(Syfia Grands Lacs/Rwanda) De la musique et du sport : la plupart des radios commerciales au Rwanda n’ont pratiquement pas d’autres programmes. Les auditeurs, insatisfaits, s’en détournent au profit des radios internationales qu’ils jugent plus intéressantes.

La radio est une compagne de tous les jours pour Anaclet Kamana, fonctionnaire à la retraite. Assis devant sa maison, un petit poste collé à l’oreille, ce Rwandais confie : « À mon âge, on se déplace peu et la radio constitue la source d’informations la moins chère pour nous. Mais, ce qui est dommage, c’est qu’on a du mal à trouver des informations sur différentes radios privées. » Comme lui, les auditeurs les plus âgés se sentent oubliés des programmes des radios, en grande partie consacrés à la musique et au sport, qui attirent davantage les jeunes.
Actuellement, 22 radios émettent en FM au Rwanda, dont 12 privées, quatre internationales, ainsi que la radio nationale et ses cinq antennes provinciales. Les radios internationales et nationale diffusent des programmes éducatifs contrairement aux stations commerciales. Selon Eugène Ruhinguka, directeur chargé de la régulation au sein du Haut conseil des médias (HCM), les radios confessionnelles essaient de respecter leurs engagements de programmes, alors que les radios commerciales ne le font qu’en partie : « Plus de 60 % de leurs programmes, c’est de la musique. La grille présentée au HCM avant le démarrage prévoit des émissions qui ne sont jamais produites. » Pour lui, la musique n’est pas un contenu consistant pour les auditeurs et c’est aussi le rôle des radios d’informer et d’éduquer la population.

Reportages trop coûteux
Jean Michel Karangwa, journaliste et rédacteur en chef de Radio Isango Star, une de ces radios commerciales, estime que les frais de reportage et de production des émissions pèsent lourd. Les gestionnaires des radios préfèrent diffuser de la musique et de l’actualité internationale tirée d’internet. Le directeur d’une radio commerciale, qui préfère garder l’anonymat, est du même avis : « Le marché de la publicité au Rwanda est trop petit pour permettre aux radios commerciales de fonctionner. Nous ne pouvons pas démarrer des programmes qui n’ont pas de sponsors… » Selon lui, la radio ne peut pas supporter seule des frais de reportage dans tout le pays pour donner une information diversifiée au public. E. Ruhinguka ne partage pas cette opinion : « Les gestionnaires de ces radios pensent que les informations de terrain sont coûteuses. Ils oublient que l’absence de contenu attrayant diminue considérablement leur audience. Dans ces conditions, la radio émet pour qui ? »
Ces radios commerciales sont créées par des hommes d’affaires qui cherchent seulement à en tirer les bénéfices, estiment certains. « La plupart des propriétaires ne sont pas des professionnels des médias », juge Fabien Kanyangusho, journaliste et consultant en communication. Pour lui, en l’absence d’un système de gestion fort et d’une planification des activités, les maigres revenus ne sont pas bien gérés. « On ne gère pas une radio comme une boutique ! La gestion des programmes est quelque chose qui s’apprend », souligne-t-il.

Peu diversifiées et peu attrayantes
Les attentes du public, qui a besoin d’informations utiles et diversifiées, ne sont pas satisfaites. Ceux qui comprennent les langues étrangères se tournent vers les radios internationales qui ont des émissions sur la politique, l’économie, les sciences… Ce professeur d’université ne rate aucune des grandes éditions des journaux, le matin comme le soir, ni les émissions attrayantes des radios internationales comme RFI, VOA, BBC qui émettent en FM depuis Kigali. « Au moins, dit-il, on a l’information suffisante sur le pays, surtout en écoutant les éditions en langue locale. En plus, on y écoute des débats controversés sur la politique rarement diffusés par nos radios. » Du même avis, Fabien, constate que les paysans préfèrent faire passer leurs communiqués nécrologiques à la radio publique qui diffuse elle aussi des programmes diversifiés.
Pour pousser les radios commerciales à évoluer, le HCM envisage d’assurer une surveillance journalière et de publier des rapports trimestriels, afin de montrer aux annonceurs celles qui respectent leurs programmes. « À la longue, ces derniers vont se tourner vers les radios qui ont des programmes intéressants. » Si rien ne change, le Haut conseil des médias pourrait ne plus renouveler la licence des radios sans contenu. Selon lui, ses sondages révèlent que les Rwandais ont surtout besoin d’informations utiles sur l’agriculture et l’élevage, l’économie, la santé ou la politique. La musique ne leur apporterait rien.

Posté par rwandaises.com