Paris, 16 mars 2011 (FH) – Le projet français de pôle judiciaire « génocide et crimes contre l’humanité » sera présenté le 14 avril au Sénat, au sein d’un projet de loi plus vaste sur la «répartition des contentieux ».

Sa création avait été annoncée le 7 janvier 2010, jour de la visite à Kigali du chef de la diplomatie française, pour répondre à la nécessité de faire face « à l’augmentation du nombre d’affaires en suspens, concernant notamment plus de quinze Rwandais en attente d’un jugement ».

Le projet de loi prévoit « un pôle judiciaire spécialisé à Paris, compétent pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ». Comme pour les crimes de terrorisme, le procureur de la

République, le juge d’instruction, le tribunal correctionnel et la cour d’assises de Paris se verront attribuer ces dossiers spécifiques, qu’ils relèvent ou non de la « compétence universelle ».

Cette nouvelle entité spécialisée « permettra un meilleur traitement judiciaire de ces procédures, qui nécessitent une spécialisation des magistrats en raison de leurs particularismes et des nécessaires connaissances géopolitiques qu’elles impliquent », précise l’étude d’impact de cette loi. Une spécialisation déjà amorcée puisque, souligne l’étude, « la quasi-totalité des 21 procédures actuellement en cours dans ce contentieux sont déjà suivies par la juridiction parisienne ».

De fait, ces affaires sont aujourd’hui concentrées entre les mains de quatre juges d’instruction du tribunal de Grande instance de Paris, qui doivent partager leur temps et leurs moyens avec de nombreuses autres affaires. « Du tout venant, des vols, des viols. Nous ne pouvons consacrer plus de 25 % de notre temps aux dossiers rwandais », évalue la juge d’instruction Michèle Ganascia, en charge de plusieurs procédures rwandaises depuis six ans.

« Malheureusement le vote de la loi ne résoudra pas la question des moyens, prévient Simon Foreman, président de la Coalition française pour la Cour pénale internationale. Lorsqu’ils voyagent au Rwanda, les juges d’instruction avancent de leur poche les frais d’essence, de téléphone. Faute de moyens également, ni les avocats ni les parties civiles n’arrivent à avoir copie des dossiers d’instruction. »

« Ces dossiers avancent à pas de souris, constate l’avocate Clémence Bectarte, qui les suit pour la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Les moyens sont très insuffisants et cela traduit une réticence politique qui dépasse de loin le cas du Rwanda. La France ne veut pas s’attirer d’ennuis diplomatiques avec tel ou tel pays. »

Ainsi, le Quai d’Orsay a pu « oublier » de transmettre un jugement vers la Tunisie. Dans un courrier en date du 8 mars, la FIDH rappelle au ministre des Affaires étrangères Alain Juppé que les autorités tunisiennes attendent pour arrêter leur ancien consul à Strasbourg que leur soit transmise sa condamnation à 12 ans de prison pour torture, le 24 septembre 2010 par la Cour d’assises de Meurthe-et-Moselle.

La présentation du pôle spécialisé français devant le Sénat survient onze ans après une demande du Conseil de l’Union européenne, faite aux Etats membres, de déterminer s’il y a lieu de créer « des unités spécialisées spécifiquement chargées des enquêtes et, le cas échéant, des poursuites pénales concernant les génocides, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre».

Aux Pays-Bas, en Belgique, en Norvège ou en Suède, des unités ont été constituées depuis plusieurs années pour réprimer ces crimes. En France, le projet de loi fait l’objet d’une procédure « accélérée », il pourrait être adopté au Parlement d’ici à l’été 2011.

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Posté par rwandanews