L’élection présidentielle au Rwanda aura lieu le 9 août 2010. Depuis sa terre d’exil, les Pays-Bas, la présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), Victorine Ingabire Umohoza, a déclaré sa candidature à cette consultation majeure. Nous avons pu lui poser quelques questions auxquelles elle a bien voulu répondre, grâce aux Technologies de l’information et de la communication…

Fasozine.com: Comment avez-vous réagi à l’annonce officielle de la tenue, le 9 août 2010, de l’élection présidentielle dans votre pays, depuis les Pays-Bas où vous vivez en exil ?

Victorine Ingabire Umohoza:Je m’attendais à une telle annonce. Ce qui me surprend par contre c’est la durée de la campagne. Trois semaines me semblent trop justes, quand on sait que l’actuel président est en campagne depuis plusieurs années. Ca fausse la compétition. Avec toutes les tracasseries auxquelles on s’attend, on ne pourra même pas visiter tous les chefs-lieux des districts du pays.

 Vous accusez le régime de Paul Kagame de vous empêcher de vous présenter à cette élection, notamment en refusant de délivrer des passeports aux membres de votre parti, les Forces démocratiques unifiées (FDU) et à vous-même. Qu’en est-il exactement?

J’ai demandé un document de voyage en mai à l’ambassade du Rwanda à La Haye. Deux mois plus tard, on me dit que le dossier n’est pas complet, car il manque une carte consulaire. Pourquoi ne pas l’avoir dit au moment où je déposais le dossier? D’autres se sont vus reprocher de ne pas être de nationalité rwandaise, alors qu’ils ont occupé des postes de souveraineté sous l’actuel régime. D’autres enfin, à qui on avait assuré que le dossier était complet, n’ont toujours pas eu leurs documents de voyage. C’est donc à compte gouttes que le gouvernement est en train d’examiner les demandes. C’est ce qui me fait dire effectivement que le gouvernement cherche à repousser le plus loin possible, voire bloquer, l’arrivée de mon équipe au Rwanda.

Où en êtes-vous avec les procédures d’enregistrement de votre parti au Rwanda ? Pensez-vous être prête à participer à cette élection?

Tant que je ne suis pas au Rwanda, je ne peux pas entamer les procédures d’enregistrement de mon parti. C’est ce que je dénonce. Au moment où les autres candidats potentiels sont au pays, en train de faire campagne, mon équipe est toujours bloquée à l’extérieur du Rwanda. Faut-il sincèrement plus de 3 mois pour examiner un dossier de demande de passeport? J’en doute.

Après plusieurs années de guerre ethnique, votre engagement politique est fondé sur une idéologie d’unité et de rassemblement du peuple rwandais. Pourtant, vous restez assez inconnue de la population…

 La réconciliation nationale au Rwanda est un échec patent. Des gens continuent de fuir le pays, 15 ans après le changement de pouvoir. Les tribunaux populaires Gacaca, ainsi que leurs pendants, les TIG (travaux d’intérêt général) sèment la terreur. Le système judiciaire reste inféodé au pouvoir. La question ethnique est éludée. C’est pourquoi les FDU font sont fermement convaincues que seul un dialogue national hautement inclusif, peut ramener la confiance entre toutes les composantes de notre société. Et cela, quel que soit le résultat des urnes. Sur le plan économique, on assiste à un développement à deux vitesses au Rwanda, depuis l’avènement de l’actuel régime. Les chiffres du PNUD sont sans appel.

Selon le dernier rapport du PNUD sur le développement humain portant sur le Rwanda (Turning vision 2020 into reality : From recovery to sustainable human development), 62% de la population rurale vit actuellement dans la pauvreté avec moins de 0,44$ US par jour, alors que cette proportion n’était que de 50,3% en 1990.. Le rapport mentionne aussi qu’en 2000, la tranche des 20% les plus riches détenaient 51,4% du produit intérieur brut alors que celle des 20% les plus pauvres subsistaient avec seulement 5,4% du PIB (Produit intérieur brut), ce qui place le Rwanda parmi les 15% des pays les plus inégalitaires au monde. Comparées à la situation d’avant la guerre de 1990, ces proportions étaient respectivement de 48,3% et de 7,6%. Vision 2020 que le régime ne cesse de vanter n’est qu’un trompe l’œil.

