(Source : Mondialisation.ca)
Le 1er décembre 2009, Denis Halliday donnait une conférence à Montréal intitulée « Le rôle des Nations Unies dans la guerre et la paix ». M. Halliday, qui a travaillé une trentaine d’années pour les Nations Unies, a exposé les grandes lignes des nombreuses défaillances de l’organisation : l’incongruité du Conseil de sécurité et l’importance de sa réforme, le principe des deux poids deux mesures appliqué par les cinq membres permanents et qui sert les intérêts d’une minorité, la nécessité de criminaliser la guerre etc.
Il arrive que le New York Times fasse ce qu’il faut. Ce matin (1er décembre 2009) l’éditorial a condamné le vote du référendum suisse pour interdire partout au pays la construction de minarets sur les mosquées. Sur la page en regard de l’éditorial, Bob Herbert a cité Eisenhower : « Je déteste la guerre, comme seul le peut un soldat qui l’a vécu, qui a vu sa brutalité, sa futilité et sa stupidité. » Il ajoute, « Chaque canon jamais fabriqué, chaque navire de guerre lancé, chaque roquette mise à feu représente, au bout du compte, un vol au détriment de ceux qui ont faim et ne sont pas nourris, de ceux qui ont froid et ne sont pas vêtus »
Merci particulièrement au professeur Chossudovsky de m’offrir cette opportunité de parler à Montréal, d’écouter les réactions et commentaires de l’assistance et d’apprendre de ceux-ci.
Comme vous l’avez peut-être deviné, cette analyse de l’ONU ne se veut pas « résolument optimiste ». Nous sommes ici pour réfléchir et envisager quelque chose de mieux, de différent. Quelque chose de représentatif, un organisme respectueux des lois internationales, qui se consacre à l’égalité des pays et des peuples. Une organisation qui croit réellement en une seule norme de comportement et de traitement pour tous… et non aux deux poids deux mesures, comme c’est le cas actuellement.
L’éditorial du New York Times du 21 novembre suggère que les lecteurs ne devraient pas être trop critiques envers la récente visite du président Obama en Chine… alors qu’il tente toujours de restaurer l’autorité morale des États-Unis ! Ma première pensée fut : Restaurer quelle autorité morale ?
Ma deuxième réflexion fut : le concept de restauration devrait absolument s’appliquer aux Nations Unies ! Et en particulier au Conseil de sécurité responsable de la paix et de la sécurité dans le monde. C’est vers ce Conseil que nous devons nous tourner pour une autorité morale laïque, un leadership mondial, le respect de la loi internationale et l’administration de la coexistence pacifique dans le monde. Mais nous ne le faisons pas non ?
Avant de plonger dans l’entreprise de restauration, examinons comment l’ONU est perçue de nos jours.
Premièrement, il y a l’ONU des attentes irréalistes des peuples : la façon dont nous voulons qu’elle soit, qu’elle agisse, qu’elle nous représente nous qui sommes préoccupés ! Une ONU qui apporterait de la bonne volonté et du bien-être à l’humanité partout où elle se trouve.
Nous voulons qu’elle soit l’ONU du préambule : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre […] à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer […] la justice et [le] respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande, et à ces fins à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage, à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales […] »
Je crois que la plupart d’entre nous veulent une ONU qui se distingue des affreuses politiques du G-8, de l’UE, de l’OTAN des États-Unis et du Royaume-Uni et des guerres menées illégalement par des États membres de l’ONU, comme au Congo, en Tchétchénie, à Gaza en Géorgie en Irak, au Pakistan, au Soudan et en Afghanistan, au moment où l’on se rencontre ce soir. Les politiques atroces ont miné le Préambule – en fait, elles ont négligé l’esprit et la lettre de la Charte de l’ONU !
Malheureusement, cette ONU parfaite n’existe pas. Pas plus que son autorité morale.
La deuxième perception est la suivante : l’ONU des « Maîtres de l’univers » ! Les cinq pouvoirs au droit de veto et membres permanents du Conseil de sécurité – les soi-disant vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Le vieux club de 1945. Les cinq États qui ont corrompu la Charte de l’ONU et corrompu le travail de l’ONU. En appliquant la règle deux poids deux mesures et en méprisant la loi, ils ont essentiellement permis à l’organisation de servir leurs intérêts plutôt que de remplir son mandat.
Je fais référence aux cinq États membres les plus dangereux, qui fabriquent et vendent quelque 85% des armes militaires, incluant des armes nucléaires et ce que l’on nomme armes de destruction massive. C’est l’ONU des marchands d’armes — le commerce le plus répréhensible et pourtant le plus profitable de la planète.
Et il est tragique et vraiment bizarre que ces marchands d’armes soient les mêmes États membres auxquels la Charte de l’ONU confie le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde ! Je suis certain que vous voyez la déconnexion ? L’incompatibilité ? L’absurde réalité des puissances nucléaires et des vendeurs d’armes responsables de la coexistence pacifique ?! C’est de la folie !
Troisième perception : L’ONU du Secrétariat, du Secrétaire général, est-elle la servante des États membres ? Le Secrétaire général est le leader administratif de la famille d’agences, de programmes et d’organisation onusiennes. C’est le soi-disant système de l’ONU qui prend ses instructions des États membres – les actionnaires – dont certains sont parmi les cinq membres permanents et d’autres parmi les 191 États membres de l’Assemblée générale qui subsistent dans l’ombre des cinq membres permanents. Les ordres dictés par la politique arrivent directement – selon mon expérience personnelle en Irak alors que je dirigeais le Programme humanitaire de l’ONU – ou par le biais des conseils, des assemblées, des comités des États membres, etc.
