Le M23 est un des 187 groupes armés liés à leurs communautés en RDC. Dans ce contexte d’un environnement où pullulent des groupes armés, la fin des activités du M23 ne peut pas amener la paix en RDC. La dissolution du M23 signifierait un groupe armé de moins sur le terrain mais pas la paix pour le pays. Cependant, l’éradication de la culture des rébellions doit commencer par mettre fin à la culture de haine ethnique, manipulation politicienne, populisme et tribalisation des institutions congolaises.
Congolais avant tout
Il y a des facteurs qui rendent la compréhension des revendications du M23 plus difficile.
La première chose dont il faut tenir compte est que les combattants du M23 sont congolais. Qu’ils soient soutenus par des pays étrangers ou pas. L’existence des soutiens extérieurs constituent un sujet pour un autre débat. Leur nier leur « congolité » c’est légitimer d’avantage leur cause. La plupart parmi eux sont des jeunes refugies Congolais qui ont été exclu de leur pays, la République Démocratique du Congo (RDC devenant des apatrides de fait. Contrairement aux caractérisations qui circulent sur les réseaux sociaux, les combattants du M23 ne sont pas que de tutsi. Parmi eux, il y a de nombreux Hutus ainsi que d’autres tribus. Leur président n’est-il pas Mushi ? Le porte-parole de leur branche armée l’Armée Révolutionnaire Congolaise (ARC en sigle) n’est-il pas du Bas-Congo ?
L’histoire de la République Démocratique du Congo reste meconnue par un bon nombre de citoyens congolais, ce qui les rend tellement innocents, mais aussi irresponsables. La crise actuelle de l’Est date des plusieurs années, mais s’est accentuée vers la période 1990 avec l’avènement du multipartisme et ses corollaires des conférences nationales souveraines par la situation du rejet d’identité des Rwandophones (Hutus et Tutsis) et autres membres de la communauté des Bashi ayant les fasciés Tutsis.
Cette culture d’irresponsabilité devient un problème d’Etat lorsqu’une personnalité de haut rang en l’occurrence le Président de l’Assemblée nationale Monsieur Mboso Kudia Pwanga epouse un discours extrémiste. Récemment sans aucune honte, lors d’une plénière relayée en directe sur la télévision nationale il a dit à l’Honorable Moise Nyarugabo de “rentrez chez vous”. Ce comportement osé et illégal qui consiste à traiter un députe élu, ancien Sénateur et questeur du Senat durant la transition est un acte de très haute irresponsabilité qui rappelle le fameux parlement des années 1990-1995 au sein du Haut Conseil de la République/Parlement de Transition (HCR/PT) sous la houlette du tristement célèbre Anzuluni Bemba Isilonyonyi qui avait ordonné la mise sur place de la commission Vangu. Cette commission avait recommandé la chasse de l’homme Tutsi. Un ultimatum de 7 jours contre les tutsis avait été lancé par Lwaboshi et Shyekwa. C’est suite aux évènements qui s’en sont suivis que plus tard Moise Nyarugabo est devenu membre du parlement pour représenter sa région.
Les M23 et le régime actuel de Kinshasa
Il est judicieux de rappeler à la population congolaise et surtout aux simples citoyens que tous les régimes qui passent au pouvoir à Kinshasa instrumentalisent la problématique des Tutsis de l’Est de la république pour pérenniser leurs dictats. Tenez : en y regardant plus profondément, comme les élections présidentielles doivent normalement être tenues en 2023, une crise comme celle des M23 doit être souhaitable par le régime de Kinshasa. Donc plus le mouvement a un profile qui bouge les acteurs internationaux, plus c’est mieux pour permettre une annulation des élections. Il y a déjà ces indications dans une déclaration du ministre de l’Information, SE, Muyaya. La constitution prévoit aussi que si une partie du territoire national est affecté par des évènements qui perturbent les opérations de la Commission Électorale Indépendante (CENI), les élections peuvent être annulées.
Du point de vue géostratégique, il y a des instruments politiques très efficaces pour ces pouvoirs qui se succèdent à Kinshasa, plus particulièrement et du point de vue général qui profitent aussi aux acteurs et partenaires de la république. On peut noter: (i) La haine contre les Rwandophones ou les Tutsis spécifiquement (congolais ou pas), (ii) une crise dans le pays impliquant les Tutsis ou Rwandophones et (iii) cela devient plus avantageux politiquement pour le régime si le Rwanda est impliqué.
En effet, depuis les années 1990, les candidats aux différentes instances politiques provinciales ou nationales font des compétitions sur base de leur degré de la haine qu’ils ont contre les Tutsis ou Rwandophones. Il y a souvent deux options quand il s’agit de poursuite et maintenance du pouvoir politique ou religieux.
