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Analyses | |
Le Monde, 24.02.10 par Luc Lamprière, Jean-Marie Fardeau, Michel Roy Le voyage ce jeudi de Nicolas Sarkozy à Kigali pourrait être un temps fort de son quinquennat : un président français, enfin, aura le courage en se rendant sur le site du mémorial du génocide à Gisozi de faire face à l’horreur du génocide rwandais et à sa mémoire brûlante ainsi qu’aux massacres qui ont jalonné l’histoire de ce pays. Et pourrait inaugurer une rupture fondamentale avec l’engagement de la France en Afrique centrale, mais aussi avec l’approche géopolitique qui a permis à la « crise des Grands Lacs« de perdurer depuis déjà seize ans. Certes, depuis plusieurs années, la France affirme avoir tiré les leçons collectives du drame rwandais, en s’érigeant notamment en championne de la « responsabilité de protéger », tant aux Nations unies qu’au sein de l’Union européenne. Il reste cependant encore à la France à reconnaître le travail fait par nombre d’historiens sur le génocide rwandais et, comme l’a déclaré Bernard Kouchner, de trouver « les mots justes pour évoquer l’attitude des uns et des autres pendant cette tragédie ». On pourra alors se réjouir du » rétablissement « des relations diplomatiques franco-rwandaises, en attendant une réelle « normalisation » qui impliquera d’aborder tant les sujets dont on peut se féliciter que les questions qu’on a moins envie d’entendre. C’est-à-dire souligner l’efficacité de la reconstruction des institutions étatiques après le génocide, la professionnalisation des fonctionnaires, les initiatives pour lutter contre la corruption, le développement économique – du moins au niveau de la capitale – et la promotion active de la participation des femmes en politique. Mais aussi pointer du doigt les menaces qui, au Rwanda, pèsent sur la société civile, la presse et l’espace démocratique. Dire que le devoir de mémoire et d’inventaire jusqu’en 1994 ne doit pas occulter le fait qu’une loi définissant vaguement « l’idéologie génocidaire » permet, dans les faits, de réprimer le moindre début de débat politique. Que les candidats aux prochaines élections font l’objet d’intimidations diverses. Que les rares organes de presse indépendants font l’objet de pressions – politiques, fiscales ou législatives – systématiques. Et que les populations paysannes – 85 % des Rwandais – subissent actuellement de plein fouet une politique gouvernementale de « révolution verte » inadaptée à la réalité du milieu rural au Rwanda et de l’agriculture de subsistance les obligeant à se consacrer à une culture d’exportation, déterminée par l’Etat en fonction de chaque région, les rendant très vulnérables aux aléas du marché et du climat. La mémoire retrouvée pour le Rwanda ne devrait pas non plus signifier l’oubli des populations congolaises dont la France a, depuis dix ans, régulièrement défendu la cause au Conseil de sécurité. Nicolas Sarkozy devrait clairement indiquer à Paul Kagame que la communauté internationale attend de sa part des mesures concrètes pour mettre un terme aux agissements des dignitaires rwandais qui continuent de soutenir des groupes armés à l’est de la RDC et de bénéficier de l’exploitation et de la commercialisation des ressources de son sous-sol. Il devrait aussi l’inviter à contribuer activement aux efforts internationaux de désarmement volontaire des rebelles hutus rwandais encore actifs dans les Kivus, et à offrir à ceux d’entre eux qui n’ont pas participé au génocide des garanties et perspectives véritables de réintégration socio-économique au Rwanda. Pour ceux qui ont participé au génocide, le Rwanda doit leur assurer une justice équitable. Evoquer ces questions plus difficiles dans le cadre de relations en voie de « normalisation » est nécessaire pour répondre à l’attente d’une population civile à l’Est du Congo qui assigne une très large part de responsabilité à la communauté internationale autant qu’au Rwanda pour les conflits qu’ils ont hérités de l’époque du génocide. Dans son discours au corps diplomatique le mois dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé qu’un « forum pour la coopération dans la région des Grands Lacs » sera organisé en France cette année. Ce projet centré sur l’intégration économique régionale ne devrait pas feindre d’ignorer l’ensemble des facteurs structurels et politiques des conflits des Grands Lacs. La France devrait aider le Rwanda à s’engager dans la voie d’un multipartisme et d’un débat politique véritable en amont des élections prévues en août prochain. Ou se résigner à substituer un silence à un aveuglement, et à en faire payer le prix aux populations de toute la région. Luc Lamprière, d’Oxfam France, Jean-Marie Fardeau, de Human Rights Watch Michel Roy, du Secours catholique
http://www.arib.info/index.php?option=com_content&task=view&id=1613&Itemid=85 Posté par rwandaises.com
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