Pour certains milieux, le terme ‘‘mondialisation / globalisation’’ fait désormais partie du vocabulaire de tous les jours. Pour d’autres, il pourrait être encore quelque peu confus et mal compris.
En nous basant principalement et largement sur, entre autres, l’article de Julien LEPLAIDEUR, « Mondialisation » in Dictionnaire de la pensée sociologique, Quadrige/PUF, Paris, 2005, pp.480-482, nous allons essayer de parler, en peu de mots, de la mondialisation / globalisation, avec l’espoir de pouvoir rendre, peut-être, ce concept, encore un peu plus clair ; surtout qu’en ces temps de la crise économique ’’mondiale’’, qui touche durement les pays les plus industrialisés, la mondialisation est de plus en plus mise en cause par certains courants de pensée.
1. Précision et définition (descriptive)
La distinction entre les termes ‘‘ mondialisation’’ et ‘‘globalisation’’ est propre à la langue française. Le mot anglais (US) original est globalization, repris par la plupart des autres langues. En Anglais les différentes approches globalization/mondialisation sont explorées par différent courants de pensées. Le terme anglophone globalization couvre largement le même débat que la différence sémantique francophone. Comme dans le monde francophone, différentes personnes donneront différents sens aux termes, mettant l’accent sur la dimension économique, culturelle ou politique, en fonction de leur appartenance, consciente ou non, à tel ou tel courant de pensée.
D’un point de vue étymologique, monde (univers) et globe sont suffisamment proches pour que mondialisation et globalisation soient synonymes dans leur emploi initial en langue française.
Toutefois, la proximité de « globalisation« avec l’anglais et la particularité de mondialisation a amené une divergence sémantique.
En français, le terme « globalisation » désigne l’extension supposée du raisonnement économique à toutes les activités humaines et évoque sa limitation au globe terrestre. Par contre le terme « mondialisation » désigne l’extension planétaire des échanges qu’ils soient culturels, politiques, économiques ou autres. Dans ce cadre l’expression monde peut désigner en outre l’espace proche de la terre, accessible par des moyens aéronautiques ou spatiaux (satellites), ou prendre des significations propres à chaque culture (le monde chinois, africain, …). En revanche l’expression « globalisation financière » s’est imposée pour désigner la constitution d’un marché mondial intégré des capitaux (voir l’encyclopédie libre, wikipedia).
Comme telle, la notion de « mondialisation » est une notion relativement récente. Mais, depuis un certain temps, elle ne cesse de susciter de nombreux débats, scientifiques ou militants, sur sa portée et ses conséquences. L’on note, par ailleurs, que ses caractéristiques générales sont déclinées de manières particulières selon les dimensions étudiées : économique, politique, sociale ou culturelle.
2. Historique de la mondialisation
Même si généralement on a coutume de situer à novembre 1975 la date à laquelle, par décision politique, le processus de la mondialisation fut lancé (Voir Emilio GRASSO, Mondialisation, marginalisation, nouvelle évangélisation. Un défi pour l’Eglise en Afrique, Centre d’Etudes Redemptor hominis, Cameroun, 2003, p.43), cependant, selon plusieurs spécialistes en la matière, l’une des premières occurrences de la « mondialisation » est l’œuvre de Herbert Marshal McLuhan(Cfr J. LEPLAIDEUR).
En effet, dès les années 1960, l’auteur insiste sur ce qui se présente comme un nouveau phénomène dont le trait principal serait « l’interdépendance nouvelle qu’impose l’électronique qui recrée le monde à l’image d’un village global ».
A travers l’expression « interdépendance nouvelle », McLuhan met en lumière l’idée de développement d’interactions jusque là inexistantes. Ce n’est, bien sûr, pas l’idée d’interdépendance qui était nouvelle mais la forme particulière qu’elle était entrain de prendre et, très visiblement, elle constitue actuellement l’une des caractéristiques majeures de la mondialisation.
En plus, la présentation du monde comme « un village global » exprime une autre idée fondamentale de la notion de « mondialisation », à savoir l’effritement de la problématique dimension spatiale des relations.
Finalement nous pouvons dire que l’étymologie du terme « mondialisation » dégage d’autres caractéristiques :
– l’échelle mondiale comme cadre d’appréhension du phénomène ;
– l’idée de processus dont l’étape d’achèvement total et complet est, sans doute, encore loin d’être atteinte.
