Kinshasa serait-il coincé entre deux de ses voisins les plus influents, le Rwanda, dont le président Paul Kagame préside en ce moment l’Union africaine et le président angolais Joao Lourenço, qui se trouve à la tête du comité de sécurité de la SADC, l’union des pays d’Afrique australe qui rassemble les plus fidèles alliés de Kinshasa ? Les deux chefs d’ Etat, qui partagent la même analyse de la situation en RDC ont été reçus par le président français Emmanuel Macron, qui a assuré que la France partageait les préoccupations des pays de la région et soutiendrait leurs initiatives. A ce stade, pour autant que l’on sache, il n’y a guère d’autre initiative que l’exigence de la mise en œuvre des accords de la Saint Sylvestre qui doivent mener aux élections prévues pour le 23 décembre, ni d’autre désir que voir enfin s’appliquer les mesures de décrispation (dont la libération des prisonniers politiques).
Malgré les avancées et les promesses de Kinshasa, un certain flou subsiste encore : certes, les élections sont annoncées mais un « cas de force majeure » pourrait toujours être invoqué pour justifier un nouveau retard. Par ailleurs, nul ne peut jurer que le président Kabila aurait réellement abandonné l’intention de se représenter : de grandes affiches à son image ne se sont-elles pas multipliées dans la capitale ?
De telles incertitudes inquiètent évidemment les pays de la région qui redoutent de subir les conséquences d’une aggravation de la crise congolaise. Et, en miroir, le pouvoir congolais s’inquiète de plus en plus de la sollicitude de ses puissants voisins. C’est ainsi que le ministre des Affaires étrangères She Okitundu a reçu ses homologues rwandais et angolais pour leur demander des explications et que Kinshasa s’interroge désormais sur la position de la France. Jusqu’à présent en effet, le pouvoir congolais avait le sentiment que Paris se montrait moins intransigeant que la Belgique et il réservait à Bruxelles l’essentiel de son courroux. Or il apparaît aujourd’hui que le président Macron partage les vues de ses interlocuteurs africains et belges. Il s’est aussi significativement rapproché du Rwanda en soutenant la candidature de la Ministre des Affaires étrangères du Rwanda Louise Mushikiwabo à la tête de la francophonie.
Cet appui apporté par la France à un régime qui a imposé l’anglais comme langue officielle dans les écoles et l’administration, qui a rejoint le Commonwealth et qui, à l’intérieur du pays, a quelquefois, discrètement, discriminé les francophones, n’a pas fini de susciter des commentaires dans le « pré carré » franco –africain. C’est ainsi qu’au Bénin, l’ancien garde des Sceaux, le professeur Kouassivi Topanou estime que cette candidature rwandaise « vide la francophonie de sa substance », et il écrit « cette décision renie les valeurs commune qui structurent les relations entre la France et les pays francophones depuis 1990, à savoir la démocratie et la langue française en partage » Allant plus loin, il estime que « cette décision donnera aussi aux pays africains une raison supplémentaire de quitter la zone CFA. » Depuis plusieurs mois en effet, les anciennes colonies françaises, dont la monnaie (le franc CFA), garantie par le Trésor français est liée au franc français puis à l’euro, mettent en cause cette allégeance qui date de l’époque des indépendances.
Quant au Congo Kinshasa, le plus grand pays francophone d’Afrique, il a accueilli avec surprise la candidature rwandaise à l’OIF et on constate que, tant dans la presse que dans l’opinion, le Rwanda, même si ses succès suscitent l’admiration, demeure synonyme de guerres à répétition, de siphonnage des ressources tandis que le soutien apporté aux divers mouvements rebelles n’est pas oublié, même si, comme le disait le Docteur Mukwege « nos millions de morts n’ont, eux, pas un seul monument »….
Faut-il s’en étonner ? Redoutant d’être isolé par ses voisins africains, trahi par la France, éprouvé par la fermeture de la Maison Schengen dispensatrice de visas, le régime émet quelques signaux à l’intention… de la Belgique ! C’est ainsi que le ministre des affaires étrangères She Okitundu et le président Kabila lui-même ont adressé des messages de condoléances et de sympathie au Premier Ministre et au Roi Philippe à l’occasion de l’attentat terroriste de Liège et que François Xavier de Donnea, un « sage » du MR, proche de Charles Michel, se trouve en ce moment à Kinshasa, où il multiplie les contacts…

http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2018/05/31/kinshasa-se-sent-coince-entre-ses-voisins-rwandais-et-ougandais/

µPosté le 31/05/2018 par rwandaises.com