MAMOUDZOU (AFP) — Le tribunal supérieur d'appel (TSA) de Mamoudzou a rejeté vendredi la demande d'extradition d'un Rwandais, Pascal Simbikangwa, recherché pour participation présumée au génocide de 1994 et interpellé le 28 octobre à Mayotte, a-t-on appris de source judiciaire.

Le ministère public avait demandé à la Cour d'ordonner un complément d'information, notamment parce que les copies des textes de loi rwandais concernés n'avaient pas été joints à la demande d'extradition, comme le prévoit le code de procédure pénale, a indiqué à l'AFP Marc Brisset-Foucault, procureur général près le TSA.

Il avait également évoqué un jugement du tribunal pénal pour le Rwanda (TPIR) qui avait refusé de remettre un suspect aux autorités rwandaises, au motif que le système judiciaire rwandais n'apportait pas toutes les garanties de procès équitable, notamment concernant la présence des témoins à décharge.

Il a encore cité un rapport de l'ONG Human Rights Watch critiquant la peine encourue (réclusion perpétuelle avec 20 ans d'isolement cellulaire).

L'avocate de M. Simbikangwa, Me Sylvie Prat, a de son côté demandé à la Cour de rejeter la demande rwandaise. Elle a cité la Cour d'appel de Toulouse, qui a rejeté une demande similaire en octobre en soulignant que le complément d'information ordonné n'avait pas permis d'obtenir de précisions, après plusieurs mois.

Le parquet a cinq jours pour se pourvoir en cassation. M. Brisset-Foucault a indiqué à l'AFP qu'aucune décision n'avait encore été prise.

M. Simbikangwa, né en 1959, avait été interpellé le 28 octobre dans le cadre d'une enquête sur un trafic de faux papiers. L'enquête a permis de découvrir qu'il était recherché par Interpol à la demande des autorités rwandaises notamment pour génocide et complicité et conspiration de génocide, crime organisé.

Il reste en détention provisoire dans le cadre de cette affaire de "faux-papiers et aide au séjour irrégulier en bande organisée,", a souligné le procureur général.

Les autorités rwandaises n'avaient pas envoyé d'avocat ou de représentant à l'audience, a indiqué le procureur général.

Les relations entre Paris et Kigali sont très tendues depuis le génocide. L'arrestation dimanche en Allemagne, à la demande de la France, de Rose Kabuye, directrice du protocole présidentiel et membre du premier cercle du président rwandais Paul Kagame, a aggravé cette tension.

Mme Kabuye est un des neuf responsables rwandais recherchés par la justice française pour leur participation présumée à l'attentat contre l'avion du président hutu rwandais Juvénal Habyarimana, en avril 1994. Le Rwanda a rompu en novembre 2006 ses relations diplomatiques avec Paris pour protester contre ces mandats d'arrêt.

L'attentat contre M. Habyarimana avait servi de détonateur au génocide contre les Tutsi et les Hutu modérés, qui a fait environ 800.000 morts selon l'ONU.

Kigali accuse la France d'implication dans le génocide, ce que la France dément.

En août dernier, une commission d'enquête rwandaise, dont Paris récuse la légitimité, a accusé nommément 33 dirigeants politiques et responsables militaires français de l'époque d'avoir "participé" au génocide. Le Rwanda menace de lancer des mandats d'arrêt contre certains de ces responsables.

Posté par Cathy et Jose