Je peux soutenir que cela est convenable : les parties prenantes ont des droits ! Toutefois, cela a pour effet de nous rappeler que malgré les mots du Préambule de la Charte « Nous, peuples », les Nations Unies sont une organisation d’États, NON PAS de peuples. Les vraies personnes participent en réalité d’une façon limitée, parfois par le biais des ONG affiliées de diverses manières. L’essentiel cependant, c’est l’État, votre État et mon État. Et généralement les États ne pensent pas avec le cœur ou l’esprit ni ne sont guidés par des mœurs quelconques (excepté le Canada bien sûr !), mais sont uniquement sensibles à l’intérêt personnel, au pouvoir et à l’ambition. Cet intérêt personnel atteint une forme artistique suprême lorsqu’il est question des cinq puissances au droit de veto du Conseil de Sécurité. Et l’intérêt personnel n’est pas cautionné par la Charte de l’ONU !
Comme Bill Clinton et Madame Albright se plaisaient à dire, les Nations Unies sont là pour servir les meilleurs intérêts… de la politique étrangère américaine. Toutefois, pour être juste, il faut admettre que d’autres États voient indubitablement l’organisation d’une manière assez similaire, mais sont plus discrets ! Et manquent d’ambition et de puissance militaire pour former un empire mondial .
Maintenant nous avons le président Obama, qui veut travailler avec les Nations Unies et être un joueur au lieu de dominer et contrôler. Cela semble bien. Nous attendons de voir ce qu’il en sera en réalité, puisqu’il étend la guerre en Afghanistan, conserve la prison de la base aérienne de Bagram pleine de prisonniers torturés et non accusés, termine la destruction de l’Irak, refuse de mettre un terme à l’occupation d’Okinawa, est insensible au point de critiquer la Chine pour ses abus des droits humains, lorsque les États-Unis eux-mêmes détiennent une fiche déplorable à cet égard, et aussi puisqu’il menace maintenant l’Iran militairement. Ce n’est peut-être pas exactement le genre de nouveau joueur que l’on espérait ! Cependant, gardons nos doigts croisés…
Dans le contexte de la troisième perception de l’ONU, permettez-moi d’ajouter que les programmes, les agences et les organismes de l’ONU font du bon travail chaque jour partout dans le monde — LORSQUE les Maîtres de l’univers ne leur ordonnent pas de faire le contraire. Par exemples :
Le refus de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de faire face honnêtement aux épouvantables dangers que comporte l’usage militaire de l’uranium appauvri. Je suis certain que vous avez vu les dernières données concernant Fallujah ? Où la mortalité infantile a monté en flèche et les malformations congénitales – deux têtes, pas de membres – sont de plus en plus fréquentes. Les femmes craignent désormais de tomber enceinte. Croyez-moi, demain nous ferons tous face aux horreurs auxquelles Fallujah fait face aujourd’hui si nous ne bannissons pas l’usage de l’uranium appauvri. Un mouvement mondial est en marche, leur site web est le suivant : www.bandepleteduranium.org.
OU la concession d’un faible mandat et d’une habileté insuffisante au Programme environnemental de l’ONU pour anticiper et gérer les calamités climatiques et environnementales dans le monde. Nous connaissons les déceptions de Kyoto et maintenant Copenhague s’annonce très difficile. Même si aujourd’hui nous voyons bouger la Chine et les États-Unis, l’ONU doit détenir une autorité de supervision indépendante en ce qui a trait aux politiques sur les changements climatiques et leur implantation, si le sommet de Copenhague est pour être différent de celui de Kyoto.
La mise de côté trop fréquente de l’avis d’experts objectif de l’AIEA – l’Agence internationale de l’énergie atomique – par le Conseil de Sécurité lorsque l’agression militaire est politiquement plus attirante ou simplement idéale à la construction d’un empire. Pour ce qui est de certains États détenant l’arme nucléaire, comme le Pakistan, Israel et l’Inde – on ne permet pas à l’AIEA de s’impliquer !
OU l’intimidation des pays pauvres et endettés par le FMI et la Banque mondiale afin de diminuer davantage leurs dépenses en éducation, en services sociaux, en logement et en soins de santé : nos droits humains, à nous tous, les plus fondamentaux. Il s’agit des dépenses cruciales, si les pays pauvres doivent un jour s’évertuer à regagner du terrain, pour le bien-être et l’égalité entre les humains. La Banque mondiale et le FMI servent qui ? Leurs rares actionnaires, pas ceux qui en ont le plus besoin.
Ou encore la faible participation à la récente réunion de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Rome sur la « nourriture » – dans un monde ou actuellement plus d’un milliard de personnes font face à la famine et des milliards d’autres sont constamment aux prises avec la faim – ce dont nous devrions tous avoir honte. Et cela nous couvre tous de honte.
De nos pays de l’OCDE, les riches et les plus riches, le seul leader présent était M. Berlusconi, premier ministre du pays hôte ! Le pape a fait la meilleure déclaration. Où était le leadership du Nord ?
