L’Afrique, enfin…Après le Proche Orient, l’Europe, la Russie, la crise en Iran, les enjeux de l’Amérique latine et de Cuba, et, bien sûr, les relations avec la Chine, c’est le continent africain qui prend sa place sur l’agenda de la nouvelle administration américaine. Au cours d’un long périple qui se prolongera jusqu’au 14 août et la mènera du Kenya jusqu’au Cap Vert en passant par l’Angola, l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo et le Liberia, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton donnera des contours plus précis aux projets américains sur l’Afrique. Certes, le président Obama lui-même, revenant du G8 voici trois semaines, avait déjà passé une nuit et quelques heures diurnes au Ghana où il avait reçu un accueil triomphal. Cependant, quoique plus flamboyants et plus lyriques, ses propos, sur le fond, ne s’étaient guère démarqués des admonestations délivrées à Dakar par le président Sarkozy au lendemain de son élection : le président américain avait lui aussi repris l’antienne de la bonne gouvernance, fait appel au sens de la responsabilité des dirigeants africains, omettant de rappeler comment, au Ghana précisément, comme dans d’autres pays, des chefs d’Etat comme Kwame N’Krumah, le père de l’indépendance, qui avait fortement influencé Patrice Lumumba, avait été contré par la politique américaine des années 60…”Yes you can” avait lancé M. Obama, désireux de renforcer la confiance des Africains dans leurs propres capacités, mais il s’était peu attardé sur les obstacles que, depuis les indépendances, les anciennes puissances coloniales et les Etats Unis eux mêmes avaient placé devant tous les les leaders qui, précisément, avaient tenté de relever leurs pays et de rechercher leur propre voie de développement…..
Hillary Clinton, dont la tournée est préparée depuis janvier par l’équipe africaine de M. Obama devrait, lors de ses diverses étapes, rappeler les priorités américaines en Afrique : le soutien à la démocratie, la nécessité de fonder le développement sur l’économie plus que sur l’aide, les préoccupations sécuritaires, sans oublier sa note personnelle, en phase avec les préoccupations du président lui-même, à savoir l’indignation que suscitent les violences sexuelles et la prise en otage des populations civiles par les hommes en armes.
Lors de la première étape du voyage, à Nairobi, Mme Clinton, entourée d’une forte délégation d’homme d’affaires américains, assistera à la 8eme réunion de l’AGOA (l’acte sur la croissance et les opportunités de commerce), la loi américaine qui encourage les relations économiques africano-américaines. Instruite par le président Obama, qui a déjà séjourné au Kénya dans la famille de son père, Mme Clinton mettra aussi l’accent sur l’autosuffisance alimentaire, dont la clé réside dans le développement des agricultures locales. Avec le président Kibaki et son Premier Ministre Raila Odinga (dont la rivalité, au lendemain des élections de 2007, dégénéra en violences communautaires) Mme Clinton insistera sur le respect du verdict des urnes. Il est également prévu qu’elle rencontre à Nairobi les chefs du gouvernement de transition en Somalie et adresse un avertissement à l’Erythrée, accusée de soutenir les groupes islamistes.
Même si la personnalité du nouveau président sud africain Jacob Zuma suscite encore de la perplexité à Washinton, Mme Clinton, à Pretoria, confortera les liens avec un pays considéré comme un partenaire essentiel des Etats Unis et elle soutiendra la politique de lutte contre le Sida.
En Afrique centrale, l’escale de la République démocratique du Congo, à Kinshasa et à Goma, sera l’une des plus attendue. On sait en effet que c’est sous l’impulsion personnelle du président Obama que les présidents Kabila et Kagame ont décidé de normaliser leurs relations et que les opérations militaires contre les rebelles hutus, ainsi que, dans le nord du pays, contre les rebelles ougandais de l’Armée de libération du Seigneur ont été lancées sous la pression américaine. Or dans les deux cas, les populations civiles paient aujourd’hui très chèrement le prix de ces engagements militaires et les ONG multiplient les rapports accablants, souhaitant la fin des opérations militaires et dénonçant les exactions des forces armées congolaises, soudain placées sur le même pied que les rebelles rwandaiq et ougandais qui sont cependant réputés pour leur summum de cruauté. Il faut relever aussi que les ONG, internationales et locales, ont mis à profit l’imminence du voyage d’Hillary Clinton pour “vider leur sac”: Human Rights Watch avait accusé les autorités congolaises de museler les ONG et les médias, la fédération internationale des droits de l’homme avait dénoncé la “dérive autoritaire” du régime, et quelques jours auparavant, International crisis group et Amnesty avaient tiré dans le même sens.
Si M. Obama a personnellement encouragé la coopération entre Kigali et Kinshasa, Mme Clinton elle même connaît bien la région et sera à même de se faire une idée personnelle: en effet, c’est sous la présidence de son époux Bill Clinton que furent lancées les deux guerres du Congo, en 1997 et 1998 avec le bilan humain que l’on connaît. A cette occasion, les présidents ougandais Museveni et rwandais Paul Kagame, choyés et armés par les Américains, avaient été présentés comme des « nouveaux leaders africains » tandis que les sociétés minières américaines et canadiennes prenaient position dans l’Est du Congo et au Katanga. Or aujourd’hui elles sont aujourd’hui concurrencées par le nouveau partenaire chinois et un examen approfondi des contrats a démontré à quel point l’Etat congolais avait été floué par ces contrats conclus à l’époque du gouvernement de transition. A Goma, lorsqu’elle rencontrera des femmes victimes des violences sexuelles, MMe Clinton se fera une idée des conséquences indirectes des multiples guerres qui se dérulèrent sur le sol congolais et de l’impact, quinze ans après, des conséquences du génocide au Rwanda qui avait permis l’arrivée au Congo des réfugiés hutus et des milices génocidaires.
L’escale de Kinshasa comme celle de la Sierra Leone marquera le soutien qu’apportent désormais les Etats Unis à la consolidation de la démocratie dans les pays « post conflits » tandis qu’ à Luanda, il ne sera plus question du passé (où les Etats Unis avaient soutenu naguère l’effort de guerre de Jonas Savimbi, ce qui avait plongé le pays dans un quart de sioècle de violence et de guerre) mais bien de l’avenir, dans un pays qui, comme le Nigeria est devenu l’une des principales sources de l’approvisionnement pétrolier des Etats Unis. Alors qu’en Angola également la gouvernance et la répartition des ressources laissent à désirer, les ONG se montrent bien moins disertes sur cet “émirat africain” que sur la RDC, objet de toutes les sollicitudes.
Au Cap Vert, l’escale de Mme Clinton ne traduira pas seulement l’estime que suscite ce petit pays stable et démocratique; elle rappellera aussi que les Etats Unis cherchent toujours un siège pour l’Africom, la force militaire qu’ils entendent déployer en Afrique et que, durant les années de guerre froide, c’est sur l’Ile du Sel, au milieu de l’Atlantique, que faisaient escale les appareils de l’OTAN…
Avant le départ de la secrétaire d’Etat, Johnny Carson, le « Monsieur Afrique » d’Obama, a répété que l’Afrique représentait une priorité pour la nouvelle administration, à côté des autres points chauds comme la Corée du Nord, l’Iran, l’Afghanistan. Il a insisté : «nous sommes capables de gérer en même temps plusieurs dossiers de politique étrangère…»

 

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2009/08/04/hillary-clinton-debarque-en-afrique/

Posté par rwandaises.com