Masquant les plus hauts immeubles de Kinshasa, les affiches de  Kabila, le sourire étincelant, proclament « le raïs , 100% sûr » et l’intéressé assure « je ne sais pas qui gagnera, mais je ne peux pas perdre ». Quant à Tshisekedi, les affiches du « candidat du peuple » sont moins nombreuses, plus modestes, mais la détermination n’est pas moindre et de nombreux Kinois arborent désormais une casquette écossaise, à l’instar de leur leader qui va bientôt rentrer de sa longue tournée dans l’Est et le centre du pays.  Alors qu’à Goma, à Bunia et Butembo les deux favoris se sont croisés et que les populations, drainées par la curiosité, ont fait preuve d’un flegme olympien, la dernière étape, celle de Kinshasa, risque de s’avérer plus dangereuse. C’est le 26 en effet que les quatre « champions » qui, sur onze candidats, ont fait la course en tête, vont se retrouver à Kinshasa dans des lieux emblématiques, le Stade des Martyrs pour Kabila, le stade Tata Raphaël pour Tshisekedi. Jusqu’au dernier moment, le suspense persiste : les trois candidats qui talonnent le président sortant vont-ils, in extremis, appeler leurs partisans à se rassembler sur un vote commun afin de concrétiser un « vote sanction » auquel songent beaucoup d’électeurs ? Chez Tshisekedi, on semble encore y croire, mais pour Vital Kamerhe, l’ancien président de l’Assemblée nationale, le temps de cette unité tant recherchée est désormais révolu : « ma base ne comprendrais pas que je renonce » a-t-il séchement déclaré…

Deux groupes se trouvent donc en compétition : les candidats à la première place, et ceux qui rêvent de devenir le  « troisième homme ». Alors que Kabila mène tambour battant une campagne à l’américaine dont les moyens surprennent même les habitués, l’UDPS  (Union démocratique pour le progrès social) laisse déjà deviner la stratégie qu’elle adoptera en cas de défaite : décrédibiliser le processus électoral. Réunissant la presse et les observateurs étrangers, le porte parole du parti a résumé les griefs, vraisemblables ou extravagants : trois millions de bulletins déjà cochés seraient arrivés d’Afrique du Sud, il y a des doublons dans les listes, des bureaux électoraux fictifs…

L’abbé Alain Lomandja, au nom de la Commission Justice et Paix, est responsable du déploiement des 30.000 observateurs formés par l’Eglise catholique et, à ces critiques qui visent la CENI (Commission électorale nationale indépendante) il répond avec flegme : «si les partis veulent éviter les fraudes, le seul moyen, c’est de déployer un maximum de témoins dans tous les bureaux de vote, afin qu’ils surveillent les opérations et contresignent les résultats » L’abbé constate cependant que  « les témoins ne sont pas assez nombreux, car les partis manquent d’argent pour les rémunérer…A ce stade, les accusations de fraude sont difficiles à prouver. »

La rue se montre moins sereine : Antoine, qui vend des jouets chinois sur le trottoir, se dit persuadé de la victoire de son héros, Tshisekedi : « S’ il perd, c’est parce que le pouvoir aura triché… »

Talonnant les poids lourds, deux hommes se battent pour la troisième place et assurent vouloir « encercler » Kabila: Vital Kamerhe et Léon Kengo wa Dondo.  L’un, 52 ans,  est originaire de Bukavu, traité de « Rwandais » voire de « Hutu » par des adversaires toujours obsédés par le facteur ethnique mais, tribun excellant dans les quatre langues nationales, il s’est fait ovationner aux quatre coins du pays L’autre, 76 ans,,  la tête du Sénat, est le deuxième personnage de l’Etat et  fut par deux fois premier Ministre de Mobutu. Naguère, cet « homme de la rigueur » fut solidement détesté pour ses politiques d’austérité mais aujourd’hui, comme ses rivaux, il  propose d’instaurer la gratuité de l’accès à l’enseignement et aux soins médicaux et, à tout moment, propose le Brésil comme modèle de développement.

Chacun rêve de recueillir l’héritage de Jean-Pierre Bemba, le challenger de Kabila en 2006. Mais l’illustre détenu de la CPI n’a donné aucune consigne à ses partisans, et ces derniers, comme des orphelins, hésitent toujours entre Tshisekedi, Kengo originaire de l’Equateur ou Nzanga, fils de feu le président Mobutu.

A mesure que s’éloignent leurs chances d’accéder à la présidence, les deux hommes visent d’autres leviers de pouvoir, le Sénat pour Kengo, (qui présidera la Haute Assemblée jusqu’en janvier) l’Assemblée nationale pour Kamerhe dont le parti, l’Union pour la nation congolaise, pourrait enregistrer un nombre significatif de députés. A mesure que la campagne se termine, les tractations du lendemain déjà se profilent…

Si nul n’écarte le risque de troubles au lendemain d’un scrutin contesté avant d’avoir commencé, la tension est cependant moins palpable qu’en 2006, où deux armées sur pied de guerre, les forces de Kabila et les milices de Bemba,  campaient dans une capitale survoltée…

 

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Posté par rwandanews