(Syfia Grands Lacs/RD Congo) Trop d’Ong sont considérées comme un moyen pour capter des financements extérieurs qui vont enrichir leurs promoteurs aux dépens des activités utiles. Quelques Ong bien gérées font exception. Reportage au Katanga à l’extrême sud de la RD Congo

« C’est mon Ong. Mon entreprise. Vous n’avez pas de leçons à me donner ». Ces paroles, prononcées par un coordonnateur d’une Ong, résonnent aux oreilles de Christian Mbunda qui raconte son aventure : « Au début, nous fonctionnions avec les cotisations des membres. Nous avons loué un local pour installer une Ong agricole. Quand nous avons obtenu un financement, du coordonnateur aux membres, chacun voulait s’enrichir ». Cet ex-membre d’Ensemble contre la faim et la misère (ECFM) ne veut plus s’affilier à quelque association que ce soit.
Lubumbashi, au Katanga compte toutes sortes d’Ong. Certaines ne sont que de simples mentions sur les murs de bâtiments devenus des magasins d’alimentation ou des habitations. D’autres encore n’existent que de nom sur les documents du coordinateur. Des Affaires sociales à l’Environnement en passant par le Conseil régional des Organisations non gouvernementales (Crong), personne ne connaît leur nombre avec exactitude. Le Crong en compte73, le Centre d’apprentissage et d’appui agricole 40, la Centrale des coopératives du Katanga 11 et les associations des handicapés en ont une vingtaine. Mais bien d’autres existent.

Transparence dans la gestion
Membre de l’une d’elles, Jean-Pierre Ndala se plaint : « Dès qu’on a eu le premier financement, le coordonnateur s’est acheté une voiture neuve et a dit qu’elle servirait aux courses de l’Ong. Le budget en a souffert ». Selon le coordonnateur du Crong, il faut se donner certaines exigences pour bien mener une Ong : être transparent dans la gestion financière et la gestion des conflits ; savoir se fixer des objectifs et identifier les priorités. Enfin, il est important de respecter les délais fixés pour l’exécution d’un projet. « Nous formons les Ong pour qu’elles puissent gérer les ressources et financements afin de réaliser leurs objectifs. Mais malheureusement, toutes ne sont pas affiliées à la plateforme « , explique-t-on au Crong.
Différentes raisons sont invoquées pour justifier les problèmes de gestion. Ainsi, Ezéchiel Tshibangu Tshanz, de Vision, soins et éducation pour tous, pense qu’ils sont à mettre à mettre en rapport avec les conditions de vie des employés : « Imaginez quelqu’un d’affamé mais qui a la charge de faire les achats de l’Ong. II sera tenté de soutirer un peu d’argent pour le repas du soir chez lui ». Au service urbain des Affaires sociales, on n’est pas du même avis. « La gestion est une question de personnalité, de bonne gouvernance. Si le besoin pour la communauté est d’avoir une école, chacun mettra la main à la pâte pour qu’elle soit construite. Mais si les besoins sont ceux des dirigeants et non de la communauté, l’argent sera mal utilisé », déclare Philémon Kasongo, chargé des actions sociales. Germain Kafwimbi, coordonnateur du Crong, abonde dans ce sens. Rien ne fonctionne si les fondateurs ou dirigeants d’une Ong n’ont pas, au préalable, consulté la population et ne connaissent pas les difficultés auxquelles celle-ci est confrontée. « Ceux qui prétendent parler au nom des paysans ne leur donnent même pas l’opportunité de progresser. Voilà qui crée un fossé d’incompréhension entre dirigeants et bénéficiaires », explique Germain Kafwimbi.

Répartir les responsabilités
Cependant, malgré ces difficultés, certaines ong du Katanga sont crédibles et ont la confiance des bailleurs. Au Cenagri par exemple, de vastes étendues de champs renseignent suffisamment sur leur travail sur le terrain. Le centre apprend à ses 2700 membres (dont 775 agriculteurs) à se prendre en charge. Les agronomes suivent les agriculteurs et proposent des méthodes et techniques agricoles. Ici, être membre, ce n’est pas passer son temps au siège de l’Ong mais être à son poste de travail en appliquant les leçons reçues à la formation. « Il faut leur apprendre à faire des projets à court terme pour la survie mais aussi à moyen et à long terme pour le développement individuel et celui de la communauté », déclare le coordonnateur du Cenagri. Depuis 1991, le Centre en est à son 15e partenaire financier. Parmi les secrets de sa longévité, le coordonnateur parle de la répartition des tâches. « Il faut que la personne chargée de la logistique, ne soit pas la même que celle qui tient la caisse, pas non plus que celle qui remplit les livres des comptes. Si la sortie de l’argent exige plus de deux signatures, il est possible de freiner la fraude ».

ENCADRE

De faux justificatifs pour tromper les bailleurs

(Syfia Grands Lacs/RD Congo) « Nous, infirmiers, ne trouvons pas tellement notre compte dans les fonds destinés aux vaccinations de masse ou de routine pour les enfants et leurs mères. Nous sommes obligés de travailler et de parcourir de grandes distances, affamés. Il faut vacciner au moins 95 % de la population cible. Tel est le mot d’ordre », raconte un infirmier titulaire de Kambundi à 50 km de la ville de Kananga, chef lieu du Kasaï-Occidental au centre de la RD Congo. Sans moyens, ces infirmiers en peuvent accomplir tout ce qui leur est demandé. Mais les responsables extérieurs du projet n’en savent rien, les chiffres qui leur sont donnés sont biaisés.
« Tout semble indiquer que le travail est bien fait, s’indigne N.A un agent de contrôle du bureau central de Kananga qui est allé en mission dans les centres de l’intérieur. Les factures et reçus des achats réalisés sont en ordre, des listes nominatives sont dûment signées par les bénéficiaires de l’activité, des rapports sont établis de manière à justifier toutes les dépenses. Cependant, les agents touchent entre 3 et 5 $ à la place des 20 ou 25 $ écrits sur papier et réellement prévus pour les encourager à bien travailler.  »
Les dépenses des bureaux sont mises sur le dos de ces pauvres infirmiers des différentes aires de santé alors qu’ils n’en ont retiré quasiment rien. Comment arrivez-vous à trouver ces justificatifs ? « A l’impossible nul n’est tenu, répond François Mukendi, ancien gestionnaire de l’hôpital de référence de Lukonga à Kananga : nous rencontrons les détenteurs des facturiers pour obtenir les différents justificatifs à présenter chez les bailleurs. De temps en temps, l’UNICEF, GAVI Alliance (une association d’Ong qui s’occupe de la vaccination et de l’immunisation dans le cadre du programme de prévention) ou d’autres partenaires doutent de certaines pièces et nous les renvoient ».
En définitive, le travail est bâclé et les enfants de l’arrière-pays ne sont pas vaccinés. C’est ainsi que l’an dernier, des cas de polio ont été dépistés dans les aires de santé de Luebo, Mueka et présentés à l’OMS, antenne de Kananga alors que la maladie semblait éradiquée au Kasaï-Occidental.
Julienne Elameji

 
 
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Posté par rwandanews.fr