En théorie, l’élection d’un président dès le premier tour ou lors d’un vote unique permet à un candidat qui n’a pas obtenu la majorité absolue des urnes d’accéder quand même à la magistrature suprême. Mais est-il pour autant moins légitime?

Une femme glisse son bulletin dans l’urne à l’occasion de la présidentielle au Rwanda, le 9 août 2010. REUTERS/Finbarr O’Reilly

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Sonia Rolley

D’ici la fin de l’année 2011, dix-huit élections présidentielles au total auront eu lieu en Afrique. Plus qu’une occasion de renouveler les élites, c’est celle de leur offrir une nouvelle légitimité. Bon nombre de gouvernements multiplient donc les gestes (recensement, carte d’électeur biométrique, liste informatisée, déploiement d’observateurs…) pour s’en assurer et pour —objectif ultime— obtenir la reconnaissance de la communauté internationale.

Pourquoi opter pour un tour unique?

Depuis la crise postélectorale en Côte d’Ivoire et les révoltes dans les pays arabes, chacun de ces scrutins devient un véritable test pour la paix. Le résultat va-t-il être remis en cause? Risque-t-on d’entrer dans un cycle de violences postélectorales? En Centrafrique, au Bénin, en Ouganda ou même au Nigeria, l’élection dès le premier tour du président sortant a provoqué une vague de contestation. On parle d’un «effet Côte d’ivoire» en République démocratique du Congo où, pour éviter tout débordement, les autorités ont décidé de changer de mode de scrutin à quelques mois de la présidentielle et d’organiser un seul et unique tour —au grand dam de l’opposition.

Un tour unique présente plusieurs avantages en terme d’organisation. Même s’il ne coûte pas deux fois moins qu’un scrutin à deux tours (car une partie du coût d’une élection est incompressible), son prix et les problèmes d’ordre logistique sont effectivement beaucoup plus réduits. Ce qui n’est pas négligeable pour un pays en développement qui dépend des bailleurs de fonds. C’est d’ailleurs l’un des arguments avancés par le gouvernement congolais pour justifier la réforme de son mode de scrutin.

Trop de compétiteurs tue la compétition

Dans un système de multipartisme intégral, comme c’est le cas dans la plupart des pays d’Afrique, le nombre de candidatures lors de la présidentielle est souvent important (23 au Bénin, 18 au Nigeria, 14 en Côte d’Ivoire). Le vote s’émiette et en cas de tour unique, il favorise le candidat soutenu par le parti le plus structuré. En l’occurrence, il s’agit le plus souvent du parti au pouvoir. L’opposition, elle, est trop divisée pour y faire face, incapable de présenter un candidat unique. S’il n’y avait eu qu’un seul tour en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo aurait été élu —sans pour autant être majoritaire. Il aurait été difficile à Henri Konan Bédié ou à Alassane Ouattara de se retirer de la compétition pour s’assurer une alternance démocratique. Les électeurs eux-mêmes auraient peut-être eu du mal à l’accepter.

Un défaut de légitimité

Qu’en est-il du fameux «K.-O.» dès le premier tour, comme cela fut le cas au Bénin, en Ouganda ou en Centrafrique? A chaque fois, l’opposition dénonce des fraudes et un passage en force du président sortant qui chercherait à s’éviter un second tour difficile. Car le principe d’un scrutin à deux tours, c’est de permettre à l’électeur de voter d’abord pour le candidat de son choix, et dans le face-à-face final d’éliminer celui qui lui convient le moins.

Dans le cas d’un président au pouvoir depuis longtemps, cela pourrait tourner au vote sanction, à condition bien sûr que le processus électoral soit transparent et que l’opposition s’allie et soutienne le challenger quel qu’il soit. Mais compter sur le seul rejet ne suffit pas. Il faut aussi offrir une alternative politique crédible.

Le passage dès le premier tour pose également un problème de légitimité. Avec la multiplication des candidatures et l’émiettement des voix, il est possible de devenir président sans être majoritaire absolu dans les urnes. Il suffit finalement d’être en tête. Pour s’assurer de la légitimité de son futur leader, le Nigeria a posé une condition supplémentaire: réunir plus de 25% des suffrages dans les deux tiers des États de la Fédération. Une condition remplie par le sortant Goodluck Jonathan le 16 avril dernier.

Lors d’un scrutin présidentiel à deux tours, le premier permet aux forces politiques du pays de se mesurer et donc de créer une «photo politique» du pays, tandis que le second force les acteurs à créer des alliances, à faire des compromis. Mais le choix du système électoral à lui seul ne suffit pas à éviter les violences politiques.

Sonia Rolley

L’explication remercie Babacar Gaye, professeur de droit constitutionnel à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar; Ibou Sané, professeur de sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et Stéphane Bolle, maître de conférence en droit public à l’Université Paul Valéry – Montpellier III et créateur du site La Constitution en Afrique.

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Posté par rwandaises.com