Durant des décennies, alors qu’il était au sommet de sa puissance, le colonel Kadhafi divisait l’Afrique : il finançait des rébellions et accueillait des dissidents, se faisait introniser «roi des rois » après avoir convoqué un sommet des chefs traditionnels, relançait ses rêves panafricanistes d’un continent indépendant et uni, investissait  massivement dans de nombreux pays et… payait les fins de mois  de l’Organisation de l’Unité africaine, dont il était l’un des principaux bailleurs de fonds.

Aujourd’hui contesté, affaibli, visé par un mandat de la Cour pénale internationale, le président libyen sera au cœur des débats qui animeront le sommet de l’Union africaine qui se réunit à Malabo (Guinée Equatoriale). Bien avant le sommet, les exhortations n’ont pas manqué : Hillary Clinton, le 13 juin, s’était rendue au siège de l’organisation pour appeler les capitales africaines à expulser les diplomates pro Kadhafi et rompre les relations avec le Guide.

Officiellement, l’ UA, emmenée par le président sud africain Zuma, préconise une solution négociée tandis que Gabonais Jean Ping, président de la commission et connu pour sa modération, élève la voix : pour lui, assassiner Kadhafi ferait reculer l’Afrique de 50 ans, la ramènerait au temps de Lumumba…Il dénonce aussi la décision française de parachuter des armes aux rebelles libyens, soulignant le risque de guerre civile, de partition ou de somalisation du pays.

Défendant le plan de sortie de crise déjà proposé par l’UA en mars, il s’adressera cependant à une audience divisée. Le président sénégalais Wade (très affaibli depuis qu’il veut imposer son fils Karim pour lui succéder) s’est rendu jusque Benghazi pour soutenir les rebelles, la Gambie, la Mauritanie, le Liberia et aussi le Rwanda (en dépit d’investissements libyens importants dans l’hôtellerie) se sont prononcés en faveur de l’intervention occidentale. Cependant Kadhafi peut encore compter à la fois sur des amis, et sur ceux qu’inquiètent la perspective de sa disparition. L’Afrique du Sud n’a pas oublié le soutien que Tripoli apporta à la lutte contre l’apartheid, le Guide a multiplié crédits et investissements au Mali où il est très populaire, le président tchadien Idriss Deby sait lui aussi ce qu’il doit à Kadhafi et l’aiderait discrètement. Mais surtout, nombre de chefs d’Etat, même s’ils n’ont guère apprécié l’interventionnisme de Kadhafi, sont déjà confrontés aux conséquences de la guerre : plus d’un million de migrants africains ont du fuir la Libye dans des conditions souvent dramatiques et leurs apports en devises, qui soutenaient leur famille et indirectement l’économie de leur pays, se sont évaporés, les groupes de Aqmi (Al Quaida au Maghreb islamique), présents dans toute la frange sahélienne, se sont renforcés auprès des rebelles libyens ou se sont emparés de stocks d’armes. Dotée de « fonds souverains » évalués à 150 milliards de dollars, la Libye avait massivement investi dans de larges secteurs de l’économie africaine, le tourisme, l’agriculture, mais aussi les télécommunications, jusqu’à représenter une menace pour les opérateurs européens traditionnels qui contrôlent le marché

http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2011/06/30/le-sommet-des-etats-desuniss-dafrique-face-a-la-libye/

Posté par rwandanews