Un tribunal néerlandais a condamné vendredi à six ans et huit mois de prison une Néerlandaise d’origine rwandaise, Yvonne Basebya, pour incitation au génocide en 1994 au Rwanda, première condamnation pour génocide d’un citoyen néerlandais.

« Elle a appelé au meurtre et à la violence contre les tutsi », a déclaré le juge René Elkerbout lors du prononcé du jugement à La Haye, dans l’ouest des Pays-Bas, en condamnant Mme Basebya à une peine de prison de six ans et huit mois pour incitation au génocide tout en l’acquittant des autres chefs d’accusation qui pesaient contre elle.

Mme Basebya, 66 ans, a notamment été acquittée des chefs de conspiration en vue de commettre un génocide et de crimes de guerre. « Le fait qu’elle ait appelé à la haine n’est pas suffisant pour la considérer comme coauteur » du meurtre de 110 Tutsi réfugiés dans une église au sud de Kigali au début du génocide, dont l’accusait le parquet, a souligné le juge.

« Il n’y a aucune preuve que, durant les animations (réunions), des préparations ont été réalisées », a souligné le juge Elkerbout, décrivant ces réunions de hutu extrémistes comme étant néanmoins « extrêmement anti-tutsi : on tapait du pied, on sifflait, on dansait, et on chantait ++Tuba tsembe tsembe++ », une chanson appelant à l’extermination des Tutsi.

Vêtue d’un gilet rose et d’un pantalon noir, les cheveux tirés en arrière, Yvonne Basebya est restée impassible lors de la lecture du jugement, pendant que deux de ses filles versaient des larmes. « Courage, maman », lui avait glissé l’une d’elle avant le début de l’audience.

Mariée à un ancien député rwandais ayant travaillé comme enquêteur pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda, Mme Basebya est venue vivre aux Pays-Bas en 1998 dans le cadre d’un regroupement familial et dispose de la nationalité néerlandaise depuis 2004.

« Des centaines de milliers de Tutsis ont été massacrés de manière horrible, ce génocide n’est pas sorti de nulle part, les Hutu ont été systématiquement incités à la haine contre les Tutsis », a encore dit le juge au cours de la lecture du jugement, qui a duré près de trois heures.

Citant un témoin, le magistrat a décrit les gens rassemblés lors de ces réunions anti-Tutsi comme « des taureaux qu’on est en train d’exciter avant de les lâcher » : compte tenu de son éducation et de sa situation sociale, Mme Basebya aurait dû « faire d’autres choix », a-t-il estimé.

Le parquet national néerlandais avait requis en novembre une peine de prison à perpétuité contre Yvonne Basebya, l’accusant d’avoir été le « moteur » d’une « orgie de violence ». En tant que chef d’une milice Hutu « extrémiste et violente » active à Kigali, la capitale rwandaise, Mme Basebya, née Ntacyobatabara, aurait ordonné le meurtre et le viol de dizaines de Tutsi et Hutu modérés, avait alors avancé l’accusation.

Selon les juges, rien n’indique cependant qu’elle ait donné des ordres en ce sens.

« Nous allons étudier attentivement le jugement, (…) et nous dirons dans deux semaines si nous faisons appel ou pas », a déclaré à l’AFP le porte-parole du parquet, Patist Jirko.

L’avocat de la défense a assuré qu’il allait conseiller à sa cliente d’interjeter appel : « malgré le fait que la condamnation soit relativement faible ». « Nous ne sommes pas contents du raisonnement des juges, qui ne représente pas la réalité complexe du Rwanda à l’époque », a déclaré à l’AFP Me Viktor Koppe.

Déclenché après l’assassinat le 6 avril 1994 du président rwandais, le Hutu Juvénal Habyarimana, le génocide rwandais a fait 800.000 morts en trois mois selon l’ONU, essentiellement au sein de la population tutsi, mais également parmi les Hutu modérés.

Yvonne Basebya était jugée depuis le 22 octobre à La Haye en vertu d’une loi de « compétence universelle » dont sont pourvus les Pays-Bas.

Joseph Mpambara, un Rwandais vivant aux Pays-Bas condamné à 20 ans de prison en première instance, avait été condamné en appel en juillet 2011 à la prison à vie pour des crimes de guerre commis lors de l’attaque d’une église au Rwanda en 1994. Des centaines de Tutsi qui s’étaient réfugiés dans l’édifice avaient alors été tués.

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