(i) Plusieurs autorités politiques ou religieux refusent ou évitent de se prononcer sur des violences contre les Tutsis de peur qu’ils perdent leurs bases. 2.
(ii) Beaucoup d’autres tiennent des déclarations publiques et politiques qui démontrent non seulement leurs positions extrêmes mais aussi proposent des actions et des décisions en défaveurs des Tutsis Congolais. Par exemple s’il y’a un pays qui devrait être plus redevable que le Rwanda à l’affaire M23 : c’est l’Ouganda. Ce dernier n’a jamais nié qu’il soutient les M23. Les M23 étaient inactifs à Sarabwe (en RDC) depuis 2017 et le régime du président Felix Tshisekedi était informé depuis 2019. Mais l’instrument politique ne peut pas jouer au Congo en disant que “nous faisons la guère aux Ougandais”! Dans le même contexte, le Burundi vient de faire trois interventions en RDC, la première était informelle, la deuxième était basée sur des accords entre les deux armes, la troisième et l’actuelle est sous couvert de la communauté des pays de l’Est (EAC). Le public en RDC et les médias n’en parlent presque pas.
Bref, ces instruments sont les seuls moyens qui unissent et dans lesquels se ressourcent toutes les couches congolaises, classes politico-militaires et sociales, religieux voire même les kulunas. A ce sujet ils n’ont aucune divergence. Pour d’autres points ou sujets c’est la tour de Babel. Sur ce point précis de reddition de comptes publics, la quasi-totalité des Congolais perdent la direction et l’opportunité de questionner les réalisations politiques à leurs dirigeants. Ces derniers ne secouent que la corde raide ethnique en toute occasion pour offusquer leurs mégestions en tous les temps et surtout lorsque l’on approche les échéances électorales. Ainsi le cercle vicieux infernal reste d’actualité. Pour les pouvoirs de Kinshasa, la question des tutsis en RDC est une arme impeccable pour justifier le glissement et les échecs.
Donc, il est important de prendre en compte ces facteurs dans toute analyse ou tentatives de résolution de cette crise. Ces instruments politiques souvent emportent les Congolais et personne ne pense plus aux programmes politiques. Fayulu peut tout simplement dire que les Banyamulenges n’existent pas et il sera voté pour ça. En 1990 – 1992, les députés Sud et Nord Kivutiens avaient donné une seule condition à Mobutu, “chassez-nous ces Rwandais et nous allons te soutenir”. Cette culture continue et elle obscurcit notre compréhension sur les revendications du M23.
Question de M23 et négociations
En cas de conflit on négocie soit quand une partie est faible ou si les deux parties se battent jusqu’à une impasse. Pour le moment les deux options ne sont pas réunies car les FARDC combattent une rébellion qu’ils ne reconnaissent pas.
Donc, selon le pouvoir de Kinshasa, une partie au conflit n’existe pas. Cette situation rend le conflit complexe. En prenant l’option de ne pas reconnaître le Mouvement M23, Kinshasa a voulu que l’autre partie soit le Rwanda. Ce choix qui exclut le M23 avantage le Rwanda et la RDC. Pour le Rwanda, la voie diplomatique démontre un processus des mécanismes politiques qui peut contenir les risques et agressions potentielles contre lui à partir de la RDC.
Pour la RDC, cette situation présente un avantage car elle se dit que c’est une preuve (à son peuple et à la communauté internationale) que ce conflit l’oppose à un autre pays (le Rwanda) plutôt qu’une rébellion interne qui a des revendications claires. Le pouvoir de Kinshasa préfère externaliser les revendications et problèmes de ces citoyens Tutsis.
Mais il y’a une question importante dans cet arrangement, le Rwanda ne représente pas le M23 et ne saurait pas résoudre ces revendications. Soutenir ne veut pas dire représenter. Par le passé, le Rwanda avait soutenu et aidé Laurent Désiré Kabila à prendre le pouvoir. Cependant, il est devenu son « propre home » et s’est en quelque sorte rebellé contre son ancien allié. Les deux pays peuvent bien évidement discuter sur les tensions entre eux. Le Congo accuse le Rwanda de soutenir les combattants du M23. Le Rwanda accuse le Congo de soutenir les FDRL. Ces deux choses n’ont rien n’avoir avec les revendications du M23. La revendication fondamentale du M23 reste sans solution. Si un jour le Rwanda et la RDC décident de discuter sur la question de la rébellion du M23, celui-ci ne servira que comme une ressource politique pour amener les deux pays autours d’une table de négociation.
Quelles sont les revendications du M23?