Ou étaient les cinq grands ? La pénurie de nourriture n’est-elle pas un problème pour l’humanité, la paix et la sécurité ? Dans un environnement ou il y a moins d’eau douce, ou la production alimentaire décline dans le Sud, ou les semences génétiquement modifiées et le nouvel agro-impérialisme représentent un danger, pourquoi n’étions-nous pas représentés aux plus hauts niveaux ? Est-ce parce que nous sommes occupés à prendre soin de nous-mêmes ?
Toutefois, comme je l’ai mentionné et malgré cette interférence politique et cette négligence, il se fait du bon travail tous les jours ! Ces organisations techniques de l’ONU, sont remplies de personnel brillant et bien intentionné malgré leurs budgets limités. Ils travaillent avec les ONG et la société civile partout sur la planète, particulièrement dans les pays en développement.
En ce qui concerne l’aide humanitaire de l’ONU, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) à Gaza nourrit quelque 80% de la population entière, alors que les Palestiniens luttent et souvent ne survivent pas aux blocus génocidaire d’Israël. Un blocus que les États-Unis appuient et que l’UE et les États arabes permettent, tandis qu’ils attendent et regardent les vies et les attentes se ruiner.
Malgré les agences de l’ONU – UNICEF, UNWRA et les autres sur le terrain – la catastrophe humaine s’amplifie alors que l’Égypte bloque la sortie à Rafah, comme elle l’a fait plus tôt cette année lorsque des milliers de réfugiés tentaient d’échapper aux bombardements de civils avec des bombes au phosphore blanc et à l’uranium appauvri. Et actuellement, ils empêchent la sortie des étudiants palestiniens et l’entrée de la nourriture et autres approvisionnements de base.
Le Conseil de sécurité ? Il s’est tourné les pouces au moment où Gaza et son peuple brûlait littéralement. En outre, il refuse toujours d’exiger que Gaza soit ouverte à l’aide mondiale, à la démocratie, à l’espoir et aux opportunités. Il a manifestement échoué à agir. Il a manifestement perverti son mandat – c’est un Conseil tenu en otage par une minorité.
Espérons que les navires du Free Gaza Movement pourront bientôt briser l’étau israélien et permettront aux Palestiniens de respirer, de travailler, de vivre et grandir.
Aussi, espérons que le Conseil de sécurité de l’ONU lira prochainement le rapport Goldstone et aura le courage de s’y conformer et qu’il acceptera ses responsabilités de protéger les Palestiniens de Gaza, les victimes de ce qui a été qualifié de génocide « parfait ».
Qu’il s’agisse de Gaza ou du travail du Programme alimentaire mondial, lequel nourrit à l’heure actuelle des millions de personnes chaque jour, l’ONU égocentrique du Conseil de sécurité constitue sans cesse un danger politique. On tente sincèrement de recourir au danger des sanctions ou de l’agression militaire avant de passer par une résolution pacifique, un dialogue convenable. Lorsque déterminé par la politique, le droit de protéger (right to protect, R2P) consiste en une dérision des besoins humanitaire. La politique du Conseil fait de la Charte une parodie.
Comme il était bon récemment de voir la Chine refuser la demande d’Obama d’entrer en guerre avec l’Iran et suggérer plutôt une résolution non violente, par le dialogue et la négociation. Malheureusement, vendredi dernier, les médias annonçaient que la Russie et la Chine semblaient désormais envisager l’imposition de sanctions par l’ONU. Je crois qu’ils n’appuieraient pas les « sanctions paralysantes » que la Secrétaire d’État Clinton désire voir imposées : elle n’a vraisemblablement rien appris des sanctions onusiennes contre l’Irak.
Paralysantes ou pas, des sanctions de l’ONU appliquées à l’Iran et à son peuple constitueraient une « punition collective ». Et la punition collective viole le droit international. Les sanctions sont une forme de guerre, qui peut tuer des communautés, qui tue des enfants, lentement, comme ceux qui sont familiers avec l’Irak le savent. Il n’existe aucune justification, il n’y aura jamais de justification pour mettre à mort le peuple iranien.
Vos perceptions ne sont peut-être pas semblables aux miennes. Voilà cependant mon expérience et ma perception de l’ONU à l’œuvre aujourd’hui. Elle est bien, très bien et très mauvaise ; très dangereuse et totalement inacceptable. La Charte est corrompue, l’égocentrisme domine. Le plus petit nombre est aux commandes. Les échecs de l’ONU en matière de paix et de sécurité sont beaucoup trop fréquents. Le droit international est au service de quelques-uns, pas de tous.
Nous nous souvenons tous du jour où le Conseil de sécurité, sous la direction des États-Unis et du Royaume-Uni, a refusé de permettre à l’inspecteur en armement Hans Blix de terminer son travail en Irak, car Bush et Blair ne pouvaient pas résister aux opportunités de guerre, à la simple odeur des profits. Tel est le leadership dans les démocraties manipulées par le capitalisme, souvent menées, apparemment, par les chrétiens régénérés qui ont oublié que leur homme était un socialiste qui parlait d’amour, pas de guerre.
Pour permettre l’invasion de l’Irak, la Charte a été abusée et mal interprétée. Personne n’a avalé les absurdités de Bush et Blair à propos de la défense. À 45 minutes de Londres ! Il était évident que l’Article 51, lequel permet la défense légitime contre une menace imminente, ne s’appliquait pas.
