(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Les habitants de certains villages du sud du Rwanda sont dans une misère sans nom : ils vivent dans des huttes où il pleut, ne mangent qu’un maigre repas par jour. Les autorités locales sont accusées de ne rien faire pour les aider et les empêchent de construire eux-mêmes leurs maisons.

Il est midi, l’heure de la rentrée des champs. Les agriculteurs de la cellule Ruvugizo à Gisagara au sud du Rwanda, houes sur les épaules, rentrent sous leurs toits de paille. Pas de fumée dans la vingtaine de huttes. « Nous ne mangeons que rarement ici », note une maman assise devant sa case. Contrairement à d’autres villages du pays, à la place de l’étable et de la cuisine, on ne voit dans l’enclos qu’un bâti en bois destiné au séchage des récoltes, qui supporte quelques kilos de manioc, qui attendent le mortier.
Cultiver toute l’année les champs des autres est le lot de nombre de ces démunis. Uzamukunda Béata, une divorcée, a la charge de sa mère et de son fils de 12 ans. Pour les nourrir, elle travaille les terres de voisins et reçoit 500 Frw (1 $) par jour ou un kilo de haricots. Elle en trie les graines de bonne qualité pour la semence et consomme la mauvaise : « Un kilo de haricots au manioc, c’est que nous consommons pour trois jours », confie Béata. Les plus âgés attendent souvent leur nourriture de leurs enfants et petits-enfants. « Du riz et de la viande ! Je n’en mange jamais, même pas à l’occasion des fêtes comme Noël et la Bonne année. Où trouverais-je de l’argent pour m’en procurer ? Chez moi, tous les jours sont les mêmes, toujours sombres… », déclare Nyamvura Sara, une septuagénaire.

S’abriter sous un parapluie dans sa hutte
Cette pauvreté frappe surtout les femmes et des enfants. Les hommes qui gagnent un peu d’argent, au lieu de le partager dans la famille, le dépensent en alcool. Face à cette misère, la population crie fort que certains programmes destinés à les aider profitent plus aux nantis qu’à eux. Lors de la 7e rencontre du dialogue national, tenue en fin d’année, il a ainsi été dit que plus de 7 000 vaches du programme « Une vache, une famille », qui octroie une vache à chaque famille pauvre, ont bénéficié à des personnes aux revenus moyens et aux autorités locales.
« Ma maison s’est écroulée le mois passé à la suite des pluies torrentielles, mais les autorités locales ne m’ont pas encore aidé à en construire une autre. J’attends leur assistance puisque moi, je n’ai pas de moyens », explique une mère qui loge dans une hutte et souhaite vivre sous un toit qui ne laisse pas passer la pluie. « Imaginez ! Il y a des familles qui, dans leur maison, doivent s’abriter sous des parapluies quand il pleut » s’exclame le maire du district de Bugesera, à l’est du pays, en appelant à la solidarité tous les habitants de sa région.

Difficile de construire
Ceux qui vivent dans ces huttes accusent les autorités d’être responsables de cette situation. Depuis 2005, en effet, pour protéger l’environnement, la fabrication des tuiles n’est autorisée qu’aux seules coopératives. « Nous sommes empêchés, bon sang ! Pas question de prendre l’argile, ni de couper le bois », se désole un habitant de Gisagara, qui dit que s’il y était autorisé, il pourrait construire sa propre maison avec son revenu journalier de 500 Frw : « Je peux me débrouiller seul avec les tuiles puisque les tôles sont très chères ». « Jamais ! rétorque Karekezi Léandre, le maire de ce district. La fabrication des tuiles doit passer par les coopératives, ce qui nous évitera de gaspiller du bois et de l’argile et nous permettra de sauvegarder notre environnement ». Et d’ajouter que ces personnes ne fournissent aucun effort : « Depuis une année, nous leur avons demandé d’élever les murs des maisons pour que nous puissions les soutenir pour la toiture, mais ils ne l’ont pas fait. »
« À quoi bon vivre dans une maison à tôles sans rien à se mettre sous la dent », disent aussi certains habitants des ménages vulnérables du secteur Mukindo qui avaient bénéficié, en 2007, grâce à la Compassion (une Ong œuvrant dans la région) de maisons durables couvertes de tôles. Ils ont enlevé et vendu ces tôles pour acheter des tuiles. Le reste de l’argent, disent-ils, leur a servi, pour un temps, à se nourrir. Le gouvernement prévoit que toutes les maisons en paille soient remplacées d’ici la fin de l’année 2010 par des habitations en matériaux durables.
Le taux d’extrême pauvreté dans ces régions du sud du Rwanda est estimé à 45 %. Les familles ont en moyenne quatre enfants, les terres sont acides, le fumier rare. Le gouvernement prévoit un Produit national brut par habitant (PNB) à 900 $ pour 2020. Actuellement, il est d’environ 200 $ au Rwanda, soit la moitié de celui de la Tanzanie et plus de 4 000 fois moins que celui des USA.

 
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Posté par rwandaises.com