Ministre de l’Industrie, Germain Kambinga était en mission en France et en Belgique pour le président Joseph Kabila afin d’expliquer aux médias internationaux les derniers développements de l’actualité congolaise. Il répond aux questions de Jeune Afrique.

Alors que le nouveau Premier ministre, Samy Badibanga, doit nommer le nouveau gouvernement, quel est le bilan de son prédécesseur, Matata Ponyo ?

Germain Kambinga : Le principal point positif, c’est que le prochain gouvernement aura les moyens d’atteindre ses objectifs et que Samy Badibanga aura les coudées franches pour organiser les élections. Il n’aura pas à s’inquiéter de trouver les caisses vides.

Nous avons mis en place des réformes sociales : la bancarisation, la construction d’écoles et de centres hospitaliers, la création de transports urbains. La part de l’éducation dans le budget est passée de 1% il y a quelques années à 16% aujourd’hui. Quelque 6 000 kilomètres de route ont été construits. Notre armée a été réformée et adaptée aux menaces et les problèmes de soldes des militaires et des policiers ont été résolus. Si nous voulions faire une liste, nous n’en terminerions pas. Ce sont des résultats concrets, pas de la démagogie.

La part de l’éducation dans le budget de l’État est passée à 16%. Mais le chômage des jeunes ne reste-t-il pas très élevé ?

Oui, plus de 70% des jeunes Congolais sont au chômage. Mais le gouvernement a pris des initiatives. Nous voulons notamment favoriser la création des microentreprises par les jeunes. L’idée, c’est de créer un tabouret à trois pieds avec le secteur public, et notamment les postes dans l’administration, le secteur privé, avec les télécoms ou les assurances, et le microentrepreneuriat.

Sur le contexte sécuritaire, la situation à Beni est également un gros bémol dans le bilan du gouvernement.

Ce n’est pas un bémol. C’est plutôt le résultat d’une évolution : il y a encore dix ans, nous avions 38 groupes armés dans l’Est. L’armée congolaise les a tous maîtrisés. Dorénavant, ce sont des groupuscules terroristes qui nous livrent une guerre asymétrique. Des stratégies sont en train d’être mises en place pour lutter contre ce phénomène. Mais contre le terrorisme, il n’y a pas de solution miracle à court terme. Cela ne remet pas en cause l’efficacité de l’armée et des services de renseignement.

La situation à Beni ne remet pas en cause l’efficacité de l’armée.

Quelle vision avez-vous de la polémique sur la nationalité de Samy Badibanga ?

Nous considérons que cette polémique est indigne. Il y a un plan ourdi depuis l’extérieur pour déstabiliser notre pays. Alors que la solution issue du dialogue voulu par le chef de l’État a été acceptée par la majorité des Congolais et des amis du Congo, certains ont transformé leur échec en baroud de déshonneur. Ils croyaient mettre à mal le processus.

Maintenant, sur le fond, il faut également rappeler que Samy Bandibanga est aussi député. Or seuls les Congolais peuvent l’être, après validation de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) et de l’Assemblée nationale. Donc, en tant que député congolais, Samy Badibanga a de facto renoncé à la nationalité belge, si tant est qu’il l’avait acquise. Cette polémique relève de la politique de caniveau, mise en place par des officines extérieures.

Cette polémique n’illustre-t-elle pas le problème de la double nationalité, qui n’est pas autorisée en RDC ?

Lorsque les temps nous le permettront, nous devrons réfléchir à une révision de la constitution sur ce sujet. Au fil des années, des millions de Congolais ont quitté le pays et ont acquis d’autres nationalités, par nécessité économique ou combat politique. L’histoire nous oblige à aller dans le sens de l’acceptation de la double nationalité. Tous les Congolais ont un enfant, un frère ou un cousin ayant acquis une autre nationalité. Le danger de la stigmatisation guette notre pays si nous ne nous penchons pas sur ce fait.

L’histoire nous oblige à aller dans le sens de l’acceptation de la double-nationalité.

Au-delà de la polémique, que pensez-vous du choix de Samy Badibanga comme Premier ministre ?

C’est un excellent choix, comme l’aurait été celui de Vital Kamerhe. Le Président a tenu sa parole et son obsession du rassemblement en nommant le président du groupe parlementaire UDPS, originaire du Kasaï. Il n’était pas facile, en dehors d’un cadre électoral, de donner une partie de son pouvoir à l’opposition. Pourtant, Joseph Kabila l’a fait : il a choisi un opposant pour être Premier ministre, un poste important au regard de notre constitution.

De nombreux acteurs de l’opposition insurrectionnelle et exilée disaient que le Président ne respecterait pas l’accord issu du dialogue mais il l’a fait et il a reçu l’adhésion de tous les autres membres de l’opposition, y compris Vital Kamerhe, qui a accepté de participer au gouvernement. Tous les ingrédients sont là pour que le processus qui doit aboutir à l’organisation des élections en avril 2018 décolle enfin.

La RD Congo a-t-elle aujourd’hui les moyens financiers d’organiser les élections ?

Bien sûr, sinon nous n’aurions pas signé cet accord. Nous avons déjà mobilisé plus de 250 millions de dollars et le gouvernement met sur la table 20 millions chaque mois pour l’organisation. Mais il est également vrai qu’il sera de la responsabilité des politiques de ma génération de se pencher sur le problème des élections lorsque les temps ne seront plus suspects. Nous aurons à nous demander si le processus électoral congolais est viable à long terme, compte tenu de notre nécessité de développement. Faut-il dépenser 1,2 milliards de dollars tous les cinq ans pour faire fonctionner la mécanique électorale ? Il faudra se poser la question. Peut-être faudrait-t-il penser à un système de suffrage indirect pour certaines élections.

Faut-il dépenser 1,2 milliards de dollars tous les cinq ans pour faire fonctionner la mécanique électorale ?

Une partie de l’opposition a appelé à manifester le 19 décembre, date théorique de la fin du quinquennat de Joseph Kabila. Faut-il s’attendre à un nouveau bouleversement ?

Non, la problématique du départ de Joseph Kabila a été posée et la réponse a été donnée. Le dialogue s’est tenu et l’accord politique reconnaît la pertinence de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui autorise le Président à rester en fonction et valide le report du processus électoral. Il n’y a pas d’équivoque, sauf à marcher sur la tête : il ne se passera rien en RD Congo le 19 décembre.

Le Premier ministre aura certainement mis en place son gouvernement d’union nationale et la Ceni est au travail pour l’organisation des élections en avril 2018. Pourquoi brandir cette date comme un chiffon rouge ? Le 19 décembre sera une journée normale.

http://www.jeuneafrique.com/378274/politique/rdc-germain-kambinga-polemique-nationalite-de-samy-badibanga-indigne/

Posté le 30/11/2016 par rwandaises.com

 

Mathieu Olivier