La Francophonie a fêté ses 40 ans, le 20 mars. L’occasion pour Le Pays de faire le bilan du travail de cette institution. Elle devrait rassembler, mais elle sert avant tout les intérêts de la France, estime le quotidien burkinabé.

Internationale de la Francophonie et les pays en vert ont le statut « d’observateurs » (pays francophiles intéressés par une adhésion)
Dresser un bilan à cette occasion serait fort prétentieux. Toutefois, après plus d’un siècle de colonisation et cinquante ans d’indépendance, l’appartenance à l’espace francophone de 70 pays dont un nombre de pays africains, mérite que l’on s’interroge sur l’évolution de ce vaste ensemble de coopération. On ne saurait nier que la francophonie a beaucoup apporté aux anciennes colonies françaises. Il y a d’abord le français, une langue commune à de nombreux espaces culturels. En Afrique où des centaines de communautés s’expriment dans plusieurs langues, elle constitue pour beaucoup de pays un moindre mal. Elle y a favorisé l’éducation mais aussi l’ouverture au monde par le biais des instruments de coopérations bilatérale et multilatérale. Les échanges Nord-Sud et Sud-Sud apportent énormément aux pays francophones.

La francophonie, c’est aussi un ensemble de structures et de réseaux de coopération. De l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) en 1970 à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), une trentaine d’années plus tard, la francophonie a mûri. Elle s’est beaucoup structurée, allant du sommet des chefs d’Etat membres aux conférences des ministres (Education, Culture, Jeunesse, Sport, etc.), sans omettre les autres organisations dont celles des parlementaires et de maires francophones. L’Agence universitaire de la francophonie, l’Université Senghor d’Alexandrie, le Grand prix de la francophonie, les jeux francophones sont, entre autres, des acquis indéniables. On ne peut non plus, passer sous silence les bourses de formation, les subventions de recherche, le soutien aux multiples activités d’échanges, les visites de terrain.

Sur un autre plan, aujourd’hui, l’Afrique est encore plus visible d’un bout à l’autre de la planète. Cela, grâce aux efforts de promotion entrepris par des structures culturelles mises en place par les responsables de la francophonie. Le monde des médias en particulier, a connu un réel bouleversement avec l’émergence de réseaux médiatiques francophones, la naissance et le développement de réseaux cablés (TV5, France 24, RFI, TF1, etc.), qui participent activement de la lutte pour l’information. Que ce soit dans le domaine de l’art en général, du théâtre, du cinéma, de la chorégraphie, de la danse ou de la musique en particulier, un bond considérable a été fait. Mais au fil du temps, la francophonie semble lasser l’opinion africaine pour différentes raisons.

D’abord, le français est devenu une langue fragile qui emprunte de plus en plus aux autres. Naguère langue de la diplomatie internationale, le français a progressivement cédé du terrain face à l’influence grandissante de l’anglo-américain. Même les Français se mettent à l’heure de l’anglais. Des autorités françaises, des sommités et de grandes institutions comme l’Institut Pasteur, accordent plus d’espace à l’anglais qu’au français dans leurs interventions sur les tribunes internationales. De plus en plus de Français émigrent aux Etats-Unis où le danger d’une assimilation de la culture francophone est réel. Ceux qui parlent français s’efforcent aussi de parler l’anglais, expression d’un complexe mal vécu. Le contraire ne paraît cependant pas évident. Les autres cultures européennes se diffusent en toute discrétion, dans le respect des autres, et par le biais des actions de développement. Cela force l’admiration et donne davantage de poids à la langue, instrument d’une belle forme de coopération.

Ensuite, la francophonie est devenue un instrument politique au service de la France qui profite du poids des pays membres pour rayonner à l’extérieur. D’où la tendance à sortir de ce milieu assujetti aux seuls intérêts français. Ce fut le cas pour le Rwanda. Pour l’opinion africaine, la francophonie sert à asseoir et à pérenniser des dictatures, donc à assurer le recul des démocraties. L’OIF en particulier, est accusée de faire plus de politique qu’autre chose. L’organisation profiterait davantage aux acteurs politiques mais se soucierait très peu du sort des jeunes. Dépités et désillusionnés, ivres de vivre hors du continent, ces derniers voient cependant se refermer jour après jour les portes de l’Occident. Ils se sentent pourtant les porte-parole des peuples francophones de demain.

Par ailleurs, en francophonie, on note un réel déséquilibre entre pays du Nord et du Sud, les seconds étant étroitement dépendants des premiers qui assurent pour la plupart le financement du développement. Ce déséquilibre s’est accentué au fil du temps du fait du poids de la France en rapport avec les visées géo-stratégiques de l’Elysée. Le rayonnement culturel étant sous-jacent à l’influence économique, la France qui n’a plus ses colonies, sent qu’elle perd de son lustre d’antan. La francophonie devient alors le cadre idéal pour restaurer cette influence. On le sent lors des grandes messes rituelles. Paris dissimule à peine qu’elle se trouve au centre des prises de décisions. L’illustration en a été donnée avec l’entrée négociée au sein du monde francophone, de pays dont ceux d’Europe de l’Est. Mais les visées françaises ne sont pas du goût de tous au sein de l’OIF où s’observent de véritables luttes d’influence et de leadership. Elles opposent de temps à autres Français, Belges, Canadiens, Québécois et Suisses, entre autres. D’autres critiques sont également faites à l’endroit de la francophonie. D’aucuns lui reprochent d’assurer la promotion de la langue française aux dépens de celle des langues africaines.

Le Pays
25.03.2010 

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Posté par rwandaises.com