Des agressions de Noirs supposés tutsis et d’autres incidents violents ont marqué la visite du président du Rwanda à Paris. Des ressortissants de RDC sont mis en cause. Ils auraient été poussés en avant, voire payés, par l’opposition rwandaise en exil.

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 La visite « de courtoisie » du chef de l’Etat rwandais à son homologie Nicolas Sarkozy entre le 11 et le 13 septembre 2011 est loin d’avoir apaisé les esprits dans l’opposition rwandaise en exil et parmi les ressortissants de République Démocratique du Congo (RDC) en Europe. Bien au contraire, « remontés à bloc » par une intense campagne de mobilisation sur internet, certains avaient décidé d’en découdre. Et des incidents, parfois très graves, ont été déplorés. Ils ont débuté le dimanche 11 septembre en soirée aux abords des « Docks », une immense salle de spectacle située dans le Parc des Portes de Paris, 45 avenue Victor-Hugo à Aubervilliers.

Agressions très violentes à Aubervilliers

Tout l’après-midi, à l’invitation de l’ambassade du Rwanda à Paris, quelque 4000 membres de la Diaspora s’étaient réunis pour entendre l’intervention de Paul Kagame, poser des questions et profiter d’un grand spectacle musical. En raison des menaces proférées les jours précédents, un impressionnant dispositif policier a canalisé la foule. Mais le dispositif a été levé vers 21 heures après le départ du président du Rwanda. Toute la soirée, des véhicules avaient été vus rôdant dans le quartier avec, semble-t-il, des Rwandais ou des Congolais à bord, visiblement venus pour en découdre. Selon plusieurs témoins, un fils Habyarimana conduisait l’un des véhicules, mais il n’a pas été impliqué dans les agressions qui ont suivi. Après le départ de Paul Kagame et de sa suite, vers 21 heures, le dispositif policier avait été levé avenue Victor-Hugo.
De petites équipes d’opposants sont alors passés à l’action. Des pierres ont été lancées contre des personnes isolées qui revenaient à pied vers le métro. Plusieurs personnes ont a été giflées.
Pierre B…, venu de la région de Bordeaux, a été tabassé et s’est fait voler tous ses papiers. Il s’est rendu à un commissariat proche qui a refusé d’enregistrer sa plainte mais les policiers ont quand même fait venir le Samu pour le faire soigner aux urgences.

Agressé et dépouillé

Innocent était venu de Strasbourg avec des amis de Mulhouse dans un minibus. Ils étaient six dans le véhicule, trois hommes et trois femmes. « Personne ne nous avait prévenu de nous méfier. En sortant de la salle d’Aubervilliers, nous avons commencé à rouler lorsque nous avons vu deux ou trois Rwandais qui semblaient perdus. Il y avait parmi eux Eric Kabera, le cinéaste. Ils cherchaient le chemin de leur hôtel. Au moment où nous discutions à leur hauteur, une voiture s’est arrêtée derrière nous. Trois hommes sont sortis en criant en lingala (la principale langue de RDC) : « Voilà des Tutsi qui sont venus dans l’avion de Kagame, on va leur casser la gueule ».  Eric et ses compagnons ont aussitôt détalé. Ils m’ont sorti du véhicule, m’ont fait une « balayette » pour que je tombe et les trois se sont acharnés sur moi à coups de pieds. J’étais pratiquement KO. Une femme en a profité pour s’enfuir du minibus. Ils se sont attaqués aux autres. L’un des agresseurs est retourné à sa voiture chercher des bidons d’essence et a commencé à arroser notre minibus et les femmes. Il a aussi jeté de l’essence sur une voiture bloquée derrière, une Mercedes pilotée par un Français. Heureusement, dans leur précipitation, les inconnus avaient oublié leurs briquets dans leur voiture. Ils sont retournés les chercher et ont d’abord incendié la Mercedes. Au moment où ils allaient allumer l’essence dont étaient imprégnés les deux femmes supposées tutsies et notre minibus,  beaucoup avaient vu la scène de loin et accouraient en criant. Les trois hommes ont aussitôt pris la fuite dans leur véhicule. Ca nous a sauvés ».

Deux Rwandaises supposées tutsies aspergées d’essence

Cette agression a été la plus violence de celles qui se sont produites aux alentours de la salle de spectacle d’Aubervilliers. Innocent et ses amis se sont rendu au commissariat d’Aubervilliers pour déposer plainte. Selon eux, les policiers les auraient reçus de mauvais gré en se plaignant d’être en sous-effectif. Il aurait fallu parlementer jusqu’à 3 heures du matin pour qu’enfin la – seule – plainte d’Innocent soit enregistrée.

Les policiers présents ont cependant procédé à 15 interpellations de « casseurs », tous issus de RDC et porteurs pour certains de cocktails Molotov.

Des « casseurs » issus de RDC

D’autres incidents se sont produits le lundi 12 septembre après-midi. Après le déjeuner des deux chefs d’Etat à l’Elysée, une conférence de presse était organisée au Centre d’Accueil de la Presse Etrangère (CAPE) avec pour intervenants Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Tharcisse Karugarama, ministre de la Justice, Aloysie Inyumba, ministre de la Condition féminine et de la famille, François Kanimba , ministre du Commerce et de l’Industrie, James Musoni, ministre du Gouvernement local, Albert Nsengiyumva, ministre des Infrastructures et le professeur Anastase Shyaka, Secrétaire exécutif du Conseil de la gouvernance du Rwanda.

