan. ! Tiens donc ! Voici de la discrimination ! Onana serait-il (devenu) raciste? « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ». «  J’ai accompagné Onana », écrivait Péan. A force de « hanter » (fréquenter) Péan, Onana a fini par se confondre avec lui.                  

« Un jour, dit-il, nous avons reçu un document.. » . Un « nous » de majesté à la manière des rois ? Un lapsus sans signification ? Ou l’aveu d’une osmose? Onana c’est Péan ; Péan c’est Onana. En somme, comme les Hutus du Rwanda (pour citer encore le maître) sont devenus menteurs par imprégnation, à force de « hanter » (fréquenter) les Tutsis.  Jusqu’où donc s’arrêtera le fringant Onana ?!

Quant à Jean-Pierre Chrétien, il a eu une querelle d’intellectuels avec un autre intellectuel, Théophile Obenga. Onana se verrait-il comme l’ une de « ces fortes intelligences » dont rêvait Cheik Anta Diop , le grand savant sénégalais, capables de… tenir tête sur le plan de la recherche de la vérité » aux idéologues d’Occident ? Charles Onana, qui solde des idées d’occasion, sur le même podium que Théophile Obenga, le grand égyptologue de Brazzaville ! Obenga, le philosophe, l’historien, le linguiste que Cheik Anta Diop lui-même saluait comme le premier Africain capable de lire dans le texte la langue pharaonique !  

Les grands hommes peuvent avoir des rejetons de toutes les tailles ! On croirait réentendre la tortue disant à l’éléphant, son compagnon de route dans le désert : « tourne-toi et regarde quelle poussière on (sou)lève ».

Onana prétend que Jean-Pierre Chrétien le persécute par jalousie. Pour se venger de lui, Onana récuse ses diplômes et sa capacité de connaître le Rwanda. Or, l’une des différences entre l’un et l’autre, c’est que Jean-Pierre Chrétien a étudié le Rwanda au Rwanda et a trouvé que, au Rwanda, comme en France, il n’y a ni tribus ni ethnies mais une nation séculaire. Onana a étudié le Rwanda dans sa caverne parisienne et s’obstine à penser que le Rwanda, comme le Cameroun, est fait de tribus et d’ethnies. L’Africain, hélas ! ne reçoit pas avec la mélanine la connaissance de l’Afrique, surtout que la colonisation, dans ses colonies, n’a pas enseigné l’Afrique mais la métropole.            

Quant à l’histoire récente du Rwanda , n’en déplaise à Bruguière, n’en déplaise à Onana et à son maître Péan, il ne suffit pas d’interroger le premier réfugié rwandais à l’abri du soupçon de génocide. En outre, pour avoir le certificat d’objectivité, il ne suffit pas, comme bien d’experts le pensent, de détester le FPR. Sinon, Onana serait le type même de l’expert objectif.
 
Soyons juste ! Il y a du nouveau dans l’interview  d’Onana. Même pour ceux qui ont lu ses livres précédents. Avec l’impression agaçante de relire le même livre. Onana a découvert le grand absent de la tragédie rwandaise : Boutros Boutros Ghali, le SG d’alors de l’ONU! Le grand ami de la France avait « quitté » le Rwanda avec les autres, laissant Koffi Anan sur le devant de la scène. Dans l’esprit du grand nombre Koffi Anan, en 1994, passe pour celui qui n’a  au-dessus de lui aucun supérieur hiérarchique de qui prendre des ordres et à qui rendre des comptes. Un jour, au hasard de ses investigations, Onana découvrira-t-il le paradoxe et se chargera-t-il de nous le claironner ? « J’ai découvert que… je montre de façon irréfutable que Boutros était absent ». Peu probable. Et pourtant cela nous changerait de ses exploits répétitifs sur le Rwanda.  Mais, que diable ! pourquoi Onana n’a-t-il aucun soupçon sur ce cher disparu ? Appartiendrait-il à la coterie qui emploie Onana ?

Il est tout de même  pénible de voir ces intelligences africaines que Cheik Anta Diop appelait de ses voeux, capables de  rivaliser avec celles d’Occident, chercher leur gloire dans la servitude. Pour subsister, Charles Onana est-il contraint d’épouser la volonté d’une certaine France (une centaine d’individus, selon Patrick de Saint-Exupéry) d’effacer  de la mémoire le génocide des Tutsis du Rwanda ?                                                                
 
Charles Onana est-il si obtus pour penser servir ainsi les intérêts des Hutus,
(ceux qui ont soutenu ou commis le génocide et tiennent à le faire oublier), dont le seul intérêt véritable est la réconciliation nationale des Rwandais ?    

 

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Posté par rwandaises.com