Publié le 29/10/2008 à 19:13 Reuters

Les rebelles déclarent un cessez-le-feu en RDC

Réfugiés dans un camp de fortune près de Kibati, à 12 km au nord de Goma, capitale de la province congolaise du Nord-Kivu. Selon le porte-parole de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo, les rebelles congolais du général dissident Laurent Nkunda ont décrété un cessez-le-feu mercredi. /Photo prise le 29 octobre 2008/REUTERS

Les rebelles du général Laurent Nkunda, qui ont lancé il y a quatre jours une offensive dans l'est du Congo démocratique, ont décidé un cessez-le-feu alors qu'ils approchaient de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu.

"Le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) a déclaré un cessez-le-feu", a indiqué Madnodjé Mounoub, porte-parole de la Mission des Nations unies au Congo démocratique, dont les forces étaient directement menacées par l'avancée rebelle.

Auparavant, le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, en visite à Manille, avait appelé à la cessation des combats, qui ont provoqué selon lui une crise humanitaire "aux dimensions catastrophiques".

"Il déplore que l'on utilise des civils comme boucliers humains et que les belligérants en fassent délibérément des cibles", a ajouté sa porte-parole, Marie Okabe.

De son côté, la France, qui assure la présidence de l'Union européenne, a dit discuter de l'envoi d'une force européenne sur place, tout en précisant que plusieurs pays y étaient opposés.

"Nous avons évoqué un groupe qui s'appelle le 'groupe tactique'. Ce 'groupe tactique' est une garde militaire qui par roulement peut offrir entre 400 et 1.500 hommes que l'on pourrait déployer au nom de l'Europe dans les huit à dix jours", a dit le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

"Est-ce possible ? Pour le moment, un certain nombre de pays ont refusé", a-t-il poursuivi, ajoutant : "J'espère que la présidence française fera une proposition dans les jours qui viennent."

Les combats ont provoqué depuis quatre jours l'exode de milliers de civils.

Après de violentes manifestations de la population, la majeure partie du personnel civil a évacué le QG de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc) situé dans les quartiers nord de Goma pour se mettre à l'abri dans un complexe sur la rive du lac Kivu, plus près de la frontière rwandaise, dans un endroit accessible par bateau.

"C'était affreux (…) Des jeunes gens en colère nous ont lancé des pierres, brisant les pare-brise des voitures et les fenêtres des bâtiments", a raconté un membre de la Monuc.

Un témoin a fait état de "très violents combats" à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, d'où provenait le bruit des tirs d'artillerie et d'armes automatiques.

Des milliers de civils et plusieurs centaines de soldats gouvernementaux venant du Nord sont entrés dans la ville. Les forces gouvernementales se retirent vers l'aéroport.

TIRS À LA FRONTIÈRE RWANDAISE

Le chef de la Monuc, Alan Doss, a déclaré dans une liaison vidéo que ses forces avaient "atteint leurs limites". "J'espère que nous recevrons des renforts le plus rapidement possible afin que nous puissions remettre le processus de paix sur les rails", a-t-il dit.

"Nkunda répète qu'il va prendre Goma. Entre lui et la ville, il n'y a plus que le contingent indien de la Monuc et certains chefs de ce contingent ne semblent guère disposés à se battre", a dit un diplomate occidental.

A Kigali, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Rosemary Museminali, a accusé l'armée congolaise d'avoir tiré sur le territoire rwandais lors de combats contre les rebelles.

"Il y a eu une incursion à la frontière et les FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) ont tiré en direction du territoire rwandais", a-t-elle dit à Reuters. "Le Rwanda a aussitôt informé le gouvernement congolais et les soldats se sont retirés." Elle a ajouté que l'armée rwandaise n'avait pas exercé son droit de poursuite.

Toutefois, un colonel de l'armée gouvernementale congolaise, Jonas Padiri, a affirmé pour sa part à un journaliste de Reuters à Kibati, à l'entrée du parc national de la Virunga, à une dizaine de km au nord de Goma, que ses hommes avaient essuyé des tirs venant du territoire rwandais.

La Monuc a précisé avoir repoussé les rebelles tutsis mardi en envoyant des hélicoptères bombarder leurs positions près de la ville de Kibumba, à 20 km au nord de Goma.

LES HOMMES DE NKUNDA À RUTSHURU

Malgré cette intervention, les rebelles ont mis en déroute les forces gouvernementales le long d'une route stratégique plus au nord et sont entrés mardi soir dans la ville de Rutshuru, à 70 km de la capitale provinciale.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés se prépare à accueillir 30.000 civils fuyant les combats dans son camp de Kibati, à 10 km au nord de Goma.

Le CNDP accuse l'armée congolaise de collaborer avec les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), qui rassemble des miliciens hutus et d'anciens soldats rwandais impliqués dans le génocide des Tutsis de 1994 au Rwanda.

Le Nord-Kivu est en proie depuis des mois à la rébellion du général Nkunda, un Tutsi congolais insurgé contre le pouvoir central de Kinshasa, lequel l'accuse de bénéficier d'appuis chez les Tutsis au pouvoir à Kigali, la capitale rwandaise.

L'est de l'ex-Zaïre est une poudrière depuis plus de dix ans. Les tensions ethniques qui avaient dégénéré en génocide en 1994 au Rwanda y ont été transplantées et alimentent le conflit dans le nord du Kivu.

Avec Joe Bavier à Kinshasa, Frank Nyakairu à Kigali, Patrick Worsnip aux Nations unies, David Lewis à Abidjan, Manny Mogato à Manille et Andy Cawthorne à Nairobi, version française Guy Kerivel et Jean-Loup Fievet

 

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