Pour une levée de l’embargo..
Lorsque Faustin Archange Touadera, 63 ans, accéda en 2016 à la présidence de la Centrafrique après avoir élu au deuxième tour, bien rares étaient ceux qui auraient parié sur la longévité politique de cet ancien enseignant, détenteur d’un double doctorat en mathématiques obtenu à l’Université de Lille. Ne disait on pas que son autorité ne dépassait pas le périmètre de la capitale Bangui tandis que le reste du pays était la proie des bandes armées, chrétiens contre musulmans, « balaka » contre « anti balaka »…
De passage à Bruxelles le président Touadera apparaît désormais comme un homme sûr de lui, confiant dans le fait qu’en février 2019 un accord de paix a été signé entre le gouvernement et 14 groupes armés. Il est bien décidé à organiser et à remporter les prochaines élections prévues pour le 27 décembre prochain. Le nom de sa formation politique, « Mouvement Cœurs unis » est déjà tout un programme…Présentant son bilan, il souligne que « 17 millions d’électeurs se sont inscrits sur les listes, la remise au pas des groupe armés se poursuit à mesure que l’armée nationale se reconstruit et cette dernière est désormais présente sur l’ensemble du territoire. Tout récemment, 3800 nouvelles recrues ont été intégrées dans la gendarmerie nationale. » Le président souligne aussi que « la croissance économique a repris et oscille entre 3 et 4,5% tandis que l’inflation a été ramenée de 40 à 4% »
Au début de son mandat, le président Touadéra n’avait pas hésité à faire appel à la coopération militaire russe, ce qui avait fait couler beaucoup d’encre et fortement mécontenté les Français. Jusqu’aujourd’hui, le chef de l’Etat défend cette coopération : « elle était parfaitement légale, ayant été autorisée par le Conseil de Sécurité, car notre armée était frappée par un embargo sur les armes. Alors que nos hommes en formation avaient besoin d’armes pour s’entraîner, nul ne voulait nous en livrer et seule la Russie répondit positivement. » Passant sur le fait que la coopération militaire russe passait aussi par des groupes privés et des mercenaires qui avaient fait leurs « classes » en Tchétchénie, le président se félicite de cette assistance qui a permis de faire reculer les groupes armés qui se trouvaient aux portes de la capitale. Il assure que « les relations avec la France se sont aplanies, aujourd’hui la République centrafricaine est ouverte à tous les pays ». Cependant, c’est surtout l’Europe qui l’intéresse : « l’Union européenne représente notre premier partenaire, elle nous appuie dans le domaine de la sécurité, forme nos militaires, soutient aussi des services civils… »
Le président met aussi l‘accent sur la formation de son armée, désormais bien équipée. Cependant, alors que les groupes rebelles sévissent toujours dans de larges parties du territoire, il regrette fortement l’embargo toujours en vigueur : « alors que nous devons toujours faire face aux attaques de la LRA (Lords resistance army, un mouvement dirigé par Joseph Kony ) qui opère depuis l’Ouganda tandis que Boko Haram mène également des incursions au départ du Tchad, notre armée ne peut se procurer les armes qui lui sont nécessaires. Et cela alors que nos troupes pourraient épauler la Minusca (la mission des Nations unies toujours déployée sur le terrain)… » Même s’il ne le déclare pas ouvertement, c’est dans l’espoir que ses alliés européens approuvent la levée de cet embargo que le président centrafricain a rencontré Charles Michel, le président du Conseil européen. Se préparant à affronter des rivaux comme Catherine Samba Panza qui avait assuré la transition ou Anicet-Georges Dologuélé, un ancien Premier ministre qui avait remporté le premier tour des élections précédentes, le président Touadéra espère aussi que l’Europe contribuera au financement du scrutin. S’il est venu à Bruxelles c’est aussi pour s’en assurer.

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