Addis Abéba, le 5 novembre 2011: Un séminaire consultatif s’est tenu à Addis Abéba, les 4 et 5
novembre 2011, pour discuter et convenir des modalités d’établissement, au siège de l’UA, d’un
mémorial dédié aux victimes des violations des droits de l’homme, y compris le génocide. Cette
initiative s’appuie sur un engagement antérieur visant à ce que les victimes du génocide au
Rwanda et de la Terreur rouge en Ethiopie soient reconnues et commémorées au siège de l’UA.
La Commissaire chargée des Affaires politiques et Présidente par intérim de la Commission, Julia Dolly Joiner, s’est adressée à la réunion. Dans son allocution, elle a rappelé l’engagement de l’UA en faveur des droits de l’homme et relevé le symbolisme qui s’attache à la décision d’établir un mémorial sur le site de l’ancienne prison centrale d’Addis Abéba, qui abrite désormais le nouveau Centre des Conférences de l’UA. Elle a souligné que cette initiative revêt «une portée tant nationale qu’internationale», et a énuméré quelques unes des nombreuses formes que les mémoriaux peuvent prendre, y compris en servant de lieu pour des conférences et des expositions. Elle a souligné que l’établissement du mémorial servirait de « lieu de souvenir et de reconnaissance d’un passé sombre, d’affirmation de la volonté de respecter la dignité humaine et d’engagement à prévenir la résurgence de tels actes « . Le Commissaire à la Paix et à la Sécurité, Ramtane Lamamra, a également pris part à la séance d’ouverture de la réunion.
Les délibérations de la réunion se sont inscrites dans le prolongement des discussions et
recommandations du premier séminaire consultatif tenu en novembre 2010. Outre l’UA, le
séminaire a vu la participation de Représentants permanents auprès de l’UA, de groupes de rescapés, de représentants de musées africains et de la société civile africaine, ainisi que de partenaires internationaux.
Les participants se sont accordés sur la nécessité d’organiser un événement juste avant
l’inauguration du nouveau Centre des Conférence, de manière à mettre en relief la nature du
site d’Alem Bekagn, et de donner l’occasion aux rescapés de témoigner et aux dirigeants du continent d’aborder la question. Ils ont également recommandé un calendrier d’activités
commémoratives, y compris la Journée commémorative du génocide des Tutsis au Rwanda (7
avril), la Journée commémorative de l’esclavage, l’apartheid et d’autres actes similaires, qui
seraient autant d’occasions pour organiser des événements publics sur le site du mémorial.
A cet égard, la réunion est convenue de la nécessité d’identifier et de sauvegarder des endroits
spécifiques dans la cour du Centre des Conférences, y compris des lieux qui ont été le théâtre
d’exécutions, pour servir de souvenir.
Les participants ont discuté des voies et moyens les meilleurs pour organiser des compétitions
pour la conception des mémoriaux permanents et des expositions temporaires, et ont formulé
des recommandations spécifiques sur les modalités de leur gestion.
L’importance du mémorial de l’UA pour les autres mémoriaux qui existent sur le continent, les
rescapés et les organisations de la société civile a été soulignée, et les participants ont proposé
la constitution d’un réseau d’organisations africaines qui peuvent contribuer aux activités liées
au mémorial et à d’autres initiatives connexes, étant entendu que l’UA peut également tirer
profit de l’existence d’un tel réseau.
Une des priorités du mémorial est la sensibilisation de l’opinion publique et, à cette fin, les
participants ont proposé de créer un site web, afin de servir de forum aux contributions
africaines et de faire connaître le mémorial et les activités y relatives.
Dans l’esprit de collaboration qui existe entre l’UA et la société civile africaine, le séminaire a
proposé qu’un Comité intérimaire soit mis en place, comprenant des représentants des
victimes et des groupes de rescapés, de musées et de mémoriaux, ainsi que de la société civile,
qui aurait autorité sur le mémorial et les activités y relatives.
Les recommandations du séminaire guideront les prochaines mesures qui seront prises par la
Commission pour l’établissement du mémorial de l’UA. Le Président de la Commission
informera le prochain Sommet de l’UA, en janvier 2012, de l’évolution de ce projet.
NOTE AUX RÉDACTEURS EN CHEF
Le site du nouveau Centre des Conférences de l’UA revêt une signification historique
particulière. Entre 1935 et 2005, le site a été occupé par la prison centrale d’Addis Abéba,
connu sous le nom Alem Bekagn, qui signifie «Adieu au monde. » En 1936, il a été le théâtre principal du «Massacre de Graziani », lors duquel le Gouverneur fasciste italien avait raflé et tué la crème de l’élite éthiopienne, en représailles à un attentat le visant. Sous l’Empereur Hailé Sélassié, Alem Bekagn était la prison dans laquelle aussi bien les criminels de droit commun que les prisonniers politiques étaient détenus, et devînt de facto un lieu où la génération
révolutionnaire a pu s’éduquer. Nombre de dirigeants du mouvement nationaliste érythréen y
furent emprisonnés. Immédiatement après la Révolution de 1974, la prison a été le site de
l’exécution et de l’enterrement de soixante ministres du Gouvernement impérial. Il a acquis une
notoriété pour avoir été un lieu d’emprisonnement à grande échelle, de torture et d’exécution
de milliers d’Ethiopiens pendant le régime du Derg, en particulier lors des atrocités de la
Terreur rouge, de 1977 à 1978. Des membres de la famille royale éthiopienne, des dirigeants
politiques, des étudiants et d’autres ont passé des années à Alem Bekagn. Lorsque les forces du
Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) ont pris le contrôle d’Addis‐
Abeba, en 1991, elles ont ouvert les portes de la prison. Le terrain a été transféré à l’Union africaine en 2005, pour élargir son siège.
