Kigali – Perché sur une des mille collines, dans le quartier Gisozi situé à une vingtaine de minutes du centre-ville, le mémorial pour le génocide des batutsis  ne laisse aucun visiteur indifférent.

Impossible en effet d’échapper à la tristesse et à la douleur mais surtout l’horreur à l’idée que les bourreaux et les victimes de la tragédie liée au génocide de 1994 étaient des amis, des voisins et même peuple qui partageant la même culture et la même langue.

Une fois les grilles blanches du portail franchies, le groupe de journalistes venus prendre part à Kigali à la conférence africaine sur genre et médias, organisée par la Fédération africaine des journalistes (FAJ) les 26, 27 et 28 août, découvre le mémorial. Celui-ci retrace la douloureuse parenthèse dans la vie des Rwandais, le génocide des Tutsis, l’ethnie minoritaire, survenu en février 1994.

Très posé, les gestes simples, le jeune guide qui accueille le groupe propose de commencer la visite par un recueillement devant la tombe d’une famille Tutsi, victime du ‘’plan diabolique d’extermination orchestré par le gouvernement de l’époque dirigé par des baHutus’’.

Après le dépôt d’une gerbe de fleurs portant l’inscription en bleue ‘’NEVER AGAIN GENOCIDE’’ (plus jamais de génocide), l’émotion était perceptible dans les rangs des visiteurs.

Certains n’ont pu ainsi contenir leurs larmes à la vue des milliers de tombes dallées où reposent 259 mille personnes tombées sous les coups de machette, de la torture ou encore des pires atrocités.

A cet instant de la visite, l’émotion devient intense. Le calme qui régnait sur les lieux soigneusement entretenus et à la verdure luxuriante rend l’atmosphère plus lourde.

Les visages deviennent marqués. les cœurs battirent plus vite et les regards s’égarent comme pour chercher des réponses aux questions qui se bousculent dans l’esprit des uns et des autres.

Seul le bruit des pas des visiteurs brisent le silence poignant qui a envahi le mémorial construit en 2004 à la mémoire des victimes de ’’massacres savamment orchestrés par les autorités depuis près de trente ans’’, renseigne le guide.

A l’intérieur du bâtiment à étages blanc, le visiteur découvre à travers des photos une présentation de la vie au Rwanda, un pays où les populations vivaient dans l’harmonie et la prospérité avant la colonisation et l’implantation des blancs.

‘’Les problèmes du pays, explique le guide, ont commencé avec l’arrivée des Belges. Ce qui a entraîné des bouleversements énormes dans la société. Ces blancs ont établi des différences entre les caractéristiques ethniques (la forme du nez, ou la richesse (avoir plus de dix vaches ou moins pour déterminer qui est Tutsi ou Hutu).

Suivant ses explications, c’est en 1932 que ces différentiations ont été renforcées avec l’établissement de cartes d’identité distinctes.

Après l’indépendance, le pouvoir en place renforce les différences. Le Front patriotique rwandais déclenche des campagnes de persécution et renforce la peur chez les populations. Entre 1959 et 1973, plus de 700.000 Tutsi se sont exilés.

Au fil du récit du jeune guide, le long des couloirs du mémorial, les visiteurs découvrent tout le processus avant, pendant et après le génocide, à travers des expositions d’images poignantes de toutes les étapes douloureuses du génocide.

Un épisode de la vie du Rwanda où la folie de quelques-uns a fait basculer un peuple dans l’atrocité et la barbarie. Les chiffres officiels parlent de 1,115 million victimes du génocide.

Il faut traverser ces couloirs assez étroits et très peu éclairés pour comprendre l’ampleur du drame. Mais surtout pour savoir par où est passé ce peuple qui aujourd’hui tente de se reconstruire et d’ouvrir une nouvelle page de son histoire.

Entre les nombreux cranes alignés, les ossements empilés les uns sur les autres, les effets personnels retrouvés sur les corps déterrés et la chambre les parents des rescapés ont été accrochées des milliers de photos représentant leurs enfants, femmes, époux, pères et mères disparus. Le visiteur n’en revient pas d’ un tel massacre qu’il se retrouve dans la chambre de l’horreur où trônent les portraits d’enfants massacrés.

Les regards innocents d’enfants de tous âges confondus (des nourrissons aux adolescents) sembler foudroyer les visiteurs. Un décor intenable pour certains qui se sont littéralement effondrés, abandonnant la visite pour laisser libre cour à leurs émotions.

Et c’est le cœur lourd et plein d’amertume que les journalistes achèvent leur visite par la section située à l’étage au-dessus et réservée aux génocides juif, arménien et cambodgien. Une façon peut-être de rappeler que cela n’est pas une exception rwandaise et qu’il est possible à ce pays de surmonter cette étape douloureuse de son histoire.

Et c’est ce à quoi s’emploient aujourd’hui les autorités du pays, qui ont travaillé pour la réconciliation nationale et la reconstruction de la société rwandaise.

Dans les rues, les boutiques et les centres commerciaux, ce sont des jeunes, mais aussi des hommes et des femmes calmes et courtois que l’on croise. Ils vaquent tranquillement à leurs occupations sans le moindre soupçon du lourd passé qu’ils portent en eux.

Pour toute personne qui se rend au pays des Milles collines, un détour par le mémorial s’impose. Plus que partout ailleurs, ici, un profond sentiment de tristesse, de compassion et de désolation habite tout visiteur et l’amène à poser un regard indescriptible et délicat à la fois sur des Rwandais qu’on a envie inconsciemment de ménager.

BS/ASG : Envoyée spéciale : Boury Sock

 

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Posté par rwandaises.com