Un témoin transmet une facture d’hôtel à la cour par l’intermédiaire de l’accusé: polémique au procès de Fabien Neretse pour génocide. Par Belga.







Fabien Neretse, un rwandais de 71 ans vivant en France, est accusé devant la cour de crime de génocide et de crime de guerre commis en 1994 au Rwanda. Dans le cadre du procès, plusieurs avocats de la partie civile se sont offusqués, ce jeudi matin devant la cour d’assises de Bruxelles, du fait que la facture d’hôtel d’un témoin entendu mercredi soir a été remise à la cour par le biais de l’accusé. Ceux-ci ont dit soupçonner que l’accusé entretient, de manière générale, des contacts avec certains témoins pendant le procès. « Une tempête dans un verre d’eau », a réagi la défense, expliquant que cette facture n’avait pas été remise directement par le témoin à l’accusé.

Le témoin a voulu remettre sa facture hier soir au greffier mais il n’a pas voulu la prendre

« On a un vrai problème dans ce procès. Il est pollué par des contacts que l’accusé a avec des témoins », a commenté Me Eric Gillet, conseil de la partie civile.

Me Jean-Pierre Jacques, conseil de la défense, a réagi en affirmant que l’une des personnes constituées partie avait elle aussi eu de nombreux contacts avec les juges d’instruction lors de l’enquête.

Finalement, en fin de matinée, Me Jean Flamme, également conseil de la défense, a donné une explication à la cour sur cet incident, après en avoir discuté avec son client. « Le témoin a voulu remettre sa facture hier soir au greffier mais il n’a pas voulu la prendre. Le témoin l’a alors remise au neveu de Fabien Neretse qui était présent dans la salle et celui-ci l’a remis ce matin à mon client », a-t-il exposé, parlant de « tempête dans un verre d’eau ».

Les témoins affirment que Fabien Neretse a participé à une réunion où la destruction de maisons a été ordonnée

Jeudi matin, la cour a entendu trois témoins qui ont vécu à Mataba pendant le génocide en 1994. Ceux-ci ont notamment affirmé avoir vu Fabien Neretse participer à une réunion où la population de Mataba était conviée, aux côtés du préfet de Ruhengeri, du sous-préfet, du bourgmestre de Mataba et d’un autre responsable local.

Les témoins ont précisé que Fabien Neretse n’y avait pas pris la parole. Mais l’un d’eux a indiqué que le préfet avait déclaré, lors de cette réunion: « regardez-vous », pour que les gens « détectent si il y avait des inyenzi (cafards) parmi nous. Et on a constaté qu’on se connaissait tous ».

Le témoin a ajouté que le préfet avait demandé aux habitants de Mataba de détruire les maisons, « les maisons qui étaient vides, celles dont les propriétaires étaient pourchassés pendant le génocide, pour effacer les preuves ».

Des Batutsis, une Belge et sa famille tués il y a 25 ans

Fabien Neretse, un Rwandais de 71 ans résidant en France, est accusé de crime de génocide et de crime de guerre pour avoir, en tant que co-auteur, tué un nombre indéterminé de personnes, dont treize ont été identifiées et dont certaines étaient des Batutsi . Les faits s’étaient produits au Rwanda en 1994, durant le génocide contre les Batutsi et le conflit armé qui a opposé les Forces Armées Rwandaises (FAR) et le Front Patriotique Rwandais (FPR).

Fabien Neretse est en particulier accusé d’avoir dénoncé, le 9 avril 1994 à Kigali, plusieurs Batutsi dans son voisinage du quartier Nyamirambo. Elles avaient été interceptées par des militaires alors qu’elles s’apprêtaient à quitter leurs maisons pour se réfugier dans un camp de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar). Ceux-ci les avaient abattues. Parmi les victimes figuraient une Belge, Claire Beckers, son mari, Isaïe Bucyana, et leur fille Katia.

L’accusé est aussi suspecté d’avoir créé, entretenu et financé une milice d’Interahamwe dès la mi-avril 1994, dans son village natal de Mataba (Nord-Ouest du Rwanda) où il était considéré comme « un seigneur en ses terres », selon les enquêteurs. Cette milice est responsable de nombreux crimes, selon l’accusation.

Fabien Neretse, lui, a expliqué qu’il avait engagé de jeunes hommes de la région pour renforcer l’équipe de gardiens de l’école ACEDI-Mataba, qu’il avait fondée en 1989, à la suite d’agressions d’élèves Batutsi par des élèves Bahutu extrémistes. Il conteste les affirmations selon lesquelles ces nouveaux gardiens étaient en réalité des miliciens, logés et nourris par lui, et qui perpétraient des massacres dans la région de Mataba.