Et maintenant, le Conseil de sécurité de l’ONU fait face à l’expansion de la guerre contre le peuple afghan par la Grande-Bretagne et les États-Unis et peut-être par l’OTAN, peu enthousiaste. Je ne m’attends à aucune action de la part du Conseil, mais l’expansion de la guerre soulève une question : lorsque la majorité des citoyens d’une démocratie s’opposent à la guerre ou à une guerre élargie, celle-ci est-elle légitime ?
Et qui est responsable ? Comment les citoyens peuvent-ils être tenus responsables – comme ils doivent l’être – lorsque des démocraties décident d’entreprendre une guerre d’agression ? Nombreux dirons qu’il n’y a pas de non-combattants dans une démocratie qui poursuit une guerre agressive. Autrement, à quoi se résume la responsabilité partagée de la démocratie ?
Au moment où la guerre prend encore une fois de l’ampleur, on peut se demander comment nous en sommes arrivés à cet état de faiblesse, d’échec au Conseil de sécurité. Quand la pourriture a-t-elle pris naissance ? L’on pourrait commencer par regarder l’année 1945, mais permettez-moi de vous ramener en 1920, lorsque Churchill et son homme, Harris, se sont mis à réduire à néant les rêves d’indépendance kurdes. Avec des biplans, ils ont décidé d’employer le « terrorisme » (vous savez, comme la doctrine « Choc et stupeur » utilisée à Bagdad au début 2003). Ils ont décidé de bombarder des civils dans les villes et villages kurdes du nord de l’Irak. Comme vous le savez bien, Churchill et Harris la Bombe (Bomber Harris) ont poursuivi ces tactiques infâmes lorsqu’ils ont tué des centaines de milliers de civils en lançant des bombes incendiaires à Hambourg, Berlin, Dresde, etc.
Depuis lors, le Conseil de sécurité de l’ONU a observé passivement les affaires se détériorer. Nous voyons à présent des régimes militaires tuer des civils en Afghanistan, au Pakistan et à Gaza, à l’aide d’aéronefs sophistiqués ou de drones Predator, en utilisant de lourdes armes antiblockhaus, des armes à sous-munitions, au phosphore blanc ou à l’uranium appauvri contre des enfants, des femmes et des hommes. Ils bombardent les médias, comme ils l’ont fait avec les bureaux d’Al Jazeera à Bagdad et Kaboul. Récemment, le professeur Chossudovsky et moi avons rencontré un cameraman d’Al Jazeera, Sami Al Haj, à une Commission « populaire » des crimes de guerre en Malaisie, où il a décrit 7 ans d’abus et de torture dans les cages de Guantanamo.
À Gaza, des civils et du personnel de l’ONU ont été attaqués et tués. Des entrepôts de nourriture, des écoles et des cliniques de santé ont également été attaqués. La semaine dernière j’ai appris d’un collègue de l’ONU à Jérusalem que l’armée israélienne, ayant complètement détruit du haut des airs l’American International School , a jugé nécessaire de passer au bulldozer la cour de récréation, les balançoires et glissoires de l’école primaire. N’y a-t-il pas là une violence incompréhensible et une punition des enfants ? C’est incroyable ! Et il est également incroyable que les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU se soient assurés que rien ne soit fait, rien, pour empêcher les tueries. La minutie du génocide peut être sidérante ! Et ça se poursuit, alors que nous nous rencontrons ici au chaud et en sécurité à Montréal, au moment où l’hiver arrive à Gaza et écrase ses enfants.
Pourquoi ai-je mentionné Churchill ? Car il a été, avec Staline et Roosevelt, l’auteur de la Charte de l’ONU. Ce sont eux qui ont exigé l’emprise, le contrôle qu’assurent les cinq sièges permanents détenant un droit de veto.
Ai-je besoin de vous parler de Staline ? Non, n’allons pas dans son dossier des droits humains, vous êtes tous familiers avec ses pratiques brutales et fatales de nettoyage ethnique. Après la perte de millions de vies dans la guerre même, des millions d’autres ont été tués en Union Soviétique. Une catastrophe humanitaire difficile à imaginer.
Pour ce qui est de Roosevelt, nombreux sont ceux qui considèrent désormais qu’il désirait tellement se joindre à Churchill dans la guerre que l’attaque de Pearl Harbour a été « facilitée », afin de d’entraîner les États-Unis dans la guerre.
Malgré les réserves et finalement la démission de l’amiral de la Flotte du Pacifique, les navires de guerre états-uniens demeuraient vulnérables au milieu du Pacifique. L’amiral a supplié Roosevelt de ramener la flotte en Californie. Les renseignements étaient disponibles relativement à l’imminente attaque. Churchill a célébré lorsque Pearl Harbour a été frappé.
En résumé, nous avions ces trois hommes très durs en 1944-1945, auxquels nous pouvons ajouter Chiang Kai-shek et Charles de Gaulle, pour faire cinq. Ils ont dirigé les cinq mêmes pays qui ont créé et détiennent, à ce jour, quelque 65 années plus tard, un droit de veto et des sièges permanents, et contrôlent le Conseil de sécurité de l’ONU.
