La cour administrative d’appel de Nantes a désavoué le gouvernement français, qui avait refusé en septembre 2014 d’accorder un visa à un ancien ministre rwandais en poste au moment du génocide des Batutsi. /Photo d’archives/REUTERS/Régis Duvignau

NANTES, Loire-Atlantique (Reuters) – La cour administrative d’appel de Nantes a désavoué le gouvernement français, qui avait refusé en septembre 2014 d’accorder un visa à un ancien ministre rwandais en poste au moment du génocide des Batutsis.

Le tribunal administratif de Nantes avait déjà donné raison en octobre 2016 à Prosper Mugiraneza, en ordonnant au ministère de l’Intérieur de lui délivrer sous deux mois un  « visa de long séjour » en tant que conjoint d’une ressortissante française. Mais celui-ci avait immédiatement fait appel, en demandant un sursis dans l’exécution de ce jugement.

Le gouvernement français redoutait en effet que sa venue en France « provoque des réactions de mécontentement de la part des associations de rescapés du génocide » et « nuise aux relations que la France entretient avec le Rwanda ».

L’administration estimait aussi que les premiers juges avaient commis une « erreur d’appréciation », dans la mesure où Prosper Mugiraneza n’avait « pas démissionné » du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), le parti au pouvoir à l’époque, alors que celui-ci pourtant « se rapprochait de la mouvance Hutu Power » et « développait des milices armées en vue de la préparation du génocide ».

« MEMBRE INFLUENT » DU MRND

L’intéressé fut successivement secrétaire général du ministère de la Justice, ministre du Travail, puis ministre de la Fonction publique au sein du gouvernement rwandais avant et pendant le génocide.

« Membre influent du MRND et exerçant des fonctions de responsabilité importantes, il ne pouvait qu’avoir eu connaissance du projet génocidaire et y avoir au moins acquiescé », soutenait donc le ministère de l’Intérieur. Il en voulait pour preuve que Prosper Mugiraneza avait « consolidé son rôle au sein du régime et l’a même accru au fil des années ».

L’homme avait pourtant été acquitté en appel par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), après avoir écopé de trente ans de prison en première instance.

Mais le ministère de l’Intérieur soulignait que les témoignages selon lesquels Prosper Mugiraneza aurait « caché dans sa maison » des Tutsis n’étaient pas relatés par la chambre d’appel du TPIR, et n’étaient donc « pas probants ».

Mais « en l’état de l’instruction, aucun des moyens invoqués par le ministre (…) ne paraît être de nature à justifier (…) l’annulation du jugement attaqué », réplique la cour administrative d’appel de Nantes dans son arrêt.

La juridiction, qui réexaminera le dossier sur le fond d’ici plusieurs mois, a donc confirmé l’injonction faite à la France de délivrer un visa à l’ancien dignitaire du régime rwandais sous deux mois.

(Guillaume Frouin, édité par Nicolas Delame)

Posté le 04/04/2017 par rwandaises.com