Lundi 28 mai 2012, la fuite d’un rapport confidentiel de la Monusco faisait état des premiers onze jeunes Rwandais, dont un mineur, qui avaient déserté le mouvement rebelle M23, composé à priori de déserteurs congolais.

Mardi 29 mai, le Rwanda a vivement démenti avoir envoyé des hommes sur le sol congolais. Le lendemain, la Monusco a prudemment déclaré que « les autorités rwandaises ne pouvaient pas être mises en cause ».

Pour le gouvernement : « Ce sont des individus qui se déclarent Rwandais, mais nous n’en avons pas la preuve ».

Les onze premiers à s’être rendus à la Monusco ont été interrogés les 29 et 30 mai derniers par des officiers congolais et rwandais à l’intérieur du camp de l’ONU à Goma, en présence de témoins membres de la force des Nations unies.

Plusieurs témoignages de ces jeunes Rwandais ramènent à un personnage : un bouvier – un gardien de vaches – qui joue le rôle d’agent recruteur dans la région de Mudende. Il approche les jeunes désoeuvrés des villages et leur dit « qu’il y a de l’embauche dans l’armée rwandaise ».

Quand il rassemble suffisamment de volontaires, il organise lui-même le transport par autobus, et les recrues sont rassemblées à Kinigi, à l’entrée d’un parc naturel célèbre pour ses gorilles. Faut-il voir la main de Kigali derrière le Mouvement du 23 mars qui sévit en RDC ? Non, répond la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. Une interview publiée le 3 juin dans J.A. n° 2682. Ci-dessous l’intégralité de cette interview

Jeune Afrique : Un rapport de l’ONU vous accuse de soutenir les mutins du M23. Ces informations sont-elles exactes ?

LOUISE MUSHIKIWABO : Je suis catégorique : le Rwanda n’a ni formé ni envoyé de combattants de l’autre côté de la frontière. Cette fuite montre la désinvolture dont fait preuve la Monusco.

Nous avons connaissance de ces allégations depuis des semaines, Pourquoi les diffuser ? La première des choses aurait été de les vérifier : qui sont ces Rwandais ? De quel district viennent-ils ?

Ils disent avoir été recrutés entre février et avril dans le camp de Mudende, près de la frontière avec la RDC…

Mudende est une localité bien connue, où il y a un camp de réfugiés congolais. Cela ne constitue certainement pas une preuve. Il y a 56 000 réfugiés congolais sur notre territoire : ils ont de la famille de l’autre côté de la frontière, il y a des va-et-vient. Mais accuser un pays de soutenir une rébellion dans un autre pays, c’est totalement irresponsable, compte tenu de notre histoire récente. Ces fausses informations risquent d’avoir des conséquences très graves pour les villageois des collines du Masisi [majoritairement rwandophones, NDLR]. La Monusco coûte 1 milliard de dollars par an et dispose de 20 000 hommes. Elles est là depuis trop longtemps et n’a obtenu aucun résultat.

Vous ne jugez pas la Monusco efficace. L’armée congolaise ne semble pas l’être davantage. Sur qui comptez-vous pour combattre les FDLR en RDC (rébellion rwandaise fondée par d’ex-génocidaires hutus) ?

La présence des FDLR pose un grave problème. C’est un poison idéologique et une force utilisée par ceux qui ne veulent pas de la stabilité. La solution ne peut pas venir d’une tierce partie : le Rwanda va résoudre cette question avec le Congo. En revanche, la mutinerie du M23 est le fait de forces armées congolaises, sur le territoire congolais. Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire. Ce n’est pas notre pays.

La RDC, justement, a pris une initiative pour tenter d’arrêter Bosco Ntaganda…

Regardons les choses en face. Bosco Ntaganda n’est pas recherché par le Congo, mais par la Cour pénale internationale. Et ce n’est pas parce que la CPI – sur laquelle nous émettons bien des réserves – veut arrêter un seul homme que tant de Congolais doivent souffrir. Pour le reste, contrairement à ce qui pu être dit, Ntaganda n’a jamais franchi la frontière rwandaise.

Ce rapport risque-t-il de nuire à vos relations avec Kinshasa ?

Kinshasa était, comme nous, déjà au courant de ces allégations. Notre relation est ancienne. Nous avons tout fait pour préserver la stabilité de cette région, et cela ne changera pas. Nous sommes toujours prêts à contribuer à régler le problème si le Congo le demande. Nous continuons d’en discuter.

LP

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Posté par rwandaises.com