Regardons les conséquences que peut entraîner la présence de sages-hommes de ce calibre discutable :
Les dommages causés à la crédibilité de l’ONU, par son fonctionnement ou la défaillance de son fonctionnement, sont énormes. L’organisation est souvent perçue négativement dans le monde, particulièrement par ceux qui ne sont représentés d’aucune façon par les cinq membres magiques. Cette perception est aussi fréquemment embrouillée : Nations Unies ou États-Unis ? C’est flou !
Je fais principalement référence au Sud, les pauvres et les plus pauvres. La majorité. Et je fais référence à certains États souverains, qui sont malchanceux d’être situés sur des gisements de pétrole, des richesses minières et possiblement sur de l’eau et d’autres ressources nécessaires aux riches et aux puissances militaires. Certains d’entre nous ont une façon impitoyable d’engloutir les ressources naturelles limitées des autres États souverains. Les États « quelque peu » ou théoriquement démocratiques semblent capables de justifier des guerres d’agression, en plus de l’exploitation, du viol et du pillage. Certes, ils préféreront probablement utiliser des termes comme développement, investissement et commerce !
Le Conseil de sécurité de l’ONU retarde, compromet les décisions et ultimement acquiesce aux souhaits des cinq grand, comme cela s’est passé avant l’invasion totalement illégale de l’Irak par les forces états-uniennes et britanniques au début de l’année 2003.
L’interrogatoire du gouvernement qui a débuté récemment à Londres, même si elle est mieux que rien, n’a pas d’autorité.
Et l’ONU ? Elle est compromise et davantage affaiblie. Ces États qui auraient pu opposer leur veto à cette invasion n’ont pas posé ce geste de rejet tel qu’il est requis par la Charte. Celle-ci a été ravagée, mais les États-Unis et le Royaume-Uni s’en sont sorti indemnes. Pas de condamnations. Pas d’exclusion du Conseil de sécurité. Pas de compensation à payer, ni d’indemnisations ? Nyet !
Et l’application de deux poids deux mesures ? L’Irak envahit illégalement le Koweit et c’est la pagaille monstre, bien que Bagdad était prêt à négocier un retrait pacifique. L’avidité capitaliste pour le pétrole iraquien, l’opportunité de faire la guerre et le souhait d’une présence stratégique dans la région ont très rapidement mis de côté cette possibilité pacifiste. Et comme lors de la guerre du Golfe onusienne de 1991, une fois de plus le terrorisme d’État, les atrocités et la terreur de l’occupation et des tueries militaires on débuté et se poursuivent.
Entre-temps, les réparations que l’Irak a versées jusqu’à présent au Koweit ont atteint 60 milliards de dollars et les versements se poursuivent. Entre-temps, le Vietnam attend son premier sous ! Des indemnisations seront-elles payées à l’Irak ? Je ne crois pas ! Ici encore, les deux poids deux mesures sont à l’œuvre.
J’ai travaillé pour l’ONU à Bagdad, alors que les sanctions de l’organisation étaient en vigueur en 1997-1998, et la ville était sécuritaire. Aujourd’hui, après les bombardements massifs, l’occupation et la mise en place d’un gouvernement fantoche, les assassinats et le nettoyage ethnique sont des événements quotidiens ! Et quelque 100 000 mercenaires états-uniens courent en liberté et tuent en violant et le droit national et le droit international. Le Conseil s’est-il exprimé ? Non.
Donc si le Conseil de sécurité est « truqué », où est la Cour pénale internationale de l’ONU (CPI) ? Elle est captive comme les prisonniers en route vers Guantanamo Bay. Le procureur a peu de pouvoir, autrement il frapperait à la porte du 10 Downing Street ! Les États-Unis n’ont pas ratifié le traité de la CPI et M. Blair attend toujours d’être poursuivi en justice dans son pays. Le club des anciens et les cinq grands sont protégés. La CPI travaille alors sur Taylor et Vladovic et d’autres petits criminels de guerre. Encore là, deux poids deux mesures, l’habituel talon d’Achille des Nations Unies.
La liste des échecs du Conseil de sécurité est longue et je n’ai pas l’intention de vous la dresser entièrement. Depuis le début de la soirée, j’ai déjà, au passage, touché aux conséquences de l’intérêt personnel et de l’inégalité entre les États membres, aux profits de la guerre et à la consommation des ressources naturelles.
Je suppose que nous nous souvenons tous comment les casques bleus de l’ONU sont restés là à attendre à Srebrenica lors du massacre de 7000 hommes et garçons musulmans. Le Conseil n’a pas réussi à prévenir le nettoyage ethnique.
Aucun d’entre nous ne peut oublier les massacres perpétrés au Rwanda, alors que quelques milliers de troupes de l’ONU s’y trouvaient et à qui le Conseil avait interdit de lever le petit doigt. Certains ont toutefois prêté assistance sous le commandement d’un courageux général canadien qui a décrit la situation en détails. Qui a déclenché le génocide ? La question demeure sans réponse. Pendant ce temps, j’ai cru comprendre que le Rwanda est devenu anglophone ! Étrangement, la guerre au Cambodge et au Vietnam a eu le même résultat !
En Afghanistan nous avons été témoins d’une invasion et de l’occupation, avec d’interminables pertes civiles, tout cela en raison de l’hystérie qui a pris naissance dans les jours qui ont suivi le 11 septembre. Le Conseil de sécurité de l’ONU a cautionné une vengeance contre le peuple afghan. Mais était-il impliqué ? Je ne le crois pas. Je ne me rappelle pas que l’argent, les pilotes, les cerveaux derrière cet acte de défense terrible provenaient d’Afghanistan. Bush a-t-il aidé des Afghans à quitter les États-Unis par avion quelques heures après les attaques du 11 septembre ? Pas que je me souvienne. Pauvre Afghanistan, n’était-il qu’une autre opportunité de guerre ?
