Sarkozy Kouchner RwandaSarkozy l’a dit à plusieurs reprises, la repentance, ce n’est pas son truc. Ce qui était vrai pour l’Algérie hier vaut aujourd’hui pour le Rwanda. Pour le chef de l’Etat, se repentir, c’est s’attarder un peu trop sur le passé. Un terme qui n’entre pas dans son vocabulaire de la « rupture ». Ceux qui attendaient des excuses officielles de la France pour son rôle au pays des mille collines dans les années 1990 sont donc forcément déçus.

Et ce d’autant plus que les Etats-Unis, les Nations unies et la Belgique – ancienne puissance colonisatrice au Rwanda -, tous impliqués dans le conflit, ont par le passé présenté des excuses officielles au peuple rwandais. En mai 1994, le secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros Ghali, reconnaît qu’en ne mettant pas un terme au génocide, la communauté internationale a manqué à ses obligations envers le peuple rwandais. En 1998, le président américain Bill Clinton présente ses excuses pour ne pas avoir répondu aux appels à l’aide du Rwanda. Et Kofi Annan, secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix lors du génocide, exprime ses regrets. Quant à la Belgique, son Premier ministre, Guy Verhofstadt, présente ses excuses, au nom de son pays, et demande le pardon du peuple rwandais, le 7 avril 2000, à Kigali.

« L’aveuglement » de la France

Sarkozy, lui, ne fait rien comme tout le monde. A Kigali jeudi, il a rejeté toute « course au vocabulaire ». Et pourtant, le président français est allé plus loin dans ses propos que n’importe lequel de ses prédécesseurs. « Ce qui s’est passé ici est inacceptable et oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs, qui l’ont empêchée de prévenir et d’arrêter ce crime épouvantable« , a-t-il dit. Jusqu’ici, rien de très nouveau. Lors du sommet de Lisbonne en décembre 2007, le même Sarkozy avait déclaré: « Nous n’avons pas toujours su prévenir ou arrêter des drames innommables. Je pense au Rwanda et à son génocide, qui nous oblige à réfléchir, France comprise, à nos faiblesses ou à nos erreurs.« 

Mais mercredi à Kigali, prié de dire quelles étaient ces erreurs, le chef de l’Etat a déclaré: « Graves erreurs d’appréciation, forme d’aveuglement quand nous n’avons pas vu la dimension génocidaire du gouvernement du président [Juvénal Habyarimana] qui a été assassiné, erreurs dans l’opération [militaire] Turquoise engagée trop tardivement et sans doute trop peu. » C’est la première fois que le soutien de la France au régime d’Habyarimana – qui s’est notamment traduit par la formation des forces armées rwandaises, qui ont ensuite participé aux massacres – est évoqué en ces termes par un président français. De même pour les « erreurs » de l’opération Turquoise.

C’est sûrement très insuffisant, au regard des 800 000 victimes du génocide. Et les termes excessivement prudents choisis par Nicolas Sarkozy reflètent la paralysie de la France dans ce dossier. Mais c’est un progrès indéniable. Jusqu’à présent, la France s’était en effet contentée des conclusions de la mission d’information parlementaire en 1998, à savoir qu’ »au moment où le génocide se produit, la France n’est nullement impliquée dans ce déchaînement de violences ». « Nous n’avons pas su tenir compte des spécificités d’un pays que nous connaissions mal. Nous sommes intervenus dans un pays que nous croyions connaître, mais qui en réalité nous était beaucoup plus étranger que nous le soupçonnions », se contente-t-elle d’ajouter à l’époque.

Quand ce n’est pas l’évocation d’un double génocide. La fin du génocide rwandais et l’arrivée au pouvoir du Front patriotique rwandais de Paul Kagamé ont en effet été suivies d’une vague de violences contre les Hutus, dont des milliers ont été contraints de fuir le Rwanda. Certains – pour mieux diminuer leur responsabilité dans les tragiques événements de 1994? – dont François Mitterrand et Dominique de Villepin – n’ont pas hésité à défendre la thèse d’un double génocide. Or, il n’en est rien. La qualification de « génocide » pour les représailles qui ont visé les Hutus dans les années 1990 a d’ailleurs été rejetée par la communauté internationale. Pour l’historien Yves Ternon, spécialiste des génocides au 20e siècle, la théorie du « double génocide » est en fait une négation du génocide rwandais. « Le négationnisme se structurera autour de quelques affirmations qui permettaient de dissimuler l’intention criminelle – constitutive du crime de génocide – sans nier la réalité des massacres et de soutenir la thèse du ‘double génocide’ « .

Eu égard aux déclarations passées de la France sur le génocide rwandais, on ne peut donc que constater le pas en avant fait, jeudi à Kigali, par Nicolas Sarkozy. Mais ce n’est pas une raison pour s’en contenter. Et ce d’autant moins que ce rapprochement entre Paris et Kigali – essentiellement motivé par des raisons économiques – semble se faire au détriment de la recherche de la vérité.


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Posté par rwandanews.fr