En 1994, le génocide au Rwanda a fait environ 800.000 morts sans que la communauté internationale réagisse dans un premier temps. Jean-Christophe Klotz, qui a déjà réalisé un documentaire sur cette tragédie, en a tiré cette fois une fiction intéressante, « Lignes de front », (ce mercredi sur les écrans français), dans laquelle il s’interroge sur le rôle des médias en suivant un journaliste de télévision plongé au coeur de la tourmente.

Nous sommes en avril 1994. Antoine Rives (Jalil Lespert), journaliste indépendant basé à Paris, se rend à l’aéroport pour filmer des rapatriés du Rwanda. Il y rencontre Clément (Cyril Gueï), un étudiant rwandais d’origine hutue espérant accueillir sa fiancée, Alice, d’origine tutsie, qui voulait fuir Kigali, la capitale du Rwanda, pour échapper aux massacres. Mais elle n’est pas dans l’avion.

Antoine propose à Clément de l’accompagner au Rwanda pour essayer de la retrouver, tout en filmant son histoire dans le cadre d’un reportage. Mais face aux massacres, et en voyant la détresse de Clément, Antoine a de plus en plus de mal à conserver une position neutre. « Jusqu’où peut-on voir sans prendre position? C’est une question qui me poursuit depuis toujours », s’interroge le réalisateur.

Jean-Christophe Klotz a réalisé de nombreux documentaires sur des sujets d’actualité internationale. Après être parti sur place comme journaliste caméraman pendant les événements du Rwanda pour tourner un reportage, il y est retourné en 2006 pour réaliser un documentaire intitulé « Kigali, des images contre un massacre ». Cette fois, il a souhaité s’inspirer de ces expériences marquantes pour tourner une fiction.

Pour lui, le documentaire et le film racontent, chacun à leur manière, « l’impuissance du témoin devant le génocide ». « J’ai vécu une très forte frustration par rapport à la pratique du journalisme de télévision », raconte-t-il. Dans son film, il montre que les images d’Antoine ne suscitent pas une indignation suffisante en France et n’aident pas les victimes. Dans un premier temps, elles ont même un effet inverse: celui d’aider les génocidaires à perpétuer un nouveau massacre.

Le réalisateur a fait appel à des Rwandais, qui ont été confrontés au drame, pour jouer des rôles de figurants dans son film, aux côtés d’acteurs professionnels. Jalil Lespert, à la fois blindé et sensible, tient avec conviction le rôle du journaliste qui part sans états d’âme pour réaliser un reportage, avant d’être tellement touché et déstabilisé par le drame qui se joue qu’il change totalement d’attitude. Jean-François Stévenin incarne le patron d’une agence qui emploie Antoine, plein d’humanité, mais qui veut aussi à tout prix diffuser son reportage avant le début du Festival de Cannes, faute de quoi il risque de passer inaperçu…

Avec « Lignes de front », Jean-Christophe Klotz, qui connaît parfaitement son sujet, ne fait pas dans le « grand spectacle ». Fort de sa longue expérience de documentariste, il pose surtout des questions pertinentes. Sur le génocide, le rôle de la France et la responsabilité de la communauté internationale, mais aussi sur l’influence des médias qui ne va pas forcément dans le sens que les journalistes souhaiteraient. AP

 

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Posté par rwandaises.com