Un membre de la "cellule françafrique", à Paris, le 10 avril 2008.

Un membre de la « cellule françafrique », à Paris, le 10 avril 2008.

(Photo : AFP)
Par Franck Alexandre

Cette décision historique va permettre à la justice française d’enquêter sur le patrimoine accumulé dans l’Hexagone par trois chefs d’Etat africains. Après des mois de ping-pong judiciaire, cette décision de la plus haute juridiction pénale française est d’autant plus inédite que la procédure a été lancée par une association.

 

Cette décision de la Cour de cassation est d’autant plus inédite que la procédure a été lancée par une association, Transparence internationale France, qui n’a pas été elle-même victime dans cette affaire des « biens mal acquis ».

Jusqu’à présent effectivement, la justice française estimait que les associations de lutte contre la corruption ne pouvaient arguer d’un quelconque préjudice personnel dans ce type d’affaire. Au contraire, la justice considérait qu’il revenait au seul parquet d’engager des poursuites en matière de corruption.

C’est pourquoi cette décision de la Cour de cassation constitue une première juridique considérable, qui va au delà d’ailleurs des « biens mal acquis ». Car si les plaintes de ce type sont désormais recevables, cela va permettre de surmonter l’inertie du parquet dans certaines affaires politico-financières sensibles. C’est pour cela que William Bourdon, le célèbre avocat des droits de l’homme, parle de « brèche judiciaire ».

Concrètement, dans l’affaire des « biens mal acquis », une information judiciaire va pouvoir être ouverte et un juge d’instruction saisi. Ce juge indépendant va devoir déterminer dans quelles conditions le patrimoine français des présidents gabonais, congolais et guinéen a été acquis.

Cette enquête devrait aussi permettre de faire toute la lumière sur le rôle joué par certains intermédiaires qui auraient pu faciliter la réalisation de ces acquisitions. On peut penser notamment aux établissements bancaires déjà identifiés par la première enquête de police réalisée en 2007. Aujourd’hui, le juge d’instruction var devoir vérifier si ces banques ont bien respectées la loi anti-blanchiment.

Il n’est pas impossible, et c’est ce qu’espère Transparence internationale, qu’au final, l’instruction débouche sur la mise en œuvre effective du droit à restitution : les biens seraient rendus aux pays concernés. 

Colère des avocats de la défense

Les présidents du Gabon, de Guinée équatoriale et du Congo-Brazzaville soutiennent que ce patrimoine détenu en France a été acquis le plus légalement du monde et ils mettent au défi l’ONG Transparence internationale de prouver qu’il s’agit de biens mal acquis. Olivier Pardo, l’avocat de Teodoro Obiang, le président de Guinée équatoriale, est particulièrement remonté, il parle d’instrumentalisation. Cet avocat a d’ailleurs déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse. Pour cet avocat, l’action de l’ONG anti-corruption relève surtout du coup médiatique. Olivier Pardo soutient que l’ONG a procédé par amalgame en mélangeant tout, et, ajoute-t-il, cette association, qui n’a de transparent que son nom, « s’érige dans une sorte de néocolonialisme arrogant et insupportable ». Voulez l’avez compris, la bataille dans les prétoires sera âpre…

Olivier Pardo, avocat du Président Obiang

Maintenant il va falloir démontrer preuve à l’appui que ce qu’ils disent est vrai ; leurs intentions ne sont que médiatiques et non judiciaires…

09/11/2010 par Franck Alexandre

http://www.rfi.fr/afrique/20101109-biens-mal-acquis-cour-cassation-enquetes-sont-legales