Une « parenthèse ». C’est par ce mot lapidaire qu’Alain Juppé achevait sa brève réponse aux questions des journalistes de France culture qui l’interrogeaient le 1er avril dernier sur sa responsabilité et celle de la France dans le génocide des Tutsi. Par Alain Ngirincuti
Une « parenthèse ». C’est par ce mot lapidaire qu’Alain Juppé achevait sa brève réponse aux questions des journalistes de France culture qui l’interrogeaient le 1er avril dernier sur sa responsabilité et celle de la France dans le génocide des Tutsi.
Une « parenthèse », donc, l’appui diplomatique et militaire de l’État français apporté au régime ayant orchestré le dernier génocide du XXe siècle ? Une parenthèse, l’opération militaro-humanitaire, « Turquoise » déclenchée par la France pour venir en aide à son allié génocidaire alors que le génocide est quasi-totalement consommé ?
Une « parenthèse », ce million de victimes assassinées sur leurs collines, les églises, les hôpitaux, les écoles pour le simple faitqu’ils étaient Tutsi ? 

Une « parenthèse », la douleur infinie des survivants à qui Alain Juppé n’exprime que du mépris? Au moment où les rescapés s’apprêtaient à se souvenir de leurs disparus comme chaque 7 avril depuis vingt-deux ans, les mots d’Alain Juppé font mal.
Arcbouté sur une défense ridicule à force d’être répétée de manière incantatoire de la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994, Alain Juppé renvoie tous ceux qui s’emploient à exiger la vérité dans le camp des « falsificateurs de l’histoire. »
Curieuse conception de l’histoire pourtant qui consiste à nier les faits les mieux établis. La visite diplomatique à Matignon et à l’Élysée de deux membres éminents du gouvernement criminel de Kigali le 27 avril, en plein génocide, relève-t-elle de la « falsification historique » ?
Rappelons que ce gouvernement fut formé à l’ambassade de France à Kigali. À cette époque, Alain Juppé alors ministre des Affaires étrangères ne peut ignorer la « qualité » de ses hôtes rwandais. L’un était ministre, l’autre propagandiste zélé de la haine anti-tutsi. Ils s’étaient vus refuser des visas par tous les autres pays occidentaux. Pas en France où ils furent accueillis sous les ors du palais présidentiel.
Comme l’écrit avec force l’historienne Alison Des Forges, une telle visite « rendait le génocide respectable à Paris, ses partisans au Rwanda étaient encouragés. »
On pourrait multiplier les exemples des soi-disant « falsifications » dénoncées par Alain Juppé qui sont autant de vérités dont le problème n’est pas tant leur dévoilement que leur reconnaissance par des hommes politiques et des officiers français persistant dans le déni de leurs responsabilités, de leurs engagements criminels. Le déni, voilà la question tenace posée à la classe politique au pouvoir pendant le génocide.
Depuis vingt-deux ans, les survivants souffrent du déni des plus hautes autorités françaises. Déni d’une complicité dans un crime qui les a rendus orphelins, veuves, marqués à vie par le souvenir de la violence inouïe alors déployée au Rwanda.
Mais la vérité historique n’appartient pas à Alain Juppé, homme politique et non historien. Acteur central de la politique française au Rwanda de la période pendant laquelle la France a assisté politiquement et militairement le régime génocidaire, avant, pendant et après le génocide, il est à ce titre le plus mal placé pour donner des leçons d’histoire. Une histoire qui lui échappe et à propos de laquelle les nouvelles générations demanderont des comptes, comme elles le firent pour la collaboration pendant la seconde guerre mondiale et la guerre d’Algérie.

http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/education/283-genocide-alain-juppe-le-rwanda-et-le-genocide-des-tutsi

Posté le 14/10/2016 par rwandaises.com