(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Depuis l’interdiction des filets maillants kaningini dans les eaux rwandaises du lac Kivu, les poissons se sont multipliés, convainquant les pêcheurs du bien-fondé de cette mesure. Mais côté congolais où ils sont toujours utilisés, les prises sont maigres.

La nuit est avancée ; le ciel est noir ; le moment est propice à la pêche. La police maritime rwandaise est aux aguets le long des rives rwandaises du lac Kivu. Elle traque les pêcheurs qui utilisent le kaningini, ce filet interdit à cause de ses mailles très serrées qui ne laissent pas passer les plus petits poissons, les sambaza. Plus loin sur le lac, les pêcheurs congolais eux sont tranquilles, les policiers rwandais ne peuvent rien contre eux. Mais si, côté rwandais, les eaux du lac sont redevenues poissonneuses, côté congolais les prises se font rares.
Pour échapper aux bateaux qui les recherchent activement, les Rwandais éteignent leurs lampes. Au petit matin, quand ils rentrent, ils se hâtent de séparer les grands sambaza des petits pour prouver aux autorités qu’ils ne se servent pas du kaningini. « Nous sommes jaloux des Congolais qui l’utilisent car ils pêchent beaucoup de petits poissons, contrairement à nous qui sommes toujours sous la loupe de la police qui nous confisque tout si nous pêchons avec ce filet », confie Kaniziyo, un pêcheur. Il explique que celui qui est pris avec ce matériel de pêche interdit est sanctionné de quelques gifles et que son filet est aussitôt brûlé, peu importe son coût élevé, entre 250 et 300 $.

Un filet destructeur
Pour les autorités rwandaises, le kaningini constitue un danger pour les pêcheurs, pour la santé publique et pour la protection de l’environnement. « Il est magnétisé et imprégné de substances toxiques, nuisibles à la santé. Il morcelle les proies et les petits poissons qui échappent aux mailles sérieusement blessés meurent ensuite », accuse le superintendant de la police de la province de l’Ouest, Gilbert Gumira.
Mais, pour les pêcheurs, ces accusations sont exagérées. « La réalité est que les autorités rwandaises en dramatisent les méfaits, estime un scientifique de l’Université nationale du Rwanda. Aucune étude n’a été menée pour prouver la nocivité des substances toxiques qu’il contiendrait. » Le nom de ce filet vient de celui d’un chercheur congolais, Boniface Kaningini, qui a fait une étude sur le filet maillant très utilisé sur le lac Kivu. Pour Grégoire Dusabemungu, du projet d’appui à l’aménagement intégré et à la gestion des lacs, ainsi que pour les autorités locales de la province de l’Ouest, « le kaningini, par sa nature, ne favorise pas une pêche sélective » car il attrape tous les poissons, petits comme gros. Les pêcheurs le reconnaissent. « C’est vrai, il coupe en morceaux les poissons capturés. Même les plus petits rescapés des mailles, on les voit morts, flottant sur l’eau », reconnaît Ruhumuliza, pêcheur dans le district de Gisenyi, qui y a renoncé en constatant que les poissons ainsi pris étaient difficilement vendables.

Incursions congolaises
Cette interdiction, même si elle n’est pas encore totalement respectée, a eu des effets positifs. « Les isambaza ont remarquablement proliféré dans les eaux du Rwanda depuis 2002, contrairement à celles du Congo, malgré leur vaste étendue », affirment les autorités et les pêcheurs.
« Certains récalcitrants recourent encore au kaningini pour pêcher beaucoup de poissons et pouvoir les vendre les premiers au marché », remarque la police. Des pêcheurs congolais se font aussi attraper. « Ils ont fini leurs poissons. Ils dépassent les limites pour pêcher dans les eaux du Rwanda. Ils se font de temps en temps arrêter par la police qui confisque tous leurs biens », se réjouissent Misero et ses coéquipiers de la Fédération de coopératives des pêcheurs du lac Kivu, qui comprennent, en voyant l’augmentation de la production, les méfaits de ce mode de pêche. « Nous réalisons que ce filet épuise rapidement les stocks, l’utiliser c’est faire abstraction au futur », disent-ils d’un commun accord.
Les pêcheurs rebelles, qui volent le kaningini des Congolais, sont dénoncés par la fédération. Ils payent de lourdes amendes et risquent l’exclusion de leurs coopératives. « L’an dernier, nous avons attrapé un groupe de trois pirogues qui avait mêlé ce filet à d’autres pour tromper la vigilance de la police. Le groupe a été puni d’une amende de 200 000 Frw (350 $) », confie ce jeune de Gisenyi, qui travaille intimement avec la police pour rechercher les pêcheurs illégaux.
Les Congolais, qui vendent les isambaza et les bananes au Rwanda, commencent tout juste à prendre conscience des méfaits des filets maillants. « Les zones qui ont connu un usage important du kaningini n’ont plus de poissons… », reconnaît Shamavu, proche de la quarantaine, de la circonscription de Minova, en RDC.

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Posté par rwandaises.com