Malgré les règles de sécurité drastiques, un petit groupe de manifestants a réussi à s’introduire par une porte dérobée dans le Centre,  implanté dans l’aile Sud du Grand Palais, face au Pont Alexandre III à Paris.
A la demande du service de sécurité de la délégation rwandaise, le journaliste congolais Roger Bongos a été brièvement interpellé et sorti de la salle par la police française pour être maintenu dans un fourgon de Police  jusqu’à la fin de la conférence de presse.

Un journaliste congolais mis à l’écart

Le journaliste a protesté qu’il était accrédité par ce Centre de presse. De leur côté, les services de sécurité rwandais expliquent que Roger Bongos avait créé un esclandre le dimanche précédent à l’entrée de la réunion de la Diaspora à Aubervilliers en exigeant de pénétrer dans l’enceinte de la salle avec une caméra, alors qu’il n’avait pas été accrédité comme journaliste. « Il a hurlé et fait du tapage à Aubervilliers, nous étions donc en droit de nous méfier », argumente un responsable de la sécurité rwandaise. Ces deux versions ne sont pas contradictoires. Elles montrent le climat d’extrême tension sécuritaire autour de la visite du chef de l’Etat rwandais à Paris.
Entre l’opposition rwandaise qui s’estime traquée et muselée et les Congolais de RDC qui tiennent pour responsable Paul Kagame de tous leurs malheurs à l’Est du pays, les services de sécurité rwandais et français étaient sur les dents. Pour toutes ces raisons, certains médias « hostiles » ont été tenus à l’écart de la visite présidentielle. De son côté, Paul Kagame n’a accordé que de rares interviews : à l’Agence France Presse, à France 24 et au quotidien Libération. (voir l’article d’AFRIKARABIA sur la version de Roger Bongos)

Des manifestants aux tee-shirts maculés de rouge

Lors de la conférence de presse au CAPE, un petit groupe de Congolais qui avait réussi à s’infiltrer par une porte dérobée a dévoilé des tee-shirts maculé de rouge et crié des slogans hostiles au régime de Kagame avant d’être expulsé par des policiers.
Les protestataires ont ensuite brûlé des pneus ainsi qu’une voiture sur le périphérique, à proximité de la Porte de Saint-Cloud. La police a dû fermer cette section du périphérique, ce qui a provoqué d’importants embouteillages. Devant les protestations des usagers du périphérique bloqués par le brasier, les manifestants congolais ont affirmé par la suite que la voiture qui avait été incendiée sur le périphérique leur appartenait. Il ne semble pas que les auteurs de cette action aient été déférés au Parquet, ni même arrêtés.

Voiture incendiée sur le Périphérique

Dans les heures qui ont suivi, des Rwandais  catalogués « Tutsi » à leur faciès ont été insultés et agressés dans un autobus et dans des rames de métro. Dans un autobus de la RATP se trouvaient plusieurs avocats rwandais dont le Bâtonnier de Kigali Me Aloïs Rutadungwa et Me Donatien Mucyo. Entendant qu’ils discutaient en kinyarwanda, un passager apparemment congolais les a insultés. Puis il a appelé par téléphone ses amis à le rejoindre « pour régler leur compte à ces Tutsis ». Les Rwandais ont alerté le conducteur qui a appelé les services de sécurité de la RATP. Ceux-ci ont escorté les avocats jusqu’à leur hôtel pour qu’ils ne soient pas pris à partie.

Un autre avocat rwandais a été agressé à proximité du parvis du Trocadéro. Les policiers ont arrêté ses deux agresseurs, qui seraient pour l’un Congolais, et l’autre, Angolais.

Plusieurs avocats rwandais menacés, voire brutalisés

Ces incidents ne sont pas étonnants au vu du déferlement de messages haineux ces derniers jours visant le régime de Paul Kagame et plus précisément les Tutsi rwandais. Des internautes, apparemment issus de RDC, sont allés jusqu’à appeler au viol de femmes au Rwanda. Des chansons en lingala sont audibles et visibles sur Youtube, appelant au meurtre des Tutsi. La radicalisation de la campagne présidentielle en RDC semble avoir poussé certains à jeter de l’huile sur le feu, en accusant notamment le président Kabila d’être tutsi. Du côté de Kigali, on accuse les opposants rwandais réfugié sen Europe d’avoir instrumentalisé des Congolais pour les pousser en première ligne. L’association SOS Racisme a commencé à enquêter sur tous les incidents et agressions.

Lors de précédentes manifestations de même nature le 12 juin dernier à Chicago, des manifestants congolais avaient reconnu avoir touché 10 dollars chacun de la part « d’amis rwandais » pour crier des slogans hostiles et brandir des pancartes devant l’hôtel où résidait Paul Kagame.

Serge RAUQUE

Photo : Paul Kagame à Aubervilliers le 11 septembre 2011 (c) Ch.

http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2011/09/16/chasse-aux-tutsis-entre-paris-et-aubervilliers-en-marge-de-l.html

RIGAUD www.afrikarabia.com

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