Pour avoir une idée pareille, en écrire le scénario et convaincre un producteur de s’engager dans une telle  aventure, il faut vivre au Burundi, aimer ce pays et s’y accrocher ; il faut surtout avoir une foi bien particulière, de celle qui soulève les collines. Jean-Luc Pening est de cette race là, de ces hommes pour lesquels rien n’est impossible. Car ce Belge du Burundi, grièvement blessé en 1995 par des rebelles qui lui  ont logé une balle dans la tête, a choisi de rester, et de croire que dans ce pays qui fut, à l’instar du Rwanda, déchiré par la haine, il y a moyen non seulement de dépasser les clivages ethniques mais aussi de s’en distancier et d’en rire !

Si Na Wewe est le film  né de cette idée audacieuse, le documentaire ou plutôt le « making off » réalisé par Isabelle Christiaens nous fait, lui, plonger dans les coulisses du tournage et surtout dans la réalité du Burundi et… de la Belgique elle-même…Car sur cette colline où Pening fut naguère victime d’une terrible embuscade tendue par les rebelles hutus qui tenaient les campagnes proches de Bujumbura, quelle revanche sur le destin qu’amener une équipe dans laquelle se mêlent des Congolais, des Burundais, des Liégeois, des Bruxellois qui tous, affrontent leurs problème et réussissent à s’en moquer pour mieux s’en distancer ! Ici, Hutus et Tutsis ne craignent pas de nommer leur réalité ethnique tandis que les Belges, tous complexes oubliés, plaisantent avec tout le monde et n’oublient surtout pas de rire d’eux-mêmes…Même les Flamands et les Wallons, avec des accents à couper au couteau et des rires qui arrachent, en prennent pour leur grade, ce qui relativise et dédramatise… Car en réalité, le drame est loin d’être oublié, et, malgré le rire parfois forcé, l’émotion n’est jamais loin. Emotion de tous ceux qui ont vécu des scènes semblables, ces véhicules arrêtés par des hommes en armes, ces passagers mis en joue, exécutés ou non en fonction de leur ethnie, ou du caprice d’un chef brutal…Emotion des figurants qui revivent plus qu’ils ne jouent, émotion de l’équipe technique, plongée dans cette Afrique belle, étrange et cependant si familière…

Si tous  acceptent de se replonger dans le passé, de revivre le cauchemar, c’est parce qu’ils espèrent que le film sera utile et  dissuadera les démons de jamais revenir…Le documentaire d’Isabelle Christiaens aide à comprendre le sens profond de ce court métrage exceptionnel…

le carnet de Colette Braeckman

Posté par rwandaises