L’Irak a été détruit — rappelons-nous de Fallujah, mentionné plus tôt — sur les plans culturel, social, économique et au niveau de l’intégrité des infrastructures et du bien-être. Que puis-je dire de plus ? Le Conseil a gardé le silence.
Cette année à Gaza, nous avons assisté à une destruction totale analogue. Encore une fois, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas réussi à mettre fin à la violence.
On ne peut pas aborder ce sujet sans exprimer d’inquiétudes concernant la montée de l’OTAN en tant que nouvelle force dangereuse et agressive en dehors de sa région. Nous devons par ailleurs regretter le rôle de l’ONU dans l’accroissement de la puissance et de la portée de l’OTAN.
En outre, nous ne pouvons pas négliger les menaces d’attaques adressées à l’Iran. Sans preuves solides démontrant que l’énergie nucléaire servira à des fins militaires, l’Iran est menacé d’une attaque militaire d’Israël et des États-Unis. Le Conseil de sécurité se voit à nouveau contraint d’acquiescer. Cela ressemble terriblement à ce qui a mené à l’invasion de l’Irak.
Le concept de guerre préventive est une fois de plus en jeu et il n’y a pas de disposition dans le droit international concernant ce « jeu ».
L’Iran, en dépit de ses luttes internes, est un État souverain ayant le droit de se défendre. Il est actuellement entouré d’ogives nucléaires états-uniennes et israéliennes. Si l’Iran cherchait à acquérir des armes nucléaires défensives, on pourrait défendre cette approche en disant qu’il s’agit d’un moyen de dissuasion. Mais je ne le ferai pas.
Il est certes incroyable de s’attendre à ce qu’un État souverain d’une telle vulnérabilité et d’une telle dignité accepte les demandes de l’ONU et de l’UE, qui souhaitent que son combustible nucléaire soit traité à l’étranger par les pays mêmes qui menacent sa sécurité et sa souveraineté.
Le Conseil de sécurité doit reconnaître que l’Iran a parfaitement le droit de posséder de l’énergie nucléaire et doit s’assurer, par le biais de l’AIEA, que cette énergie est utilisée uniquement à des fins pacifiques. Vous pourriez bien sûr demander pourquoi l’Iran devrait être inspecté alors que les États-Unis refusent de l’être ? Et Israël nie son arsenal nucléaire ! Y-aurait-il là encore deux poids deux mesures ?
Afin que l’Iran se conforme à l’inspection, le Conseil doit exiger comme condition que les États-Unis et Israël se désistent et que l’État hébreux renonce à ses armes nucléaires. Il doit par ailleurs exiger de toutes les puissances nucléaires qu’elles désarment, incluant les cinq membres permanents : un autre crime par omission de la part des grands garçons. Bien sûr, ils ne font qu’un ! On pourrait dire qu’il y a là un petit conflit d’intérêt !
D’accord. Comment pouvons-nous changer l’ONU et particulièrement le Conseil de sécurité ?
Depuis de nombreuses années je propose de réformer le CS lors de rencontres publiques et dans les universités. L’Assemblée générale poursuit continuellement des discussions dans ce sens depuis environ 15 ans. Les changements apportés ont été minuscules et l’élargissement du vrai pouvoir a été limité à la proposition de promouvoir l’Allemagne, l’Italie et le Japon au statut des grands. C’est ridicule. Pourquoi ? Parce que le Conseil est déjà dominé par le Nord, et j’y inclus la Chine. Ce dont le Conseil a besoin, c’est d’un équilibre, c’est-à-dire un équilibre entre le Nord et le Sud. La majorité des peuples du monde doit être représentée. Est-ce sorcier ? Je ne crois pas, mais quelle horreur* ! Je peux entendre Churchill, ce vieux colonialiste, se retourner dans sa tombe à cette simple idée !
Par ailleurs, est-il approprié que les cinq membres permanents sélectionnent les États qui leur plaisent ? Je ne crois pas. À mon avis, la représentation du Conseil devrait être régionale, non pas nationale, et chaque région devrait choisir son État représentant cinq ans avant la rotation. Cet État parlerait au nom de la région entière. Cela nécessiterait probablement des consultations au sein des régions avant la prise de décisions importantes. Pourquoi pas ? Ces consultations pourraient prévenir des erreurs dues à l’empressement, comme l’approbation du Conseil cautionnant l’invasion de l’Afghanistan trois jours après le 11 septembre.
Par conséquent, on peut visualiser le Costa Rica, un petit pays sans puissance militaire, comme représentant choisi par l’Amérique centrale et l’Amérique latine. Lorsque le petit Costa Rica parlerait au Conseil de sécurité, le monde saurait que c’est l’Amérique latine et les Caraïbes qui parlent. Là ils auraient de l’influence. Cela signifierait quelque chose. Il s’agirait de la voix du Sud.