De ces (quatre) éléments peut ressortir une définition de la mondialisation suffisamment large pour être unanimement reconnue par tous, au delà des diverses divergences d’interprétations. La mondialisation s’apparente ainsi à un processus d’accroissement, à l’échelle de la planète, des échanges, économiques et non économiques, et d’affaiblissement concomitant des freins à ces interactions liés aux distances spatiales. Loin d’être unanime, cette définition va, pourtant, constituer le « noyau dur » autour duquel vont se greffer diverses acceptions de la mondialisation.
Revenant à la naissance ‘‘officielle’’ de la mondialisation (cfr Emilio GRASSO, id. pp. 43-47), nous voulons préciser que le 15 novembre 1975, au château de Rambouillet (près de Paris) les chefs de gouvernement des 6 pays les plus industrialisés (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Grande Bretagne, France, Italie) se rencontrèrent pour un sommet économique. Les décisions sorties de ce sommet des « grands de la terre »(G6) visèrent à une coordination et à une coopération économique. A ce groupe s’ajouteront, par la suite, le Canada et la Russie pour donner naissance au G8.
À partir de Rambouillet, on décide d’aller, de façon concertée, vers une réglementation et vers une intégration des économies. De fait, deux décisions historiques de grande importance furent arrêtées à Rambouillet :
– lancement du processus de privatisation : la gestion de certains biens, activités, entreprises doivent passer des mains de l’Etat à celles des particuliers.
– procéder à la libéralisation de la circulation des biens, services et capitaux.
Ainsi, on se trouve en face de la formation d’un marché global des capitaux, du travail et des marchandises.
3. Débat sur la temporalité, l’histoire et sur la portée de la mondialisation
a. temporalité et histoire
Sommairement, nous pouvons dire que la profondeur historique à accorder à la globalisation ne fait pas l’objet d’un consensus. Certains pensent que la mondialisation économique est un phénomène récent et que les principaux indicateurs de la globalisation sont la constitution et l’élargissement d’un espace d’échange économique unique, ainsi que la disparition de l’acteur étatique. Cette nouvelle forme du marché serait ainsi à l’origine d’une économie nouvelle et mondialisée qui échappe aux mécanismes de régulation, économique et sociale, utilisés jusque là. Il y aurait donc une rupture nette entre le système économique actuel et celui qui était en vigueur jusque vers les années 1970(en Occident).
Cependant, un autre groupe d’auteurs préfère montrer qu’il y a la continuité dans laquelle s’inscrit ce processus d’accroissement des échanges hors des cadres strictement nationaux. Parfois, ces auteurs arrivent même à mettre en doute cette idée d’accroissement des échanges.
Bref, d’une part un groupe voit ‘‘du nouveau’’ qui se manifeste après une certaine rupture alors que de l’autre côté un autre groupe voit le prolongement d’un processus entamé depuis longtemps. Ce débat autour de la globalisation se retrouve dans celui, plus général, autour de la mondialisation.
b. portée en discussion
Le second débat que pose la globalisation tourne autour de la question de la maîtrise des Etats sur leurs économies respectives. Il faut dire que ce débat est relativement intense, conte tenu de ses conséquences politiques.
Aussi, encore une fois, deux groupes de chercheurs s’opposent. Le premier groupe affirme qu’avec la mondialisation, il y a l’accélération de l’interdépendance économique internationale. Les échanges économiques à travers le monde augmentant, ils tendraient à supplanter les échanges plus localisés. Ce basculement structurel d’une économie localisée à une économie mondialisée se traduirait ainsi par l’abandon forcé de toute possibilité de régulation en matière économique par des gouvernements.
Ce groupe de chercheurs (Anthony Giddens, Manuel Castells,…) tend à relier causalement la mondialisation à un nombre important de situations, et donc à lui accorder une grande incidence sur les réalités culturelle, sociale, politique ou économique.
Le second groupe (John Harry Goldthorpe, Neil Fligstein, etc.) réfute les idées du premier groupe et affirme que les politiques fiscales et sociales des gouvernements nationaux ne sont pas irrémédiablement tirées vers le bas par la globalisation. N’étant pas un phénomène qui touche de la même manière les divers pans des économies nationales, il serait abusif de voir dans la mondialisation économique un phénomène transversal obligeant les hommes politiques à déréguler de manière univoque le système économique et social de leur pays.
En conclusion, nous pouvons dire que la notion de « mondialisation » avec ses diverses conséquences conserve un caractère intensément polémique. Le fait de rencontrer une telle latitude entre les positions défendues par les différents chercheurs interroge finalement sur la nature sociologique de la notion.
Dr Sébastien GASANA
Sociologue
http://www.rwandaises.com