Les FDLR sont accusées, de massacres, mutilations, déplacements de population et viols, « esclavage sexuel, inceste forcé et cannibalisme ». Elles, se croient comme des « guerriers de la rédemption ». Par La Libre / MCN

Des combattants FDLR (ou Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) dans le Masisi.

Ils sont accusés depuis leur création, en 2000, de massacres, meurtres, mutilations, déplacements de population et viols – des viols qui, soulignait en 2007 une experte de l’ONU, Yakin Erturk, vont « au-delà du viol », incluant « esclavage sexuel, inceste forcé et cannibalisme ». Mais les FDLR (Forces démocratiques – sic – de libération du Rwanda) se voient comme des « guerriers de la rédemption »
C’est ce que révèle un chapitre de « Tatort Kongo-Prozess in Deutschland » (Scène de crime au Congo – Procès en Allemagne) de Dominic Johnson, Simone Schlindwein (photo) et Bianca Schmolze, édité par Ch Links Verlag Berlin en 2016, véritable somme sur le mouvement rebelle hutu rwandais issu des génocidaires de 1994 et réfugié dans l’Est du Congo, où il servit à plusieurs reprises de supplétif à l’armée congolaise.
Ce livre tire une part de sa documentation des pièces produites devant le tribunal de Stuttgart pour le procès (2011-2015) d’Ignace Murwanashyaka, le président des FDLR, et de son adjoint Straton Musoni pour crimes de guerre et contre l’humanité au Congo. Ce livre est en cours de traduction en français. La Libre Afrique.be révèle, en primeur dans cette langue, le contenu d’un de ses chapitres.
L’ancien chef des FDLR, Ignace Murwanashyaka est accusé d’avoir ordonné en 2009 des massacres dans l’Est de la RDC et sera condamné,en 2015, par un tribunal de Stuttgart (dans le sud de l’Allemagne) à 13 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Avoir foi en Dieu
« L’Umucunguzi [NDLR : « le libérateur », nom que se donnent les FDLR] doit avoir foi en Dieu, le respecter et le craindre », ordonne le Règlement d’ordre intérieur des FDLR. Mieux : « notre roi Jésus-Christ » est « le plus haut umucunguzi », selon Murwanashyaka. Chaque matin, quand les soldats se réunissent devant leur chef militaire, le général Sylvestre Mudacumura – toujours fugitif malgré un mandat international de la Cour pénale internationale délivré en 2012 – un prêtre prie « que Dieu protège les combattants et leur montre le bon chemin dans leur lutte ». Ces derniers « se perçoivent comme engagés dans une lutte sacrée pour sauver le Rwanda du mal », écrivent les auteurs.
Jusqu’en 2009, l’aumônerie militaire des FDLR était dirigée par Ildephonse Nizeyimana, alias Sebisogo, « responsable de massacres à Butare pendant le génocide rwandais et recherché pour cette raison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda ; sa capture avait été mise à prix pour 5 millions de dollars par les Etats-Unis ».
Selon un ancien administrateur des FDLR, « les prêtres sont dirigés par les chefs militaires ». Le vol et le pillage sont supposés interdits « mais quand un commandant envoie ses unités s’emparer d’un butin, il rassemble les chefs religieux et leur donne des instructions. Ils prêchent ensuite que c’est la volonté de Dieu de ramasser un butin aujourd’hui ». De même, le commandant pour le Nord-Kivu inculque à ses hommes « de ne pas se marier parce que telle est la volonté de Dieu. la vraie raison était que les hommes mariés délaissaient souvent leurs unités dans les périodes difficiles pour s’occuper de leur famille ».
Vierge Marie et « livre saint »
Selon les FDLR, « la vierge Marie serait apparue dans les camps de réfugiés hutus » au Kivu et dans ceux de l’ALIR (Armée de libération du Rwanda, formée de miliciens génocidaires Interahamwés et d’ex. soldats de l’armée rwandaise hutue ayant participé au génocide de 1994), ancêtre des FDLR. « Ses prophéties ont été rassemblées au fil des ans par Byiringiro, aujourd’hui président intérimaire des FDLR, dans son livre saint » dont « des extraits furent distribués aux troupes sous forme de petits recueils et lus à haute voix devant les soldats par les aumôniers ». « Pour la prochaine génération, cette littérature constitue un corset de la foi interprétant la réalité dans cette optique politico-religieuse. Vu sous cet angle, les FDLR mènent une guerre sainte ».
D’ailleurs, les opérations armées des FDLR à l’intérieur du Rwanda, depuis le Congo, dès 2001, ont des noms de code religieux, « Alleluiah », « Amen », « Oracle du Seigneur ». « On a eu la promesse que le pays nous appartiendrait », dira un dirigeant de l’Alir – créée, selon lui, comme « œuvre de Dieu » – à un journaliste britannique.
Donner de l’espoir aux soldats
Un ancien cadre administratif de haut rang des FDLR, qui travailla pour Murwanashyaka au Congo, expliquera au tribunal de Stuttgart qu’« avec ça, leurs chefs ont donné de l’espoir aux soldats », au point que, parfois, « la foi a prévalu sur la réalité ».
Murwanashyaka se présente comme un catholique profondément croyant et même « un chrétien persécuté », écrivent les auteurs. En 2005, cependant, ce n’était clairement pas le cas et « le soir, il buvait du whisky pendant des heures avec le chef militaire Mudacumura. Toutefois, lors de sa visite suivante » sur le terrain, « en 2006, selon un ancien combattant, il avait l’air chrétien ; au lieu de discuter avec Mudacumura, il préférait la prière. Le général, alors, s’en fut en colère, rappelant le proverbe rwandais « quand un chien ne peut plus manger de la viande, il est mort ». Il paraît que la Vierge Marie était apparue à Murwanashyaka entre ces deux visites ».
Le président des FDLR n’hésite pas à se comparer à Moïse et ses troupes aux enfants d’Israël, persécutés par Pharaon/les Tutsis ; leur traversée du désert est la fuite des combattants hutus à travers le Zaïre en 1996 pour échapper à la poursuite de l’armée de Kigali.
« Souffrir comme Jésus »
En 2009, dans une lettre à Murwanashyaka, le chef du renseignement militaire des FDLR indique : « Nous avons de l’espoir parce que Dieu a un plan pour nous […] La Vierge Marie prie pour nous chaque jour. »
Les combattants sont encouragés par leur président à prendre « Jésus en exemple », alors « ils atteindront leur but de rentrer au Rwanda » ; pour cela, « ils doivent faire des sacrifices et souffrir » comme Jésus. Tandis que le commandant adjoint d’une branche des FDLR, les FOCA, annonce, en 2009, que « le temps approche où Dieu va montrer que cette guerre est menée par Dieu », le commandant des FDLR pour le Nord-Kivu se moque des récompenses promises par les Etats-Unis pour la capture des dirigeants du mouvement : « Dieu est plus fort que les Etats-Unis. »

http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/politique/1137-kivu-quand-les-fdlr-transforment-les-massacres-et-viols-a-l-est-en-guerre-sainte

Posté le 04/06/2017 par rwandaises.com