Même la Banque africaine de développement est très critique. En effet, selon son dernier rapport (African economic outlook 2009), dont on ne peut pas douter de l’impartialité, puisque son président n’est autre qu’un ancien ministre du régime en place à Kigali, on assiste simplement à une

« régression en matière de lutte contre la pauvreté et la faim. (….failing to make progress on eradicating extreme poverty and hunger.Le développement urbain n’est pas en reste. Des gens sont expropriées sans compensation équitable et se retrouvent dans des conditions précaires. Les indemnités proposées par le gouvernement ne peuvent même pas payer une simple parcelle à Kigali. C’est à cause de tout ça que les FDU sont impatientes de rentrer au pays pour exposer leur programme politique à la population. Les FDU ne veulent pas prendre le pouvoir au peuple comme les autres le font, elles veulent demander le pouvoir au peuple.

Vous n’avez pas vécu le génocide rwandais, vous vivez en exil à l’étranger… N’êtes-vous pas ainsi loin des réalités de votre pays?

Loin des yeux n’est pas loin du cœur. J’ai vécu le drame de loin, mais croyez-moi, j’ai souffert, autant que ceux qui étaient au pays. Il n’y a pas un seul Rwandais qui n’ait été affecté, de loin ou de près, pas le drame. C’est pourquoi j’en appelle à une politique courageuse de réconciliation nationale, qui donne à chacun le droit et l’occasion de pleurer ses morts et de pouvoir faire son deuil. Quant aux réalités du pays, je les vis à distance, mais je les connais…

Quel regard portez-vous sur la question ethnique au Rwanda, et comment appréciez-vous le nouvel amendement de la Constitution de votre pays, qui change les termes «génocide rwandais» en «génocide tutsi»?

Il n’appartient pas à un gouvernement d’écrire l’histoire. C’est le travail des historiens. Les ethnies sont une réalité au Rwanda. Nier leur existence me semble être une politique de l’autruche, surtout quand on modifie une Constitution pour y inscrire en caractère indélébile, qu’il y a eu génocide contre une ethnie, les Tutsi. Il faut être logique. On peut avoir ses propres sentiments, mais personnellement je m’en tiens à ce que l’organe compétent, l’Onu, a décrété, à savoir le génocide rwandaisLe problème au Rwanda n’est pas l’existence en soi des ethnies, c’est ce qu’on en fait. Le problème, c’est l’instrumentalisation des ethnies par des politiciens égoïstes. Le problème est que quelqu’un puisse être victimisé ou privé de ses droits, à cause de son ethnie. Si le Rwanda était un véritable Etat de droit, où chacun reçoit selon ses mérites et pas son ethnie ou affiliation politique, il n’y aurait pas de souci. Les FDU s’emploieront donc, non pas à cacher la tête sous le sable en niant l’évidence, mais à faire en sorte que chacun soit fier de ce qu’il est, et que la diversité ethnique soit une richesse, plutôt qu’une source de conflit.

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Concrètement, que propose votre parti au peuple rwandais et sur quels ressorts comptez-vous pour le convaincre que votre candidature constitue un bon ticket pour la présidentielle?

Notre parti propose un changement radical; une justice pour tous, à l’opposé de la justice du vainqueur; une réconciliation à travers un dialogue national, qui permettrait le retour dans la dignité de tous les réfugiés; un développement partagé ainsi qu’une politique de bon voisinage basée sur le respect des frontières et une coopération économique régionale sincère. Depuis la prise du pouvoir par l’actuel gouvernement, le Rwanda est parmi les pays où l’écart entre riches et pauvres est le plus élevé. Le Rwanda est le seul pays au monde où on fait la différence entre orphelins. Le Rwanda est le seul pays au monde où on empêche des gens de pleurer leurs morts. Le Rwanda est devenu une source de méfiance dans la région. Ça ne peut pas continuer. Les FDU comptent affranchir les Rwandais de la peur qui les ronge, pour surmonter toutes ces difficultés. Les FDU comptent sur la lassitude des Rwandais et leur soif du changement. Nous ne croyons pas à la fatalité

Que pensez-vous des leaders politiques comme Hillary Clinton et Ellen Johnson Sirleaf ? Pensez-vous avoir la trempe de ces femmes ?

Une femme a la fibre d’une maman, avec sa compassion pour ses enfants. Une maman a un cœur tendre, une aversion à la violence. Une maman a un instinct de justice et de dévouement. Une maman voit partout l’image de ses enfants. C’est ce que j’admire chez Johnson Sirleaf et Hillary Clinton. Quant à savoir si j’ai leur trempe, je préfère être jugée sur les actes

 

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Posté par rwandaises.com