Benjamin Neumann – 
Eugène Nyagahene, devant ses bureaux à Nairobi.

Malgré les troubles politiques qui secouent l’Afrique et qui ont à plusieurs reprises malmenés ses affaires, Eugène Nyagahene, 52 ans, qui se voit comme un entrepreneur-pionnier, est toujours retombé sur ses pieds, preuve selon lui que l’Afrique est un continent riche en opportunités.

Télévision, radio, voiture de location, café, internet, mini-ordinateur, Eugène Nyagahene est un entrepreneur insatiable. A 52 ans, ce burundais a connu plusieurs vies et gère une multitude de business, plus ou moins grand entre le Rwanda, où son groupe principal a son siège et le Kenya, « l’incontournable plate-forme régionale ». Il se définit lui-même comme « un pionnier : nous sommes de plus en plus nombreux à croire que notre avenir est sur le continent. Nous sommes en train de devenir des exemples pour les jeunes ». Et pourtant, au vu de son parcours chaotique, il aurait pu tout abandonner depuis très longtemps et s’installer à Lille, « son port d’attache », où il possède une résidence secondaire, sa femme étant originaire du nord de la France.

Après des études de sciences économiques au Cameroun qu’il conclut par une maîtrise en 1983, il rejoint son père en République démocratique du Congo, qui s’appele alors encore Zaïre. Il décide de se lancer dans les affaires. « Je n’avais pas de visas pour l’Europe et je n’étais pas attiré par la fonction publique », explique ce père de trois filles. Une année plus tard, il créé sa première entreprise qui commercialise des camions et des pièces de rechange, puis deux ans après monte une société de location de voitures avant d’en lancer une troisième dans le matériel minier. Alors qu’il est en France en lune de miel, les pillages de 1991, qui sonnent la fin de l’ère Mobutu, réduisent tout à néant. En quelques heures, il perd tout. Il lui reste 2 000 dollars en poche. Mais il retourne en Afriqu, une foi en titane en bandollière : « Les opportunités étaient à la hauteur des défis ».

Mais prudent, il change sa « vision des affaires et investit dans l’immatériel, le business virtuel ». Il convainc, « avec difficulté », des banquiers de financer un émetteur télévision au Burundi. On est au lendemain du discours de La Baule, qui fait souffler un vent de liberté sur le continent. C’est la fin du monopole d’Etat sur la télévision, Eugène Nyagahene s’engouffre dans la brèche et les affaires marchent plutôt bien. Télé 10, une chaîne de télévision payante se développe au Congo-Brazzaville, en Côte d’Ivoire, en Ouganda…, en tout dans dix pays d’Afrique de 1993 à 1996… Jusqu’à ce que les troubles, qui naissent dans ces pays à cette époque, bousculent à nouveau ses plans, et il se recentre sur la région des Grands Lacs.

En parallèle, ce passionné de golf, qui choisit les hôtels en fonction de leur proximité avec un 18 trous, avec une préférence pour celui de Cap Code, au nord de Boston, multiplie les projets : franchise Europcar en Ouganda, au Burundi et au Rwanda, petit avion, boulangerie industrielle, dans l’internet, dans la radio… Au Rwanda, où il a de la famille, il investit dans le café pour aider les rescapés du génocide. D’un petit projet, inscrit dans une démarche humanitaire, il fait un business viable : il vend 200 tonnes de café par an à la compagnie américaine Starbucks.

Depuis son groupe, qui pesait 40 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2008, s’est lancé dans la vente de mini-ordinateurs sous sa marque Campus. Il s’appuie sur les étudiants et utilise la méthode des réunions « Tupperware » pour écouler ses notebooks, accessibles entre 200 et 400 dollars…, mais aussi sur les boutiques Orange du Kenya. Il veut se lancer dans les contenus télévisuels, créer une plateforme d’e-commerce… Insatiable.

 

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Posté par rwandaises.com