Alors qu’une opération militaire d’envergure des forces armées de la République démocratique du Congo (RDC), appuyées par les Nations unies, est en cours contre les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un rapport d’experts mandatés par l’ONU a mis en évidence l’important réseau international sur lequel ils s’appuient.
Le texte, examiné à huis clos par le Conseil de sécurité, mercredi 25 novembre, n’a pas été rendu public. Selon une copie dont Le Monde a possession, il montre l’étendue du réseau à l’étranger de la rébellion hutue rwandaise. Celle-ci a été créée autour d’un noyau de miliciens et d’ex-soldats impliqués dans le génocide rwandais de 1994. Avec le temps, ces « génocidaires » ont été rejoints par de nouvelles recrues dans l’est de la RDC, où ils ont longtemps opéré.
Parallèlement, les FDLR se sont dotés à l’étranger d’une structure politique « propre » (non impliquée dans le génocide), de réseaux de soutien et de financement dans une vingtaine de pays décrits par les experts mandatés par les Nations unies.
Le rapport établit les liens entre la structure militaire des FDLR et ses responsables politiques installés en Europe et aux Etats-Unis. Des factions dissidentes de la rébellion hutue, comme le RUD Urunana, sont dans le même cas, selon les auteurs du rapport qui concluent que, « sans ce soutien extérieur, les opérations des FDLR, du RUD Urunana sur le terrain seraient considérablement entravées ».
ATTAQUES CONTRE LES CIVILS
Les experts des Nations unies ont pu retracer les virements et les communications téléphoniques qui permettaient à la direction des FDLR de se livrer à des achats d’armes, mais aussi d’intervenir dans la stratégie militaire. Ainsi, une conversation rapportée dans le texte surprend l’un des ordres émanant d’un haut commandement à un responsable local lui enjoignant d’« attaquer des civils et des hôpitaux », une trace corroborée par d’autres témoignages de la volonté d’instaurer la terreur pour des motifs politiques.
Plusieurs hauts responsables des FDLR basés en France, dont Callixte Mbarushimana, le secrétaire exécutif du mouvement, n’ont pas été inquiétés. En revanche, le chef des FDLR, Ignace Murwanashyaka, et son adjoint, Straton Musoni, ont été arrêtés le 17 novembre en Allemagne, où ils devraient répondre d’accusations de « crimes contre l’humanité « .
Depuis janvier, les attaques contre les civils ont augmenté. Cette période correspond à deux opérations successives contre les FDLR, menées par l’armée rwandaise et ses alliés locaux, puis par l’armée congolaise avec le soutien de la Mission de l’ONU au Congo, la Monuc.
Cette seconde phase, « Kimia II », est un échec, analysent les auteurs du rapport. Au cours de cette période les FDLR n’ont pas été neutralisés et l’extraction illégale de minerais dans l’est du Congo a fait un bond. Les rebelles exportent notamment de grandes quantités d’or à travers l’Ouganda, la Tanzanie et le Burundi, démontrent les experts des Nations unies, dégageant des « millions de dollars qui vont directement remplir les coffres des FDLR ». Les minerais sont exportés vers de nombreuses destinations. On trouve, par exemple, une compagnie basée aux îles Samoa, acheminant du minerai à Hongkong.
Autre dimension du réseau des FDLR, celui du recrutement et du trafic d’armes, qui impliqueraient des responsables politiques ou des agences de renseignement au Burundi et en Tanzanie. L’enquête des experts leur permet d’établir que des responsables militaires congolais continuent aussi d’apporter un soutien « résiduel mais significatif » aux rebelles hutu.
Chaque camp, à cet égard, mène souvent un double jeu, sur fond de pillage généralisé des ressources minières par les rébellions et les pays de la région. Le rapport décrit comment une opération conjointe de l’armée rwandaise de la rébellion tutsie, le CNDP, dont l’objectif devait être de combattre les rebelles hutus, s’est accompagnée en janvier de campagnes pour vider de leurs habitants certaines zones près de Walikale, pour y installer les rebelles alliés de Kigali dans une zone particulièrement riche en cassitérite, un minerai servant à la fabrication de l’étain.