Une soixantaine d’historiens s’étonne du choix des experts de la commission sur le passé colonial de la Belgique. Par Belga
Une soixantaine d’historiens belges et congolais ainsi que de scientifiques des universités et établissements scientifiques fédéraux s’est étonnée lundi des choix des experts faits par les députés pour assister la commission spéciale de la Chambre chargée de se pencher sur le passé colonial de la Belgique.
« Il nous parait étrange que, contrairement au projet initialement prévu, la commission (dite Congo) ait amalgamé des historiens de la question coloniale à des avocats, des représentants d’associations de la diaspora congolaise ou d’institutions chargées de questions sociales contemporaines », écrivent-ils dans une carte blanche publié par les journaux ‘De Standaard’ et ‘Le Soir’.
« Par ce choix, cette commission oublie de séparer nettement ses deux missions. Elle entendrait donc réaliser un débat consacré à la réconciliation (entre Etats? entre ressortissants de ces Etats? entre groupes d’intérêts?) concernant le passé colonial, sans attendre les conclusions précises du rapport des historiens sur ledit passé », ajoutent les signataires, issus de toutes les grands universités du pays et de celle de Kinshasa (Unikin), dont le professeur Isidore Ndaywel è Nziem, et de sept établissements scientifiques fédéraux.
Selon eux, « cet empressement pose question dans la mesure où il s’agit d’une discussion politique qui ne peut en aucun cas être confondue avec cette étape préalable et indispensable de l’enquête historique et de ses résultats ».
Les signataires de la carte blanche jugent par ailleurs « assez étrange » qu’ait été écartée d’emblée la présence d’historiens travaillant dans l’établissement scientifique fédéral de Belgique « consacré par excellence » à l’Afrique centrale, à savoir le Musée royal d’Afrique centrale (MRAC) de Tervueren.
Selon eux, l’essentiel des archives susceptibles d’éclairer le monde scientifique est par ailleurs détenu par les Archives générales du Royaume et le MRAC.
« Où sont leurs représentants? Peut-on en outre comprendre l’absence d’historiens congolais, rwandais et burundais de réputation bien souvent internationale, ou se passer de l’expertise de plusieurs spécialistes académiques bien au fait de ces questions ou, encore, de celle accumulée depuis des décennies par les membres de l’Académie royale des Sciences d’Outremer (ARSOM)? », interrogent-ils.
La commission spéciale a choisi début août les dix experts qui doivent assister les parlementaires durant ses travaux. Le choix s’est porté sur une équipe multidisciplinaire comprenant cinq historiens, des experts en (re)conciliation ainsi que des représentants de la diaspora congolaise. « Tous sont au sommet et ont mérité leurs galons », avait commenté le président, Wouter De Vriendt (Ecolo-Groen).
Les historiens et scientifiques demandent dès lors que la recherche historique concernant le passé colonial soit confiée à un groupe indépendant, dont les membres seraient proposés par des institutions telles que susmentionnées, l’ARES (Académie de recherche et d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles), le VLIR (Vlaamse Interuniversitaire Raad) – les recteurs n’ont pas été consultés, soulignent-ils – et des universités congolaises, rwandaises et burundaises.
Ils suggèrent aussi que l’on soumette à ce groupe une série de questions précises et que l’on donne aux historiens concernés suffisamment de temps pour élaborer leurs réponses, en soulignant que les délais actuellement prévus sont irréalistes et que l’ampleur de la tâche telle que formulée actuellement est beaucoup trop vaste.
Les signataires réclament « surtout » que le volet historique soit complètement disjoint du débat politique concernant les questions actuelles relatives au racisme et à la gestion de l’héritage colonial (monuments, compensations éventuelles, etc.).
Pour eux, « une commission de réconciliation a certainement du sens, mais elle doit être tout à fait distincte de la recherche historique ».