De la part de 137 survivants du génocide rwandais de 1994 et de l’Association IBUKA
Lettre ouverte au Congrès des États-Unis concernant la Résolution de la Chambre des représentants N°1426
La présente lettre émane de 137 survivants du génocide rwandais de 1994 et de l’Association IBUKA :
Au nom de nos mères et de nos pères, de nos grands-parents, de nos cousins, de nos amis et de nos voisins qui ont fait partie des plus d’un million de victimes du génocide rwandais de 1994, nous exhortons aussi fermement que possible le Congrès des États-Unis à rejeter Résolution de la Chambre des représentants (HR) N°1426.
Cette motion, qui s’adresse à la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants, demande la libération de Peter Erlinder, un négationniste du génocide qui a été arrêté et emprisonné pour avoir violé la législation rwandaise réprimant l’idéologie du génocide.
La motion présentée à la Chambre des Représentants invoque des « raisons humanitaires » pour demander la libération de M. Erlinder. Elle demande au gouvernement rwandais de respecter ses droits et ses libertés de citoyen américain, mais ne fait aucune mention des droits et des libertés du peuple rwandais, et encore moins de tous les survivants du génocide tels que les signataires de cette lettre.
Le fait que le terme « humanitaire » soit utilisé dans ce contexte?pour défendre un homme qui a construit sa carrière en niant le génocide qui a tué nos proches et auquel nous avons échappé de justesse?est d’une ironie cruelle. Le génocide rwandais a été une catastrophe humanitaire d’une ampleur inimaginable, marqué par le manquement tragique de la communauté internationale à intervenir.
Nous sommes également frappés par des inquiétudes soulevées par la HR N°1426 au sujet des droits et des libertés. Au Rwanda, nous avons décidé que la liberté d’expression excluait le droit de propager des mensonges sur le génocide. En Europe, il existe des crimes similaires pour la dénégation de l’Holocauste. Il est possible que des libertaires civils américains soient en désaccord avec ces lois, mais le peuple rwandais pense qu’elles sont nécessaires pour préserver la paix et la stabilité de notre nation, durement acquises.
Nous connaissons M. Erlinder depuis de nombreuses années, parce qu’il a activement et publiquement prôné l’opinion que le génocide de 1994 ne s’était pas produit. Selon son point de vue étrange et révisionniste sur ces événements, ce qui s’est passé était seulement une accumulation de meurtres « civils » sans rapport, au hasard. Il a déclaré une fois que rejeter la responsabilité du génocide des Tutsi sur les Hutu était comme rejeter la responsabilité d’Hiroshima sur les Japonais. Il mettait systématiquement le mot génocide entre guillemets, une insulte mineure mais indubitable envers le peuple rwandais. Pas plus tard que le mois dernier, il a organisé une conférence à Bruxelles avec un fugitif bien connu accusé de génocide comme intervenant.
Ses écrits et son activisme apportent motivation et réconfort à des milices de pays voisins qui attendent l’occasion de ranimer le génocide. Ces terroristes (définis comme tels par les Nations Unies et par le gouvernement américain) saluent M. Erlinder car il donne un vernis de crédibilité intellectuelle à leurs convictions extrémistes, violentes et odieuses. Leur mission est de redonner vie aux horreurs de 1994, et M. Erlinder est leur historien amateur de prédilection.
L’idéologie du génocide, la conviction selon laquelle des groupes ethniques entiers doivent être effacés de la surface de la terre, n’a pas cessé à la libération de Kigali.
En construisant un Rwanda pacifique et stable, les survivants du génocide ont mis de côté l’envie naturelle de venger le massacre de leurs proches. Nous avons embrassé l’unité et la réconciliation, seule façon d’avancer pour tous les Rwandais, indépendamment de leur appartenance ethnique, de leur sexe ou de leur religion. 1,5 million de personnes impliquées dans le génocide ont été traduites devant nos Juridictions Gacaca, un système qui a suscité l’approbation dans le monde entier.
Mais cela ne signifie pas que nous fermons les yeux sur ceux qui veulent nier ou défendre le génocide, que ce soit dans des revues universitaires ou au bout d’un fusil. Nous avons appris de la façon la plus dure qui soit que le génocide ne commence pas dans le vide?il débute par la voix d’hommes d’apparence rationnelle qui propagent des mensonges et déforment l’histoire.
M. Erlinder est l’un de ces hommes.
Les États-Unis ont été un grand ami du Rwanda depuis la fin du génocide. Nous pensons que cette relation va se développer et prospérer au bénéfice des deux pays pendant de nombreuses années.
En tant que survivants du génocide, nous incitons vivement le Congrès des États-Unis à tenir compte de la liberté du peuple rwandais à vivre en paix et dans la prospérité, et à la mettre en balance avec la liberté de M. Erlinder de propager des mensonges et des déformations historiques.
Nous vous demandons de mettre en balance notre droit à appliquer des lois soutenues par les Rwandais à une écrasante majorité, et le droit de M. Erlinder à les violer délibérément et de façon récurrente.
Nous vous demandons d’appliquer votre compassion humanitaire non seulement à la situation difficile que traverse M. Erlinder, mais aussi à la mémoire des Rwandais qui ont été massacrés lors du printemps 1994 dans le cadre d’un génocide terrifiant dont il prétend qu’il ne s’est pas produit.
Tout comme nous respectons les lois et le système politique des États-Unis, nous vous demandons de respecter les nôtres?et de comprendre que l’arrestation de Peter Erlinder est un acte de réconciliation et de guérison pour le Rwanda, qui aspire à un avenir fait d’unité, de paix et de justice.
A propos de l’Association IBUKA
IBUKA est une organisation rwandaise de regroupement de survivants du génocide, indépendante et à but non lucratif. Elle a été créée en 1995 et rassemble 30 associations membres composées de survivants.
Tél.: 0255 10 34 80
E-mail : info@ibuka.rw
Site web : www.ibuka.rw
IBUKA a.s.b.l
PO.BOX: 625 Kigali
Bureau central :
Nyanza Memorial site
Le texte du communiqué issu d’une traduction ne doit d’aucune manière être considéré comme officiel. La seule version du communiqué qui fasse foi est celle du communiqué dans sa langue d’origine. La traduction devra toujours être confrontée au texte source, qui fera jurisprudence.
IBUKA a.s.b.l
Freddy Mutanguha, +250 7830 7666
E-mail : info@ibuka.rw
Site web : www.ibuka.rw
Posté par rwandaises.com