Kigali: Les chrétiens du Rwanda, aux revenus souvent très faibles, ne veulent plus payer pour assurer un train de vie élevé à leurs pasteurs ou rembourser leurs dettes. Le diocèse de Kibungo, à l’Est, risque ainsi d’être mis en faillite par les banques car il ne peut pas rembourser les prêts souscrits par ses prêtres.
A la surprise générale, Monseigneur Kizito Bahujimihigo, 55 ans, évêque du diocèse catholique de Kibungo à l’Est du Rwanda, a donné sa démission, début février, suite « aux sérieux problèmes financiers » de son évêché. Les banques lui ont posé un ultimatum : sous peine de saisie des biens du diocèse, toutes les dettes contractées doivent être remboursées d’ici fin 2010. Mais ses paroisses ne sont pas en mesure de payer environ le milliard de Frw (près de 18 millions $). Face à cette impasse, les leaders religieux supplient les chrétiens de cotiser pour sauver leur Église menacée de faillite. Pour le curé d’une paroisse de Kibungo, « si chaque chrétien adulte cotise 1000 Frw (2 $), et un enfant 100 Frw, on pourra réaliser le montant voulu ». Mais, ici comme ailleurs, les fidèles, qui vivent souvent dans une grande précarité, ne veulent pas coopérer et financer le train de vie élevé de leurs pasteurs.
Dilapidation des fonds publics
Tel ce catholique de Rwamagana, une des grandes paroisses du diocèse de Kibungo, qui refuse de payer ce qui a été « mangé » par les prêtres. « Les responsables de notre Église gèrent mal sans rendre compte à personne. Ils dépensent sans compter pour acheter des grosses voitures et construire des villas de vacances, constate-t-il. Ils donnent en garantie des biens des paroisses alors qu’ils utilisent les prêts pour leurs achats personnels. » « Même si notre évêque n’a pas joué de rôle dans cette mauvaise gestion financière, il reconnaît sa responsabilité morale, poursuit-il, car il n’a pas exercé son droit de regard sur ses prêtres qui dilapident des fonds publics ». Pour de nombreux membres du clergé de Kibungo, Kizito Bahujimihigo aurait, de fait, hérité d’un diocèse surendetté.
« Les pasteurs ne tiennent pas compte de la précarité des conditions de vie de leurs fidèles. Aujourd’hui les chrétiens n’ont pas grand-chose à donner. Ils vivent très difficilement. Il ne faut pas leur demander ce qu’ils n’ont pas », met en garde Louis, un catholique de Kigali. Un chrétien doit habituellement payer plusieurs redevances pour avoir droit aux services du clergé tels que faire baptiser son enfant, se marier religieusement, avoir des attestations de l’Église. En particulier payer la dîme obligatoire, le dixième de ses revenus mensuels, que l’Église catholique exige une fois par an. Chaque fidèle est aussi tenu de contribuer à la construction des écoles, des églises, et d’autres… « Les pasteurs se soucient peu de la situation financière de leurs fidèles. Demander 1000 Frw, (2 $), à un villageois qui mange une fois en trois jours pour rembourser un prêt de voiture est inhumain », note Louis.
Demander des comptes au clergé
La plupart des chrétiens comprennent mal comment leurs prêtres ne peuvent pas payer leurs dettes alors « qu’ils mettent l’argent au centre de toutes leurs préoccupations », selon un commerçant de Kigali. « Aujourd’hui, ce sont des commerçants comme les autres », remarque un chrétien de Kicukiro. « Leurs stations d’essence, super marchés, hôpitaux, sociétés commerciales, … vendent au même prix que les autres. Puisqu’ils font des bénéfices, ils ne devraient pas toujours rançonner des fidèles », estime-t-il. En outre, ils ont de multiples avantages : véhicule, téléphone et logement gratuits…
De nombreux chrétiens de différentes Églises du Rwanda – catholiques, protestants et évangélistes – demandent aujourd’hui que les membres du clergé qui ont causé des pertes à leur institution rendent des comptes. « Même si tout est fait soi-disant au nom de Jésus, les gens qui ont détourné ou mal géré des biens communs devraient être poursuivis », estime un habitant de Rwamagana. Fin 2009, l’office de l’Ombudsman, médiateur national, a proposé de mettre en place un mécanisme de contrôle de l’utilisation des fonds des congrégations religieuses. « Cela apprendra aux leaders religieux la transparence dans la gestion des fonds communs », estime Louis.
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