Tout d’abord le M23 n’est pas une nouvelle entité pour SE Mr le président Félix Tshisekedi. Lorsqu’il était à l’opposition il les a rencontrés plusieurs fois en Ouganda, Il les a logés à l’hôtel à Kinshasa en 2019 pendant plus de six mois. Après leur chute en 2013, président Museveni s’est porté garant. Il a demandé leur sortie de Goma, et avait promis de discuter leurs revendications avec l’ancien président Joseph Kabila. Ce dernier a continué le dialogue via le Feu General Kahimbi et autres envoyés spéciaux. Il y’a eu des accords à Kampala. Joseph Kabila contribuait d’ailleurs à leur prise en charge en Ouganda. Les promesses faites au M23 ne se sont jamais réalisées. Il y’a des rapports qui montrent que Joseph Kabila a pris certaines unités de M23 pour protéger la compagnie canadienne Banroe en RDC. Après 5 ans en Uganda, le M23 a demandé de l’Ouganda la liberté pour rentrer chez eux au Congo. L’Ouganda a refusé et a exigé la patience. Joseph Kabila n’a pas toujours obéi aux promesses faites. Pour finir, ils ont pris fuite vers Sarabwe (entre Muhabura et Sabyinyo) en 2017. De là, ils ont continué de faire des entrainements militaires. Quand ce fut le tour de Fatshi, il prefera ne pas tenir les promesses faites par l’État Congolais Donc le M23 a de relations de longue date avec l’État Congolais.
Quand les deux présidents (Felix Tshisekedi et Paul Kagame) entretenaient encore de bonnes relations, le M23 existait déjà et se trouvait en RDC.
Le M23 revendique le retour des réfugiés Congolais se trouvant au Rwanda et en Ouganda. Les combattants du M23 revendiquent la non-discrimination contre les Rwandophones. Ils revendiquent des questions politiques comme leur intégration dans l’armée mais aussi la libération de leurs prisonniers. Ils revendiquent la cessation de haine tribale. Ils revendiquent que les FARDC soit une institution qui garantisse une protection équitable à tous.
Donc, entre le Rwanda et la RDC, la question de soutien aux M23 est secondaire : en relations internationales, un pays voisin constitue un ennemi potentiel par le simple fait de voisinage.
Dans l’histoire de la Région des Grands Lacs, il n’y a rien d’étonnant qu’un groupe rebelle qui attaque un pays soit soutenu par un pays étranger. Joseph Kabila Kabange avait soutenu l’ancien mouvement rebelle FDD-CNDD qui se battait contre le pouvoir militaire de Bujumbura. Le Rwanda a soutenu Mzee Laurent Kabila pour accéder au pouvoir avec le mouvement Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL). Le président Mobutu a soutenu le président Habyarimana contre les rebelles du Front Patriotique Rwandais (FPR). Les premiers rebelles des Forces Alliés Démocratiques (ADF) qui se battent depuis des années contre Kampala étaient une fois soutenues par le président Mobutu.
Quant au M23, il y a des questions intéressantes à poser ? (i) Pourquoi tous les accords signés depuis Joseph Kanambe Kabila ne soient jusqu’à ce honorés ? (ii) Pourquoi les promesses qu’avait faites Antoine Felix Tshisekedi aux combattants du M23 n’ont pas été respectées ? (iii)Pourquoi toutes les instances régionales (EAC, SADEC) et internationales (Nations-Unies, UE, et UA) demandent au pouvoir de Kinshasa de négocier mais que celui-ci ne n’y intéresse pas ? Pourtant sur le terrain, les combattants du M23 gagnent les batailles contre l’armée nationale Congolaise dont les militaires sont de plus en plus démoralisés. Face à cette situation, comment expliquer le refus du pouvoir de Felix Tshisekedi de privilégier la voie de négociations ?
Le M23 est un des 187 groupes armés liés à leurs communautés en RDC. Dans ce contexte d’un environnement où pullulent des groupes armés, la fin des activités du M23 ne peut pas amener la paix en RDC. La dissolution du M23 signifierait un groupe armé de moins sur le terrain mais pas la paix pour le pays. Cependant, l’éradication de la culture des rébellions doit commencer par mettre fin à la culture de haine ethnique, manipulation politicienne, populisme et tribalisation des institutions congolaises. Tant que les conflits et violences inter-ethniques sont des instruments politiques, les mécanismes de paix auront toujours des défis. Tant que les institutions sécuritaires n’assurent pas la protection équitable à toutes les communautés, il y aura toujours des espaces des rebellions comme le M23.
Les solutions aux problèmes de la RDC doivent partir de racines des conflits interethniques. Les décisions politiques doivent être basées sur des décisions qui assurent l’inclusion et la cohésion sociale. Les immixtions et soutiens speculatifs extérieurs ne profitent que des cassures de la société congolaise.
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