Ou plus près de chez-nous, considérons l’Amérique du Nord — le Canada, les États-Unis et le Mexique : un siège permanent, la rotation des membres. Le Canada pourrait-il représenter les États-Unis et le Mexique ? Pourquoi pas ? Nous aurions un avantage, à moins que le Canada ait désormais des plans pour conquérir le monde ! Ce siège ne serait peut-être pas confortable pour le Canada, mais cela forcerait Washington DC à parler à Ottawa avant toute hyperventilation.
Le même modèle fonctionnerait pour l’Afrique Subsaharienne, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, l’Asie du Sud-est et l’Australie/Nouvelle-Zélande, l’Asie du Sud etc. L’Europe, l’UE, qui détient à l’heure actuelle deux anciens sièges, tomberait à un seul siège permanent et une représentation tournante.
Grâce à ce système représentatif mondial, et à la disparition ou au moins à la réduction des puissances nucléaires et à l’inclusion de la majorité, les pays du Sud, je crois que nous verrions des décisions différentes. Croyez-vous que les membres permanents de l’Asie du Sud, de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient auraient cautionné l’invasion de l’Afghanistan ? Ou la destruction de l’Irak ? Je ne crois pas !
Avec cette réforme, convenez-vous qu’il y pourrait y avoir davantage de pression en faveur du désarmement et de la destruction des armes nucléaires ? Convenez-vous qu’il y aurait davantage d’intérêt accordé aux changements climatiques et à la montée des eaux ? Si la pauvreté était représentée à la table, ne pourriez-vous pas espérer que l’on s’intéresse convenablement aux droits des pauvres et des plus pauvres pour la première fois ?
Croyez-vous que l’on se préoccuperait mieux de la nourriture, de la sécurité alimentaire et de la sécurité humaine et que l’on trouverait des solutions ? Ne croyez-vous pas que l’influence sur la Banque mondiale et le FMI serait davantage favorable aux personnes ? Plus développementale et moins punitive ?
Les possibilités d’améliorer la prise de décision sont infinies. Il y aurait une nouvelle appropriation des Nations Unies, de l’espoir et peut-être un nouveau départ. Il y aurait moins de contrôle égocentrique, les puissances militaires seraient moins présentes et le droit international et la Charte de l’ONU seraient moins corrompus.
Je sais, vous croyez que je suis une sorte d’optimiste vieillissant ! Suis-je sincèrement plein d’espoir ? Oui, car nous avons récemment vu un changement. Et notre ami et joueur potentiel, le président Obama, a admis que le G-20 doit demeurer en place. Cela signifie que le Sud est convenablement reconnu pour la première fois. Le fait que l’Argentine, le Brésil, le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Indonésie et d’autres – tous d’anciens sujets coloniaux — soient représentés, est un phénomène révolutionnaire.
Maintenant, certains d’entre vous sont mécontents, car le G-20 est, une fois encore le riche G-8, tout simplement élargi. Oui… les riches pays du Sud y sont intégrés. Je considère toutefois que les ajouts au G-8 intègrent plus de 4 milliards d’êtres humains au groupe. Voilà un changement positif !
Mon intention est d’utiliser la percée du G-20 dans le but de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU. Et pourquoi les cinq grands anciens accepteraient-ils ce genre de dilution de pouvoir au Conseil de sécurité de l’ONU ? Parce que c’est dans leur intérêt. Ils commencent à reconnaître le pouvoir du Sud et ils savent que l’ONU devient incongrue et que pour maintenir le Conseil de sécurité, ce même Sud doit avoir un siège.
Grâce à de nouveaux sièges au Conseil, je crois que l’usage de la politique actuelle de deux poids deux mesures serait bien moins envisageable. Je crois que les dispositions de la Charte et du droit international seraient respectées, puisque les pays et les peuples de seconde zone n’existeraient plus. La représentation serait complète dans les affaires de paix et de sécurité, pour la toute première fois !
Les petits pays que le club des grands aime menacer, voire envahir, et à qui ils aiment vendre leurs résidus d’armes, seront dorénavant autour de la table. Cela pourrait contraindre les marchands d’armes, les bâtisseurs d’empire et ceux qui se sentent capables de violer les droits souverains et de voler les ressources naturels des pays non militarisés. C’est une bonne chose.
Mais encore, laissez-moi vous demander pourquoi les cinq puissances au droit de veto accepteraient-elles de se réformer ? Parce qu’ils comprennent que le pouvoir géopolitique s’est déjà déplacé du Conseil au G-8. Ils ont vu le G-20 augmenter ce pouvoir géopolitique et diminuer de plus belle le rôle du Conseil. Ils craignent que dans les années à venir les initiatives mondiales cruciales ne proviendront pas de l’ONU, mais du G-20, où le monde est représenté à la fois géographiquement et sur le plan de l’équilibre Nord/Sud.
Entre-temps, le Conseil devient grandement répressif, en s’occupant de problèmes nationaux spécifique plutôt que des préoccupations mondiales intimement liées à la paix et à la sécurité. Leur mandat même est en danger !
Craignant la superfluité et l’incongruité, la vieille Europe est devenue la nouvelle UE, laquelle s’est transformée en bloc économique le plus grand de la planète. Fait encore plus important, malgré les dangers que constitue l’OTAN, l’Europe, avec son histoire guerrière, est devenue une Europe en paix. Pendant ce temps, le CS a stagné et risque de d’être mis de côté, à moins de devenir représentatif et, puis-je oser le suggérer, démocratique. Il n’y aurait plus de droit de veto, mais un nouveau sens des responsabilités, soutenu par les objectifs, mais à l’intérieur des contraintes de la Charte et du droit international. Il n’y aurait plus d’approche deux poids deux mesures.