A la veille de la remise du site, et à l’occasion du dixième anniversaire du génocide au Rwanda,
le 7 avril 2004, il a été convenu qu’un mémorial permanent pour les victimes de violations des
droits humains, y compris la Terreur rouge et le génocide au Rwanda, serait établi sur le site. Le
Président Alpha Oumar Konaré, qui dirigeait alors la Commission, a souligné que la réalisation
de ce mémorial serait une activité prioritaire. La remise du site a été retardée pendant quelque
temps, en attendant que la construction de la nouvelle prison centrale d’Addis Abéba soit
achevée.
Dans son rapport de janvier 2010 à la Conférence de l’Union sur l’Année de la paix et de la sécurité en Afrique, le Président de la Commission, Dr. Jean Ping, a indiqué que, parmi les activités prévues pour célébrer l’Année, la Commission prendrait ‘’des mesures pour établir, au siège de l’Union africaine, un mémorial dédié aux victimes des violations des droits de l’homme, y compris le génocide».
Dans le cadre du suivi de cette décision, la Commission a organisé, à Addis Abéba, les 15 et 16
novembre 2010, un séminaire consultatif sur le mémorial sur les droits de l’homme. Le
séminaire a donné l’occasion de réfléchir sur les formes que pourrait prendre le mémorial
envisagé ‐ celles‐ci peuvent aller du plus simple (une œuvre d’art publique) à une institution organisant de façon proactive des activités liées aux droits de l’homme, en passant par une fonction éducative ou de musée. De manière plus spécifique, et en s’appuyant sur les expériences nationales et internationales pertinentes, en particulier en Afrique, le séminaire a présenté les différentes options que l’UA pourrait envisager pour la conception du mémorial.
Le séminaire a recommandé l’établissement, au siège de l’UA, de mémoriaux permanents, ainsi
que l’organisation d’expositions et d’activités temporaires sur les droits de l’homme. Le
mémorial envisagé doit remplir une fonction de mémoire (en servant de lieu de souvenir et de
recueillement) et permettre également de surmonter le déni, le silence et l’oubli (en
fournissant des possibilités d’éducation et de sensibilisation).
Le séminaire a abouti à des propositions, notamment: (a) dédier un espace pour le mémorial
sur le site du nouveau Centre des Conférences de l’UA, et (b) organiser un événement inaugural
sur les droits de l’homme, afin de marquer le lancement du mémorial de l’UA. Le séminaire a
également proposé que le mémorial ait deux dimensions: une structure externe pour les
victimes des violations des droits de l’homme et une structure interne dans le nouveau
bâtiment qui servirait de cadre pour des expositions alternées sur les droits de l’homme et
d’autres crimes qui nécessitent d’être commémorés tels que l’esclavage et l’apartheid.
Lors de sa seizième session ordinaire tenue à Addis Abéba, les 30 et 31 janvier 2011, la
Conférence de l’Union a examiné le rapport final du Président de la Commission sur l’Année de
la paix et de la sécurité. La Conférence a exprimé « sa satisfaction quant à l’observation réussie,
sur l’ensemble du continent, de la Journée de la paix, le 21 septembre 2010, … ainsi que
d’autres activités et programmes de sensibilisation menés dans le cadre de l’Année de la paix et
de la sécurité en Afrique, y compris … la construction d’un mémorial dédié aux droits de
l’homme. »
Le séminaire de suivi organisé les 4 et 5 novembre 2011 avait les buts suivants: (a) détailler les
objectifs du mémorial de l’UA sur les droits de l’homme (en ce qui concerne le recueillement,
l’apaisement, la réconciliation, la sensibilisation, le développement et la promotion de normes
sur les droits de l’homme); (b) rédiger les termes de référence du concours anticipé pour les
mémoriaux permanents; (c) faire en sorte que la participation à ces concours soit ouverte au
groupe le plus large possible de rescapés/organisations de victimes et de musées; (d) établir un
lien avec d’autres monuments et œuvres d’art de l’UA (tels que le mémorial envisagé pour les
soldats de la paix, des bustes de dirigeants nationalistes africains), et établir un lien avec la Journée commémorative du génocide au Rwanda.
Posté par http://www.rwandaises.com