A l’heure de célébrer les cinquante ans des indépendances de ses colonies africaines, Paris fait toujours preuve de la même arrogance et du même paternalisme.

Par San Finna |

Rarement une célébration aura avant terme suscité autant de commentaires que celle envisagée “en commun” par la France et ses anciennes colonies africaines à l’occasion de la célébration du cinquantenaire des indépendances. [La plupart des colonies françaises sont devenues indépendantes en 1960. La Guinée, dirigée par Sékou Touré, avait obtenu son indépendance deux ans plus tôt ; elle avait refusé par référendum le projet de communauté proposé par le général de Gaulle.] On aurait pu d’emblée, en ne voyant que le bon côté des choses, trouver géniale l’idée de commémoration en commun proposée par Nicolas Sarkozy. On aurait même pu y trouver une occasion de retremper les fraternités et d’esquisser sur les cendres de la communauté mort-née et de la Françafrique (dont la fin de vie est réclamée) un modèle envié, un archétype de coopération à faire pâlir de jalousie le Commonwealth. Nicolas Sarkozy, par son tempérament, par sa démarche, avec son regard d’aigle, est un chasseur d’événements, un pur produit de la démocratie d’opinion. Et ce cinquantenaire, il le perçoit comme une “occase” qui pourrait lui profiter. Alors, on comprend que l’on puisse se poser des questions, voire s’inquiéter. En effet, de par son origine, sa forme, son fond et sa stratégie de diffusion, cette proposition élyséenne ne paraît pas immunisée contre les soupçons, loin s’en faut. D’abord, pourquoi est-ce l’ancienne puissance colonisatrice qui, à la manière d’une mère poule, bat le rappel de ses poussins ? Ensuite, pourquoi avoir choisi cette forme de convocation humiliante en battant, comme au bon vieux temps, le rappel du ban et de l’arrière-ban des vassaux autour du grand sachem Sarkozy la métropole à Paris ? La France aurait voulu faire resurgir tout le poids de sa domination coloniale et toutes les brimades qui vont de pair qu’elle ne s’y serait pas prise autrement. En ce XXIe siècle, elle seule perpétue envers ses anciennes colonies cette forme de géopolitique ostensiblement assujettissante. Si l’initiative de Nicolas Sarkozy était inspirée par les meilleures intentions à l’endroit de ses anciennes dépendances, pourquoi ce dernier ne tenterait-il pas de rééditer à sa manière l’initiative du général de Gaulle, qui avait pris son bâton de pèlerin pour parcourir les pays colonisés d’Afrique afin de leur vendre l’idée de communauté dans le contenu du référendum de 1958 ? L’actuel président français aurait pu, sur le même modèle, visiter les ex-colonies et prévoir une participation à leur célébration respective de ce cinquantenaire commun. L’occasion aurait été belle d’écouter non seulement les dirigeants, mais aussi les peuples de ces pays. Et sans doute lui aussi aurait-il eu, directement ou indirectement, quelques mots de circonstance à prononcer dans la perspective de purger le passé et d’envisager l’avenir.

Il en va de la nomination de Jacques Toubon comme grand organisateur de cette manifestation comme de l’annonce ou plutôt de la reconfirmation de la relecture des “accords de défense”. Il y a dans le mode opératoire quelque chose de frustrant. Le cinquantenaire, ce n’est pas le seul événement de la France, se défaisant généreusement de ses colonies ; plusieurs pays, on le comprend, sont impliqués. Et puis, s’il y a des sujets à aborder, c’est ensemble que le menu aurait dû être décidé. Parler de relecture des accords de défense, comme s’il s’agissait d’une concession de la France qui, de son propre chef, desserrait l’étau, ne fait que confirmer dans certains esprits l’idée que l’indépendance à la française n’était pas de bonne foi puisque plombée dès l’origine par des accords léonins. Des accords de coopération profitant par-dessus tout à une seule des parties et au surplus (on n’est jamais assez prudent !) réassurés par des accords de défense. C’est cela le génie français, qui fait que jusqu’à aujourd’hui on parle dans les relations internationales de zones d’influence française où l’on ne doit pas fourrer le nez.

 

http://www.courrierinternational.com/article/2009/10/22/relents-de-neocolonialisme-a-la-francaise

Posté par rwandanews.be