Pour être complète, cette révolution nécessiterait la représentation accrue des vraies personnes au cœur du dialogue onusien et dans les couloirs de réflexion et de participation. La représentation complète des ONG et de la société civile doit être intégrée. Il serait nécessaire de voir davantage de respect pour le droit international, les droits humains et les droits des enfants parmi d’autres dispositions légales.
En ce qui concerne les crimes de guerre comme ceux auxquels nous avons assisté dans les dernières années – je fais référence aux invasions de l’Afghanistan, de l’Irak et de Gaza – et les crimes intérieurs commis au Soudan et au Congo, l’ONU doit faire fonctionner la CPI. Les poursuites en justice des dirigeants pour crimes de guerre nationaux et crimes contre l’humanité devraient être intentées par le biais des systèmes de justice nationaux. Bien que défaillant, le mécanisme de la Cour pénale internationale doit être utilisé.
Les Commissions et Tribunaux des crimes de guerre auxquels Michel et moi avons participé seraient superflus si le principe des deux poids deux mesures protégeant les États-uniens et les Britanniques était perçu comme inacceptable et si la CPI était efficace. Dictateurs ou démocrates, les dirigeants doivent comprendre et accepter qu’ils sont tenus de gouverner dans les limites de la législation nationale et internationale. Les « Cours populaires » — les Tribunaux Russel, Brussels, de Dublin et de Kuala Lumpur – sont les seuls substituts que nous détenons pour révéler la criminologie du leadership. D’ici à ce que la CPI fonctionne correctement, le leadership se sentira au-dessus de la loi et c’est inacceptable.
Je sais que je joue avec le feu et que je teste votre patience, mais en terminant je voudrais mentionner Perdana, la criminalisation de la guerre et tout ce qui se rattache à la guerre.
Sans supprimer le droit à la défense, que Gandhi et Perdana respectent, la criminalisation de la guerre est une philosophie qui appelle à la réalisation de la paix par la promotion de la paix, non par la glorification de la guerre.
Comment ?
en déclarant que la tuerie en temps de guerre est égale à celle commise en temps de paix et mérite la poursuite judiciaire, incluant celle des dirigeants qui mènent les pays à la guerre ;
en considérant comme criminelles toutes les activités commerciales, financières, industrielles et scientifiques qui appuient la guerre ;
en acceptant entièrement les principes de la Charte de l’ONU prônant une fin pacifique aux disputes ;
en s’assurant que les serviteurs publics et ceux qui œuvrent dans les champs médical, légal, scientifique et pédagogique promeuvent la paix et font campagne contre la guerre ;
en exigeant que les médias s’opposent à la guerre et à sa glorification et promeuvent l’éthos de la non violence ;
en enjoignant tous les chefs religieux à condamner la guerre et à promouvoir des solutions pacifiques.
Voilà ce qu’est Perdana
Le Conseil de sécurité réformé et reconstitué, doit être tenu par la même philosophie. Toute décision en faveur de sanctions ou d’autres formes de force militaire compatibles avec la Charte devrait être reconnue avant tout comme un échec de l’application des Articles 1 et 2. Ensuite, la décision devrait être transférée du Conseil de sécurité à l’Assemblée générale, où elle devrait être approuvée par les deux-tiers de l’Assemblée avant d’être mise en application. Même le nouveau Conseil élargi serait soumis à la contrainte de l’approbation de la majorité d’une Assemblée générale revitalisée, bien garnie en représentants de la société civile.
Si nous pouvons réformer le Conseil de sécurité tel que décrit ci-dessus, il y aura du progrès et du changement. Toutefois, si les États membres de l’ONU ne peuvent pas accepter la philosophie de Perdana afin de promouvoir la coexistence pacifique, les Nations Unies sont condamnées. Si l’ONU existe seulement pour le bénéfice de quelques uns, il ne s’agit pas d’une entité valable. Les Nations Unies doivent changer rapidement pour servir les meilleurs intérêts de chacun.
Article original en anglais : The United Nations’ Role in Peace and War. « The UN of the arms dealers – the most disreputable and yet profitable business on earth. », publié le 4 décembre 2009. http://www.globalresearch.ca/index.php ?context=va&aid=16399
Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca
Denis Halliday a passé une bonne partie de sa carrière auprès des Nations Unies, impliqué dans des actions d’aide humanitaire. In 1997, il fut nommé Sécretaire général adjoint et directeur du programme humanitaire en Irak. Un an plus tard, après 34 ans de service au sein des Nations Unies, Halliday annonce sa démission en raison des sanctions économiques imposées à l’Irak, qu`il qualifie de « génocide ».
En 2000, Halliday fut mis en nomination pour le Prix Nobel de la Paix. En 2003, il reçut le Gandhi International Peace Award. Depuis son départ des Nations Unies, Denis Halliday a participé de manière active dans plusieurs actions contre la guerre et les crimes contre l’humanité. Il est présentement membre de l’Initiative de Kuala Lumpur en vue de « criminaliser la guerre ». Il enseigne également à Trinity College, Dublin.
http://newsoftomorrow.org/spip.php?article7079
Posté par rwandaises.com